
Optimising health after early menopause Gita D. Mishra, The Lancet, march 2024
Wirun Thongchumnum, Nutrients 2023
Mots - clés
Premature menopause, osteoporosis, cardiovascular disease, breast cancer, hormonal replacement therapy, non hormonal therapy
L'âge moyen de la ménopause se situe entre 50 et 51 ans. On sait que 12 % des femmes auront une ménopause entre 40 et 44 ans (ménopause avancée) et 2-4 % avant l'âge de 40 ans (IOP : insuffisance ovarienne prématurée).
Les IOP et les ménopauses avancées sont un facteur de risque de maladies chroniques, comme l'ostéoporose ou les maladies cardiovasculaires.
Les recommandations thérapeutiques sont connues pour les IOP mais les références sont pauvres pour les ménopauses avancées. Cet article propose des directives pour la prise en charge de ces patientes afin d'optimiser leur santé. Il s'agit ici d'une revue de la littérature.
Prévalence de la ménopause avancée et de l'IOP
Les estimations varient en fonction de la population étudiée : une méta analyse internationale de 31 études sur 150 000 patientes avec ménopause spontanée retrouvent une prévalence de 12,2 % pour les ménopauses précoces et 3,7 % pour les IOP.
Une faible proportion des IOP et des ménopauses avant 44 ans est iatrogène avec de fortes variations en fonction des recommandations gynécologiques chirurgicales des pays, variant entre 1.7 % et 1.9 %.
Facteurs de risques
Les mécanismes sont à ce jour mal connus.
• Facteurs génétiques, des études récentes sur les génomes ont identifié des facteurs génétiques qui pourraient expliquer l'âge de la ménopause.
• Le tabac, un facteur de risque connu pour les ménopauses à un âge précoce.
• Les causes iatrogènes, notamment l'ovariectomie bilatérale. L'ovariectomie unilatérale et l'hystérectomie inter annexielle sont associées à une avance d'âge de la ménopause.
Les implications
Les symptômes de la ménopause avancée ou de l'IOP sont connus (symptômes vasomoteurs pour 16 à 40 % des femmes, troubles du sommeil, sécheresse vaginale, douleurs articulaires, humeur dépressive, atteinte de l'estime de soi, modification des relations intimes). Ils sont d'autant plus sévères si la cause est iatrogène.
• Santé osseuse : Plusieurs études ont retrouvé un risque majoré de 50 % de fracture chez les patientes en ménopause avant 44 ans.
• Les maladies cardiovasculaires : Les patientes avec ménopause avancée ou IOP sont plus à risque de développer des pathologies coronaires, comme l'infarctus, avec une augmentation de la mortalité cardiovasculaire globale. Certaines données retrouvent que les patientes avec ménopause avancée spontanée ont une majoration de 30 % (55 % pour les patientes avec une IOP) du risque de développer un évènement cardiovasculaire.
• Santé mentale et conditions neurologiques : Une méta-analyse a retrouvé que les femmes en IOP spontanée sont deux fois plus sujettes à la dépression. Dans une autre étude chez des femmes en IOP, 78 % déclarent un impact négatif sur leur estime de soi. Certaines études suggèrent une association entre démence/déclin cognitif et ménopause avancée. Mais les résultats sur le sujet sont encore discordants à ce jour.
• Les cancers estrogéno-dépendants : Les femmes développant une ménopause avant 45 ans ont un risque relatif diminué du cancer du sein (autour de 27 % pour les ménopauses avancées et 33 % pour les IOP) ainsi que de cancers de l'endomètre.
Diagnostic et prise en charge
Le diagnostic de ménopause avancée ou d'IOP est un diagnostic d'élimination, sauf si une cause iatrogénique évidente est identifiée, et nécessité d'examens complémentaires. Pour les patientes présentant une ménopause avancée secondairement à un traitement anti-cancéreux, il n'existe pas de consensus permettant de poser le diagnostic. Les études retrouvent un retard de diagnostic fréquent, parfois jusque 5 ans après l'apparition des symptômes, et pouvant aboutir à classer une IOP en ménopause avancée du fait du délai diagnostic.
Traitements
Les enjeux sont de réduire le risque cardiovasculaire (ex. arrêt du tabagisme) et promouvoir la santé osseuse (ex. exercice physique et régime riche en calcium).
