
François BOUILLE.- Bonjour Madame Florentin, vous êtes Vice Présidente de la fédération nationale France AVC et Présidente de l'antenne locale varoise de l'association. Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes venue à vous engager dans cette association ?
Mme Isabelle FLORENTIN.- J'ai été victime d'un AVC il y a 24 ans, à l'âge de 36 ans. À l'époque, j'étais chef de cabine chez Air France. Tout a basculé du jour au lendemain : je ne pouvais plus marcher et je vivais dans le brouillard. Comme beaucoup de victimes, j'étais totalement désemparée. Rencontrer d'autres personnes ayant traversées une expérience similaire était essentiel pour comparer nos progrès et garder espoir. À ce moment-là, je n'avais jamais entendu parler d'associations de patients. C'est bien plus tard que j'ai découvert France AVC, presque par hasard, dans un journal local. Cette envie de partager et d'aider m'a conduite à m'impliquer pleinement dans l'association. En 2005, j'ai participé à la création de l'antenne locale dans le Var, dont je suis devenue présidente quelques années plus tard.
F. B.- Quels sont les principaux rôles de l'association ?
Mme I. F.- Nous avons plusieurs missions qui s'articulent autour de trois axes par le biais d'antennes locales. Tout d'abord, la fédération nationale a aidé à créer des antennes de proximité sur tout le territoire afin d'offrir un soutien moral et pratique aux victimes d'AVC et à leurs familles. Beaucoup de personnes sont perdues face aux conséquences physiques et psychologiques d'un AVC, mais aussi devant les démarches administratives. Pour ce faire, les antennes locales mettent en place des groupes de parole, animés par des psychologues ou des bénévoles formés, qui permettent aux patients de partager leur expérience et de trouver des ressources, et proposent aussi des activités sociales, comme des sorties ou des ateliers créatifs, pour aider à rompre l'isolement. Tout cela avec l'aide, si besoin, de la fédération.
Ensuite, nous jouons un rôle important dans l'information et la sensibilisation du public. Nos campagnes expliquent ce qu'est un AVC, comment le prévenir et surtout comment réagir rapidement en cas de suspicion. Nous travaillons également avec les pouvoirs publics pour améliorer la prise en charge globale des victimes, notamment sur le plan de l'après-AVC, qui reste souvent insuffisant.

Vous avez mentionné un manque d'information au moment de votre AVC. Comment cela a-t-il évolué ?
Mme I. F.- À l'époque de mon AVC, je n'avais jamais entendu parler de cette maladie. Ce n'est qu'en 2005 que j'ai découvert France AVC par hasard, à travers une annonce dans le journal local. Aujourd'hui, les choses ont évolué. Nous avons un site internet et diffusons des informations dans les services hospitaliers, notamment via des affiches et des brochures. Certaines unités neurovasculaires incluent même nos documents dans les dossiers de sortie des patients.
Mais malgré cela, beaucoup de familles doivent encore chercher elles mêmes les renseignements. Internet reste une des principales portes d'entrée vers notre association, surtout pour les proches des patients.
Un des problèmes récurrents est que les patients ne reçoivent pas toujours d'informations claires au moment de quitter l'hôpital. Ils ne savent pas vers qui se tourner pour des aides ou des conseils, et c'est là que notre association joue un rôle essentiel.
Quels sont les principaux défis rencontrés par l'association ?
Mme I. F.- Nous faisons face à un manque de bénévoles et cela limite nos actions, que ce soit pour répondre aux appels, organiser des événements ou accompagner les patients… Nous manquons aussi de moyens pour éditer des documents et des brochures, ou financer certains projets. Enfin, nous devons continuer à sensibiliser les pouvoirs publics pour assurer une meilleure prise en charge des victimes, notamment dans les zones rurales où les structures sont encore trop rares.
Quels types de soutien l'association propose-t-elle concrètement ?
Mme I. F.- Par le biais des antennes, nous proposons plusieurs services adaptés aux besoins des patients et de leurs familles : les groupes de parole, très appréciés, qui permettent de partager des expériences et de rompre l'isolement, des ateliers de loisirs, des activités artistiques (atelier de chant, danse, musique ou travaux manuels), des sorties qui créent du lien social. Les permanences téléphoniques jouent un rôle crucial : les familles peuvent poser leurs questions, exprimer leurs inquiétudes et être orientées vers les bonnes structures, comme les centres de rééducation ou les services sociaux, afin de faciliter les retour à domicile.
Comment voyez-vous l'évolution du rôle des associations de patients ces dernières années ?
Mme I. F.- Les associations comme la nôtre sont de plus en plus reconnues, tant par les médecins que par les autorités publiques. Par exemple, la fédération France AVC a été sollicitée par la Haute Autorité de Santé pour contribuer à l'élaboration d'un outil de prise en charge des AVC. Cela montre que notre expertise, issue de l'expérience des patients, est précieuse. Nous sommes aussi régulièrement invités à témoigner dans les centres de rééducation ou lors de conférences publiques.
Cependant, il reste beaucoup à faire. Le suivi post-AVC est encore trop inégal, surtout pour les jeunes victimes qui ne peuvent pas reprendre leur travail mais ne sont pas non plus adaptées à une maison de retraite. Il faut aussi renforcer l'éducation du public : tout le monde devrait connaître les signes d'un AVC et savoir réagir rapidement.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux victimes d'AVC et à leurs familles ?
Mme I. F.- Un AVC est une épreuve, mais ce n'est pas une fatalité. Avec du soutien et des efforts, il est possible de retrouver une certaine qualité de vie. Moi-même, bien que je sois restée hémiplégique, j'ai repris des études, diverses activités et je suis engagée dans le bénévolat. Ces expériences m'ont permis de redonner du sens à ma vie. Je veux dire aux familles : ne perdez pas espoir. Cherchez les bonnes ressources et n'hésitez pas à nous contacter. Ensemble, on peut surmonter cette épreuve. Et surtout, éduquons nos proches sur les signes de l'AVC. Chaque minute compte pour sauver une vie et réduire les séquelles. En tant qu'association, nous sommes là pour écouter, guider et inspirer l'espoir.
Un AVC est une épreuve, mais ce nʼest pas une fatalité. Avec du soutien et des efforts, il est possible de retrouver une certaine qualité de vie.

François BOUILLE
Interne en 3ème semestre Île-de-France