
Interne dans l'Océan Indien
Bonjour a zot ! (Bonjour à tous et à toutes)
L'aventure a commencé sur un coup de tête (un peu réfléchi tout de même) après avoir entendu des récits de La Réunion par des amis. La chaleur du soleil, le bruit de la nature et l'odeur de la mer m'ont transportée.
Après un été bien chargé, entre voyage et FFI(il faut bien remplir les caisses avant de dépenser), me voici donc, avec mes trois valises et mon sac à dos, le 29 octobre 2023 dans un avion, prête à décoller pour l'autre bout de la Terre. Je quittais définitivement le nid douillet des parents.
Objectif dès l'atterrissage : réussir à prendre le bus avec tous mes bagages et arriver à ma toute première coloc. Mais avant ça, surprise, ils n'avaient pas menti sur la chaleur et la petite zoreille venue tout droit de Normandie n'était pas prête !
On change donc les objectifs : première étape, retirer le manteau et le pull , et seulement ensuite marcher, faire rouler mes deux valises, en porter une autre avec mon sac à dos en plus, jusqu'à l'arrêt de bus. Sacrée épreuve !
J'ai fait la découverte de mes nouveaux colocs et de la vie en autonomie (wouaaah incroyable l'indépendance !!!), avec une vue dépaysante sur les champs de canne et le coucher de soleil entre les montagnes.
Mais pas le temps d'admirer que le deuxième objectif se profile déjà. Sans voiture, il me fallut trouver rapidement un vélo (électrique s'il vous plaît) pour aller en stage (et oui il y a un air de vacances mais je suis venue pour travailler tout de même). L'île compte plusieurs hôpitaux et deux CHU, répartis un peu partout. L'internat de Médecine Générale peut donc se réaliser intégralement sur l'île avec un grand nombre de services agréés.
Une fois bien installée dans ma chambre et le vélo trouvé, c'était l'heure d'aller en stage. Imaginez-vous tous les jours vous balader avec la montagne d'un côté, la mer droit devant, le tout sous le soleil !
Bon j'ai menti, tous les jours le soleil, c'est faux, je me suis pris de belles averses.
Ce qui m'a le plus déconcertée lors des consultations, c'est la place que prend la tizane dans la culture des patient·es. En plus d'essayer de comprendre le créole, il a fallu s'adapter aux traditions ancestrales.
Malgré l'inscription de plusieurs plantes réunionnaises à la pharmacopée française, cela n'est pas toujours facile… Et expliquer à la patiente qui a 200 de tension, ou à celui qui a 15 % d'HbA1c, que sa tisane du soir ne peut remplacer le traitement antihypertenseur ou l'insuline n'est pas toujours évident…
La population est à haut risque cardiovasculaire. Le diabète de type 2 est très précoce, ou découvert à un taux d'HbA1c très élevé (16,7 % le record). Les pathologies cardiovasculaires comme les AVC ou les IDM sont également présentes à un jeune âge. Il ne faut donc jamais sous-estimer ces symptômes même à 30 ans.
Vient enfin le moment de la découverte ! C'est une île volcanique toujours active, et après 1 an, j'attends toujours son éruption ! L'île s'est construite autour de La Fournaise, de telle sorte que les paysages, les reliefs, la faune et la flore ne sont pas les mêmes d'un coin à l'autre de l'île.
D'un côté, il y a le Sud-Est sauvage, avec les anciennes coulées de lave, allant jusqu'à la mer, qui ont formé des tunnels de lave explorables. Mieux vaut être bien équipé·e et ne pas s'y aventurer tout·e seul·e, car sans lumière c'est nuit noire, et un mauvais sens de l'orientation ou une chute sont vite arrivés !
Vient ensuite l'Ouest avec ses plages et son lagon pour le snorkelling et la baignade, sans oublier ses beaux couchers de soleil. Gare à ceux qui se risqueront en dehors du lagon, les requins guettent. Petite astuce, si personne n'est dans l'eau, n'y allez pas !
Le Nord abrite Saint-Denis, la capitale, une ville culturellement riche en termes d'art, d'histoire, et de lieux de culte. Elle est également une ville animée le soir, pour cela il faut se rendre au Barachois ou au Carré Cat' (pour Cathédral).
L'Est finit ce tour de l'île avec ses nombreux bassins et cascades, rafraîchissants l'été. Étant plus arrosé pendant la saison des pluies , l'écosystème y est beaucoup plus luxuriant et diversifié tant en termes de flore que de faune.
À l'intérieur des terres se situent les cirques, façonnés autour de l'ancien volcan, le Piton des Neiges. Il y en a trois : Mafate, accessible uniquement à pied, Cilaos et Salazie. Ils ont les lieux de nombreuses randonnées donnant accès à des points de vue tous plus beaux les uns que les autres.