Traitements non hormonaux
Les traitements à base de plantes ou supplémentation vitaminique manquent de preuve d'efficacité.
Les psychothérapies réduiraient les symptômes vaso-moteurs, amélioraient la qualité du sommeil et les variations d'humeur. Une étude randomisée contrôlée a retrouvé une diminution des bouffées de chaleur et l'amélioration de la qualité de vie chez les patientes avec une IOP.
Les antidépresseurs sont efficaces pour diminuer les bouffées vasomotrices, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ou de la noradrénaline sont les plus utilisés. D'autres antidépresseurs comme les antagonistes du récepteur de la neurokinine 3, comme le fezolinetant, sont en cours d'étude et ont montré des résultats prometteurs.
Ces traitements sont proposés en cas de contre-indications aux traitements hormonaux.
La vitamine D ou le calcium sont proposés en cas d'ostéoporose ou ostéopénie, mais l'intérêt de ces traitements n'a pas été étudié chez les patientes jeunes.
Traitements hormonaux
Ce sont les traitements les plus efficaces sur les symptômes de ménopause. Le schéma consiste en un oestrogène naturel en association avec la progestérone, à visée de protection utérine. Une contraception oestroprogestative (COP) peut être envisagée chez la femme jeune avec une IOP.
À l'inverse, les effets vasculaires de la COP chez les femmes de plus de 40 ans nous amènent à préférer un traitement hormonal de la ménopause (THM). Le THM peut être administré par voie per os ou transdermique, cette dernière réduisant le risque vasculaire. Le THM est recommandé chez les patientes avec une ménopause avancée ou une IOP jusqu'à l'âge physiologique de la ménopause.
La prévention de l'ostéoporose est un facteur encourageant la mise en place du THM. Il a été montré qu'il augmente la densité minérale osseuse et réduit le nombre de fracture vertébrale ou du col fémoral. Cependant peu d'études se sont intéressées aux cas particuliers des femmes en ménopause avancée.
Concernant le risque cardiovasculaire, des études de cohorte précoces suggèrent que le THM pourrait avoir un impact sur sa prévention mais cet impact n'a pas été confirmé par des essais randomisés. Le plus large essai (la WHI, Women Health Initiative) a montré au contraire une majoration du risque d'ischémie cardiaque et d'infarctus sous oestrogènes chez les patientes ménopausées plus âgées ; l'analyse du sous-groupe des 50-59 ans a retrouvé une diminution du risque de maladie coronaire et de la mortalité. Cependant, aucun essai randomisé n'a été mené chez les femmes avec une IOP ou une ménopause avancée.
• Concernant le risque de développer un cancer du sein sous THM, il augmente avec l'âge et la durée du traitement. Aucun essai randomisé n'est disponible chez les femmes avec une ménopause avancée ou une IOP. Des études observationnelles ont retrouvé une augmentation du risque de cancer du sein après plus de 15 ans sous THM.
Take Home Messages
Mettre à jour les recommandations cliniques
• Ces dernières existent pour la prise en charge des femmes avec une IOP mais elles prennent rarement en compte les femmes avec ménopause avancée. Pour ses dernières se situant entre l'IOP et la ménopause physiologique vers 50 ans, nous sommes dans l'attente d'études plus ciblées.
Améliorer la communication
• Il serait intéressant d'aborder le sujet de la ménopause plus fréquemment en consultation, notamment auprès des femmes à risque de ménopause avancée (ex. les femmes porteuses de mutation BRCA1/2).
Modification des prises en charges
• Pour les ménopauses avancées iatrogènes, favoriser une conservation annexielle en chirurgie pour les pathologies ne nécessitant pas d'ovariectomie.
Prioriser la recherche sur ce sujet
• Il existe un manque de connaissances sur les causes, la physiologie et la prise en charge optimale de la ménopause avancée. Les informations sur la ménopause avancée sont extrapolées des études concernant l'IOP voire la ménopause vers 50 ans. De nouvelles études sont nécessaires pour optimiser sa prise en charge, notamment sur la durée du THM à recommander.

Clémentine PREVOST
Interne en Gynécologie
Médicale à Reims
8ème semestre

Dr Mélissa POSVITE
Assistante Spécialisée Partagée en Gynécologie Médicale entre l'hôpital Tenon et le GHEF
Marne la Vallée

