Focus sur l’essai STEREO LIVER
STEREO LIVER Essai de phase II, stratifié, non-randomisé, évaluant l’efficacité et la toxicité d’un traitement par radiothérapie stéréotaxique des tumeurs hépatiques primitives et secondaires.
Justification de l’étude
La radiothérapie a longtemps eu une place très limitée dans la prise en charge des tumeurs hépatiques, qu’elles soient primitives ou secondaires, en raison de résultats décevant en termes d’efficacité, et surtout à cause du risque élevé de développer une hépatite radio-induite (Radiation-Induced Liver Disease ou RILD). Les progrès techniques en radiothérapie et en imagerie médicale, ont permis d’inclure progressivement la radiothérapie stéréotaxique (Stereotactic Body Radiation Therapy ou SBRT) dans la prise en charge thérapeutique des tumeurs du foie.
Le foie est l’un des sites métastatiques les plus fréquents (environ 40 % des patients ayant une tumeur primitive extra-hépatique développent des métastases hépatiques). Ces métastases sont le plus souvent multiples (unique dans seulement 10 % des cas). La majorité des métastases hépatiques a pour primitif un cancer colorectal (59 % des patients). Les autres principaux pourvoyeurs sont : les autres cancers digestifs (23 % des patients), les cancers du sein (13 %) et du poumon (4 %) [Kasper et al. 2005]. La SBRT représente aujourd’hui une option de traitement chez les patients non opérables. Plusieurs séries, rétrospectives pour la plupart, ont permis de montrer que le traitement de métastases hépatiques par radiothérapie stéréotaxique était efficace et bien toléré.
La majorité des patients atteints de carcinome hépatocellulaire (CHC) ne sont pas opérables (70 à 90 % des patients), en raison du stade de la maladie, parce qu’ils ne répondent pas aux critères d’opérabilités, ou parce que leurs comorbidités ne permettent pas de traitement chirurgical. D’autres traitements locaux ablatifs, comme la radiofréquence (RFA), la chimio-embolisation transartérielle (TACE) ou la radiothérapie stéréotaxique sont proposés comme alternative au traitement chirurgical.
Les cholangiocarcinomes sont des tumeurs rares développées aux dépens des voies biliaires. Ils se présentent généralement sous une forme infiltrante dans le hile hépatique et ne relèvent pas de la radiothérapie stéréotaxique, en dehors des cholangiocarcinomes nodulaires intrahépatiques.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu en septembre 2016, un rapport d’évaluation portant sur la radiothérapie en conditions stéréotaxiques des tumeurs hépatiques. L’objectif de ce rapport était d’analyser les données d’efficacité et de sécurité de la SBRT dans le traitement des tumeurs hépatiques non opérables (carcinome hépatocellulaire et métastases hépatiques) et de permettre une définition de l’indication et de la place du traitement dans la stratégie thérapeutique des cancers. Les auteurs du rapport concluent que les données de la littérature sont préliminaires, et non concluantes sur l’efficacité et la sécurité du traitement. Ils ne permettent pas de standardiser la prise en charge des tumeurs hépatiques par SBRT. La HAS considère prématurée l’utilisation en routine de la radiothérapie stéréotaxique dans le traitement des tumeurs hépatiques. Elle recommande son utilisation dans le cadre strict de la recherche clinique par des centres expérimentés. Elle souligne par ailleurs l’absence d’études comparatives permettant d’évaluer la place de cette approche parmi les différentes thérapeutiques possibles. La question du design de l’étude à réaliser a été discutée, mais il ne semble pas possible aujourd’hui de réaliser un essai randomisé comparant la SBRT aux autres approches.
L’objectif de l’étude proposée est de mieux évaluer le bénéfice clinique et la toxicité de la SBRT, en vue de la standardisation de la prise en charge des tumeurs hépatiques. Les patients traités par SBRT pour des tumeurs hépatiques seront inclus de façon prospective dans les centres Français réalisant de la SBRT
Critères d’inclusion
Patients présentant une tumeur hépatique primitive ou secondaire correspondant à l’une des situations suivantes :
- Métastases hépatiques (MH) avec diagnostic anatomopathologique de la tumeur primitive ;
- Carcinome hépatocellulaire (CHC) avec diagnostic de CHC retenu en RCP ou prouvé par biopsie ou par des méthodes non-invasives validées selon les critères de l’AASLD ;
- Cholangiocarcinome (CC) prouvé par biopsie ;
- Autre tumeur hépatique primitive (THP) prouvé par biopsie.