La Réunion est un beau mélange de toutes les religions (catholique, musulmane, tamoule…) et de toutes les origines (africaine, asiatique, européenne…). On retrouve donc des lieux de culte un peu partout sur l'île, comme des mosquées , des églises/cathédrales ou encore des temples tamouls , parfois à quelques rues des uns des autres, qui cohabitent parfaitement ensemble.
Qui dit plusieurs religions, dit plusieurs fêtes. J'ai eu l'occasion d'assister au Dipavali, fête tamoule de la lumière, avec ses défilés de chars et de danseuses et danseurs ; ainsi que de participer au Holi, fête des couleurs également tamoule.
La Réunion n'est pas la porte à côté donc ce n'est pas toujours possible de rentrer en hexagone… Notamment pour Noël ! Nous l'avons fait entre carabin·es, nous rassemblant avec les “internes de l'Est”. Tout simplement au bord d'une piscine avec de la musique. Chacun·e avait ramené à manger et à boire. En fin de soirée notre Secret Santa est passé et nous avons pu découvrir les cadeaux, plus ou moins sérieux, offerts à chacune.

En parlant de fête, le nouvel an à La Réunion, on en parle ?? C'est LA soirée qui réunit tout le monde. Je l'ai passée dans l'Ouest, à la plage avec mes ami·es, au son de la musique électro. On a grignoté quelques chips, bu des bières, ou du soft (pour ceux qui conduisaient on n'oublie pas d'être responsables), regardé le soleil se coucher sur la mer. La plage était bondée, certain·es se sont baigné·es, d'autres préparaient leurs feux d'artifice. Quand minuit sonna, je n'étais pas prête. C'est presque une heure de feux d'artifice de toutes les couleurs qui partaient de partout sur la plage, parfois à quelques mètres à peine de moi.

Je reviens sur la gastronomie. Dans l'assiette vous trouverez de tout, car il faut s'adapter à tout le monde : celles·ceux qui ne consomment pas de porc, celles· ceux qui ne mangent pas de viande et celles·ceux qui ne se nourrissent pas de cabris !
La cuisine créole reste la base, avec des plats nommés rougail et cari entre autres, composés de riz et de “grains”, nom local désignant les légumineuses, accompagnant la viande et le poisson. Pas de panique, pour relever tout ça vous trouverez toujours un petit pot de rougail à toutes les sauces : tomate, citron, concombre, mangue et j'en passe !
Mes plats préférés ? Le cabri massalé et le civet zourite au combava.
N'oublions pas les nombreux breuvages réunionnais… Incontournables également : les fruits ! Toute l'année, il y aura toujours de l'ananas, des bananes et des papayes. Puis se succèdent les saisons des différents fruits ; mes favoris sont les tangors (oranges péi), les goyaviers que l'on peut cueillir en randonnée, les fruits de la passion, les letchis, les mangues et bien d'autres encore ! Ici chacun son petit nom, le chouchou, les brèdes de toutes les variétés, qui sont en quelque sorte les fanes des légumes, les “pistaches”, qui sont pour nous des cacahuètes, etc.
Culturellement, l'île n'a rien à envier à l'Hexagone.
Avec plus de cent cinquante monuments classés au titre des monuments historiques, de nombreux musées relatent son passé. De son métissage à l'abolition de l'esclavage, en passant par l'exploitation du café (fameux café bourbon pour les connaisseur·euses) et de la canne à sucre. On peut donc visiter des musées d'histoire, d'art, d'anciennes usines sucrières, mais également des distilleries, avec en prime une petite dégustation de rhum (souvenir de la Saga du Rhum) !
Comment parler de son histoire, sans parler du Maloya et de son évolution, mélange de musique et de danse ancestrale à La Réunion, classé au Patrimoine Culturel Immatériel de l'UNESCO. De nombreux groupes de musique et de danse se produisent dans les bars, les théâtres. ou les salles de spectacles, ambiance assurée !

Du point de vue de la nature , près de 40 % de l'île est classée au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, permettant sa préservation. La biodiversité est vaste entre les flamboyants d'un rouge vif, les jacarandas violets, les hortensias de toutes les couleurs (ma fleur préférée, peut-être un projet de tatouage mais je n'en dit pas plus ), les orchidées de toutes les espèces, les vacoas et palmiers en bord de mer qui donnent des airs de vacances éternelles, je ne pourrais tous les citer ! Elle est aussi l'origine de découvertes, notamment celle de la fécondation des fleurs de vanille permettant d'obtenir des gousses de vanille bourbon.
La faune se concentre principalement autour des espèces marines, avec le ballet des baleines en milieu d'année, les oiseaux et leur pépiement, la colocation avec les margouillats et, pour mon plus grand malheur, les babouks, araignées géantes de l'île. Sans oublier les moustiques qui s'abreuvent littéralement de mon sang (oui j'exagère un tout petit peu). De plus, un Observatoire des tortues marines est présent sur l'île et oeuvre à leur sauvegarde.
