Actualités : Focus sexologie avec le Dr pauline LANGLADE

Publié le 22 oct. 2024 à 08:03
Article paru dans la revue « AIGM / Gynéco Med » / AIGM N°3

Dr Pauline LANGLADE
Gynécologue médical
CH de Seclin

Que représente la sexualité pour vous ? Une simple mécanique de la reproduction ? Une aventure ? Une pression ? Une passion ? Quoi qu'il en soit, elle fait partie de la vie de tout un chacun à des degrés divers, et notamment de celle de nos patientes. En tant que professionnels de la santé des femmes, il est important que nous puissions être un interlocuteur privilégié, que cela soit spontanément ou bien en cas de demandes ou de questionnements d'ordre sexologique venant de nos patientes. Aujourd'hui, c'est le Dr Pauline LANGLADE, gynécologue médical au CH de Seclin, qui nous fait l'honneur de répondre à nos questions.

Quel a été votre parcours professionnel depuis le début de l'internat ?

Dr Pauline LANGLADE.- J'ai réalisé mon internat à Lille et y ai validé le DU d'andrologie, le DU de sexologie, et le DESC de médecine de la reproduction. J'ai ensuite effectué un assistanat partagé entre l'hôpital Jeanne de Flandre en PMA et l'hôpital de Seclin en gynécologie classique. À la suite de cela, j'ai obtenu un poste de praticien hospitalier contractuel à temps plein à Seclin, et c'est désormais là que j'exerce à 100 %.

 

Quel type de pathologies pouvez-vous rencontrer dans le cadre de vos consultations de sexologie ?

Dr P. L.- Majoritairement des troubles du désir, des dyspareunies profondes et superficielles, des vaginismes.

On peut également être amenés à recevoir des patientes qui sont « simplement » en mésentente conjugale, chez qui la sexualité est impactée par un conflit, sans problème féminin ou gynécologique ou sexologique. Dans ce cas-là, on sort de notre champ de compétences et on peut par exemple orienter vers une conseillère conjugale.

Peut-on également prendre en charge des hommes ?

Dr P. L.- À partir du DU de sexologie, il est tout à fait possible de prendre en charge des hommes, aussi bien que des femmes, sans forcément avoir réalisé le DU d'andrologie.

Pour ma part, mon activité est assez orientée vers les femmes, mais la formation est suffisante pour des prises en charges complexes masculines.

La qualité de vie sexuelle est vraiment importante à dépister et à prendre en charge, car elle est en général mise de côté.
Ça fait beaucoup de bien aux patientes d'en parler et de voir qu'il est possible de mettre des choses en place.

Auriez-vous des conseils à délivrer pour un gynécologue n'ayant pas eu cette formation et qui serait confronté à un problème d'ordre sexologique chez une patiente ? Quand faut-il savoir rediriger ?

Dr P. L.- À partir du moment où le praticien interroge la sexualité, c'est déjà bien car ce n'est pas forcément évident ! Face à des difficultés simples de type lubrification, la prise en charge peut être réalisée par un gynécologue classique. En revanche, si les problèmes posés sont plus complexes, ou bien s'ils durent depuis longtemps, à ce moment-là il ne faut pas hésiter à orienter vers un sexologue.

Y a-t-il un profil récurrent de patientes en consultation de sexologie - par exemple, des femmes victimes de violences ?

Dr P. L.- Malheureusement, recevoir en consultation des patientes victimes de violences sexuelles ou physiques est très fréquent. Dans ma patientèle de sexologie, elles représentent environ 7 femmes sur 10. Les difficultés sexologiques ne sont pas forcément liées à ces antécédents-là, mais c'est de toute façon à prendre en charge pour pouvoir avancer et que cela ne soit pas un frein dans l'épanouissement intime de la patiente.

Donc ce n'est pas un cas de figure systématique, quand il est présent ce n'est pas forcément responsable de la problématique ayant poussé à consulter, mais il est indéniable que c'est très fréquent.

Je reçois également beaucoup de patientes ayant une endométriose qui a peiné à être diagnostiquée et qui ont ainsi toute leur qualité de vie qui se retrouve impactée, notamment la qualité de vie sexuelle. Cette dernière est vraiment importante à dépister et à prendre en charge, car elle est en général mise de côté. Ça fait beaucoup de bien aux patientes d'en parler et de voir qu'il est possible de mettre des choses en place.

Autrement, toutes les tranches d'âge et toutes les catégories sociales sont représentées en consultation de sexologie. Ce sont des problèmes qui concernent tout le monde !

Constatez-vous qu'il existe un tabou chez les professionnels de santé vis-à-vis des violences faites aux femmes ?

Dr P. L.- Complètement. Il peut y avoir des difficultés à aborder ce sujet, et surtout on est parfois un peu démunis par rapport aux réponses apportées par les patientes. Cela peut être compliqué de gérer une réponse positive, déjà car on peut soi-même ne pas être à l'aise, et ensuite car on ne sait pas forcément vers qui orienter. Toutefois, le fait d'ouvrir la porte à cette discussion est déjà un très bon point : les patientes se rendent compte que c'est possible d'en parler si besoin et que le gynécologue est un interlocuteur privilégié.

J'ai très rarement des patientes qui m'avouent des violences actuelles - parce qu'elles n'osent pas ou qu'elles n'en ont pas conscience ? En général, si elles évoquent des violences, elles sont plus ou moins anciennes. En orthogénie par exemple, on a une plus grande quantité de femmes à la recherche d'un professionnel de santé à l'heure même des violences. Dans ces cas-là, on met la patiente en contact avec les différentes associations ou l'assistante sociale, et s'il y a un danger immédiat, on réalise un signalement.

Je pense surtout que c'est l'après révélation qui pose problème aux gynécologues. La plupart du temps, il n'y a pas grand-chose à faire de plus qu'écouter et orienter, en en revenant toujours au droit, à ce qu'on n'a pas le droit de faire à quelqu'un, etc.

Constatez-vous qu'il existe un tabou chez les professionnels de santé en matière de sexualité ?

Dr P. L.- Pas tellement. On en parle beaucoup plus qu'avant, c'est bien abordé par les nouvelles générations, qui sont très à l'écoute sur ce sujet. En revanche, je récupère des patientes assez âgées, après que leur gynécologue soit parti en retraite, qui me confient que c'est la première fois qu'on leur pose des questions sur leur sexualité. Donc je pense qu'un tabou persiste un petit peu, mais pas chez les nouvelles générations.

Trouvez-vous que la formation sexologique de base est suffisante pour les futurs gynécologues, en tant que professionnels de santé qui seront confrontés à ces problématiques au quotidien ?

Dr P. L.- Pas du tout ! Je ne me souviens même pas des cours qu'on a pu recevoir sur le sujet en formation de DES ; c'est clairement trop peu. Cela pourrait être intéressant d'avoir plus de sessions de cours réellement axées sexologie.

 

Publié le 1729577015000