Pouvant bénéficier d’un traitement par SBRT selon les critères suivants ;
- Métastases hépatiques (MH) : maladie oligométastatique ;
- Carcinome hépatocellulaire (CHC) : lésion non éligible à la chirurgie curative ;
- Cholangiocarcinome (CC) : lésion nodulaire ;
- Autre tumeur hépatique primitive (THP) : lésion non éligible à la chirurgie curative.
Objectif principal
Estimer l’efficacité de la radiothérapie stéréotaxique, de manière prospective sur une large cohorte multicentrique, en termes de contrôle local chez les patients pour lesquels une décision de radiothérapie stéréotaxique est prise, dans les 4 situations cliniques suivantes :
- Carcinome hépatocellulaire inopérable (CHC) ;
- Métastases hépatiques (MH) ;
- Cholangiocarcinome nodulaire (CC) ;
- Autre tumeur hépatique primitive (THP
Objectifs secondaires
Estimer l’efficacité de la SBRT en termes de contrôle local chez les patients ayant débuté le traitement par SBRT, dans les 4 situations cliniques considérées ;
- Décrire les techniques de SBRT pour les tumeurs du foie en France ;
- Estimer la faisabilité de la SBRT et décrire les raisons qui amènent à ne pas réaliser ou à interrompre la radiothérapie stéréotaxique alors que celle-ci avait été décidée en RCP ;
- Estimer et décrire la survie sans progression locale (L-PFS), la survie sans progression (PFS) et la survie globale (SG) chez les patients pour qui une décision de SBRT est prise, pour les 4 situations cliniques considérées, et chez les patients ayant effectivement débuté le traitement par SBRT ;
- Evaluer la toxicité immédiate et retardée associée à la SBRT ou à la pose des fiduciels, globalement et pour chacune des 4 situations cliniques séparément ;
- Estimer la survie ajustée sur la qualité de vie pour les 4 situations cliniques (Q-TWiST) ;
- Estimer la proportion de patients nécessitant une hospitalisation pendant le traitement et jusqu’à trois mois après la fin du traitement, et la durée cumulée d’hospitalisation sur les 3 mois ;
- Décrire l’évolution de la qualité de vie dans les 6 mois suivant la fin de la SBRT ;
- Estimer l’impact des différentes techniques de SBRT en termes d’efficacité et de sécurité ; Une étude ancillaire vise à evaluer l’association entre des données pré-thérapeutiques Radiomics, l’évolution précoce (Delta Radiomics) et le contrôle de la pathologie néoplasique en terme d’efficacité.
Traitement
La définition du GTV (Gross Tumor Volume) repose sur l’imagerie. On sait qu’une définition du volume par scanner avec injection ou par IRM peut conduire à des différences substantielles dans le volume et le nombre des cibles. On recommande donc un bilan pré-thérapeutique comprenant un scanner et une IRM à visée diagnostique.
Propositions
- Le CTV est défini comme une expansion du GTV de 0,5 cm dans toutes les directions en se limitant au volume hépatique (l’expansion ne dépasse pas le volume du foie) ;
- Le PTV est défini comme une expansion du CTV dans toutes les directions de 3 mm (cette expansion peut être différente suivant la technique utilisée et la probabilité de couverture du CTV souhaitée, le centre explicitera son choix).
Aucune technique particulière de SBRT n’est imposée. Le choix est laissé aux investigateurs, selon les habitudes du centre auxquels ils appartiennent. Les caractéristiques techniques du traitement seront décrites dans l’eCRF (dose, pose de fiduciels ou non, type d’appareil de radiothérapie, faisceaux coplanaires ou non, mode de prescription, contraintes sur les organes à risque). Des contraintes de doses aux organes à risque sont proposées dans le protocole. Le traitement pourra s’effectuer en 3 à 6 séances. Les 3 premières fractions sont délivrées sur 8 à 10 jours. Les lecteurs peuvent se reporter à l’article « Radiothérapie stéréotaxique hépatique » pour plus de détails.
Inclusions
Cet essai est actuellement ouvert dans 8 centres en France, et 173 patients ont été inclus à ce jour. Le nombre total de patients attendus est de 280.
Dr David PASQUIER
MCU-PH Pôle de Radiothérapie
Coordonnateur du Comité d’Organes Urologie
Président du Bureau de Recherche Translationnelle
Dr Xavier MIRABEL
Chef de département de radiothérapie-curiethérapie
Investigateur principal de l’étude
Centre Oscar Lambret
Article paru dans la revue “Société Française des Jeunes Radiothérapeutes Oncologues” / SFJRO n°02