L'île est sportive et débordante de loisirs.
Pour celles·ceux qui choisissent la mer , ils·elles auront le choix entre la plongée, le snorkelling, le paddle, le kitesurf et le surf à certains endroits contrôlés. Pour celles·ceux avides de sensation ou qui aiment prendre de la hauteur , pas de panique, il y a de quoi faire entre le canyoning, le rafting, l'escalade, le VTT, le parapente, l'ULM, l'hélicoptère…
Quant à celles·ceux qui préfèrent la terre, les activités seront tournées vers la randonnée, la spéléologie, l'équitation (ne me demandez pas comment ils sont arrivés ici) et le vélo, sans oublier le trail.
Vous avez sans doute entendu parler de la Diagonale des Fous , 165 km pour 10 000 m de dénivelé positif, parcouru en moins de 24h pour les meilleur·es. Avant que vous ne me félicitiez tous·tes, non je ne l'ai pas faite, je ne suis pas folle à ce point, prendre un avion oui, mais courir non !
À la place j'ai enfourché mon vélo (toujours électrique) pour un tour de l'île en quatre jours, et ce fut incroyable. Certaines étapes plus difficiles que d'autres, avec un paysage changeant d'une région à l'autre, et toujours de belles rencontres !
Attention, je vous vois arriver, j'ai pédalé quand même ! Je me suis entraînée en allant en haut de la Plaine des Palmistes, route qui traverse l'île, presque 30 km pour 1 800 m de dénivelé positif c'est déjà pas mal ! Bon, la montée fut éprouvante, j'y ai dépensé toute ma batterie, mais la descente fut tellement fun.
Comme dit précédemment, la randonnée est une activité phare à la Réunion, que je pratique bien évidemment, courir c'est toujours non mais marcher oui ! Il me reste tant à faire : le lever du soleil au sommet du Volcan et du Piton des Neiges, les circuits de Grandes Randonnées avec le GR R2 (traversée de l'île), le GR R3 (tour de Mafate) et le GR R1 (tour du Piton des Neiges), découvrir le bivouac …
Pour cela, il faut être en accord avec la météo… et faire attention aux cyclones. Nous avons eu la joie de rencontrer Belal le 15 janvier, cyclone tropical intense, qui nous a tenu·es confiné·es pendant presque trois jours. À l'abri chez moi, j'ai eu une petite pensée pour mes ami·es resté·es à l'hôpital pendant ce confinement. En même temps, avec des vents à 170 km/h et des vagues de 10 m de haut, qui voudrait sortir ? Il a même été décrété alerte violette, les véhicules de SMUR étaient interdits de sortie. Certain·es n'avaient plus d'électricité, d'autres plus d'eau ou ni l'un ni l'autre et j'ai fait partie de cette catégorie. C'est pas tout à fait vrai, il y avait parfois de l'eau, mais marron…
J'en profite pour vous parler des saisons ! Ici, il n'y en a que deux : l'été austral au premier semestre, et l'hiver austral au deuxième. Mais bien sûr quand je dis “hiver” j'entends plutôt comme un doux printemps dans les bas, et dans les hauteurs de La Réunion la cheminée est requise ! Cette saison est aussi moins humide et les soirées sont fraîches. Et avec l'été arrive la chaleur humide, étouffante, c'est la saison des pluies et des cyclones. Je lutte actuellement avec moi-même pour savoir si je dois allumer la climatisation… En attendant je prends une petite glace pour me rafraîchir , et pour les plus chanceux·ses, ils et elles pourront barboter dans leur piscine en ce mois de Novembre.
Vous voulez une journée idéale ? Petit lever de soleil au Maïdo puis randonnée de 6h aller-retour le long du rempart, jusqu'au sommet avec une vue à couper le souffle sur les trois cirques. Redescendre et faire un tour rapide sur le marché local de Saint-Gilles-Les-Bains, manger un délicieux tartare de poisson au DCP, passer l'après-midi sur la plage avec un masque et un tuba à la recherche de poissons ou se dorer la pilule au soleil (attention crème solaire obligatoire sinon gare au bronzage écrevisse) puis finir la journée avec un cocktail, ou une Dodo, la bière locale , et le coucher de soleil…
Ou, plus tranquillement, découvrir la ville de Saint-Denisen se baladant autour des vieilles maisons créoles , visiter le musée Léon-Dierx, puis faire un pique-nique à l'Anse des Cascades , suivi d'une sieste bercée par le bruit des vagues et des cascades, et enfin finir la soirée à l'Auberge de Madame Annibale, avec son canard à la vanille et une série impressionnante de rhums arrangés à volonté !
Il nous reste encore tant à vous raconter, à vous de venir découvrir la suite !
Au prochain
numéro Mayotte !
Raphaëlle GARCIA et Agathe HERMENT
Internes de Médecine Générale de l'Océan Indien
de 3e semestre et de 5e semestre