En 1955, Truelove et Witts publiaient dans le British Medical Journal, le premier essai contrôlé randomisé montrant l’efficacité des corticoïdes contre placebo dans le traitement de la recto-colite hémorragique (RCH) (1). Dans cet essai historique de l’équipe d’Oxford, 205 patients ont été suivis jusqu’à trois ans après un traitement par corticoïdes systémiques. Deux sous-groupes de malades étaient constitués en fonction de l’entrée ou non dans la maladie car les poussées inaugurales de RCH étaient précédemment décrites comme plus sévères. Les auteurs montraient pour la première fois l’efficacité à court terme et à long terme des corticoïdes pour induire une rémission clinique, une rémission endoscopique et surtout pour diminuer la mortalité des malades atteints de RCH en poussée (Figure 1).
Figure 1. Résultats à neuf mois de traitement par corticoïdes pour une poussée de recto-colite hémorragique.
Adapté de Truelove et Witts, British Medical Journal 1955
Malgré leur efficacité évidente, les corticoïdes n’ont qu’un effet suspensif sur les symptômes. Dans le travail original de Truelove et Witts, ils n’étaient prescrits qu’entre six semaines et trois mois. De plus, les corticoïdes n’augmentaient pas le risque de complications graves telles que la perforation ou l’hémorragie digestive. Il s’agissait d’une révolution dans le traitement des MICI car les corticoïdes étaient considérés pendant longtemps comme trop dangereux.
Il est important de noter que 44 patients avaient eu une iléostomie et 25 patients sont décédés au cours du suivi. Ces chiffres élevés paraissent aujourd’hui irréels lorsque l’on sait que les taux de mortalité actuels au cours de la colite aiguë grave ne dépassent pas 1 % (2). L’hygiène et les antibiotiques étaient certes d’une autre époque, cependant les conditions de vie d’après-guerre n’expliquent probablement pas à elles seules une mortalité aussi élevée. Le chiffre de 20 % de mortalité dans le groupe témoin (Figure 1) est d’autant plus vertigineux lorsque l’on sait que le travail princeps de Truelove et Witts comprenait à la fois des formes graves et des formes moins sévères. Comment expliquer une telle différence avec les malades d’aujourd’hui ? Il est évident que la méconnaissance des MICI de l’époque explique ces chiffres. La gestion du risque thromboembolique et de la dénutrition n’était pas aussi codifiée qu’aujourd’hui (3). Le diagnostic précoce et l’introduction de traitements immunosuppresseurs permet d’éviter des lésions irréversibles du tube digestif et les complications en lien avec la maladie inflammatoire systémique. Avec ce travail pionnier, Truelove et Witts ont montré l’importance d’une prise en charge multidisciplinaire des MICI pour réduire la mortalité de la RCH et prévenir les complications digestives mais également extra-digestives. Savoir dépister et hospitaliser les poussées sévères, dépister les surinfections, prévenir la dénutrition et les complications thrombo-emboliques, tout cela a permis de faire diminuer la mortalité dans la RCH (4). À présent que l'efficacité des traitements immunosuppresseurs n’est plus à prouver, le défi du vingt et unième siècle dans la colite aiguë grave réside dans le recours à des traitements efficaces de manière à éviter des colectomies abusives, sans surcroît d’effets secondaires et surtout de mortalité.
Dr Nathan GRELLIER
Service d’hépato-gastro-entérologie
CHU de Poitiers
Relecteur
Pr David LAHARIE
Service de gastro-entérologie et nutrition
CHU de Bordeaux
Références