Focus gériatrique - Hôpital de jour chute

Publié le 02 Apr 2024 à 15:49
Article paru dans la revue « AJG / La Gazette du jeune gériatre » / AJG N°35


La chute est un syndrome gériatrique, c’est un enjeu de santé publique (1). Il a été estimé qu'un tiers des personnes âgées de plus de 65 ans et la moitié des personnes de plus de 80 ans vivant à domicile tombent au moins une fois par an (2).
L’hospitalisation de jour permet la réalisation d’un bilan gériatrique complet en ambulatoire, sans les inconvénients d’une hospitalisation conventionnelle. Nous proposons dans ce focus gériatrique la description du déroulement de l’HDJ Chute au Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille.

Le fonctionnement

Les patients âgés chuteurs et/ou présentant des troubles de la marche et de l’équilibre peuvent être adressés par leur médecin traitant ou un médecin spécialiste pour bénéficier de cet HDJ chute.

Le déroulement de la journée est expliqué par les infirmières lors d’un premier contact téléphonique,  permettant de convenir de la date de l’HDJ. Un rappel est fait la semaine précédente. Le délai d’organisation est d’environ 3 semaines.

Une fois arrivé à l’hôpital de jour, le patient va rencontrer de manière systématique plusieurs intervenants.

Les intervenants

La diététicienne

Elle établit un diagnostic diététique décrivant l’état nutritionnel du patient et le type d’alimentation de celui-ci. Pour cela, elle prend en compte des données anthropométriques (variation de poids, bilan biologique, mesure circonférence brachiale, grip test…), médicales (antécédents, dernières hospitalisations…), sociales (cadre de vie, autonomie, aides à domicile…). Elle réalise le MNA (Mini Nutritional Assessment). Elle se base également sur le relevé alimentaire effectué auprès du patient sur les trois repas types (ou plus) de celui-ci afin de savoir si ses besoins nutritionnels sont comblés et/ou adaptés aux pathologies.

La diététicienne dépiste un potentiel risque nutritionnel ou établit un état de dénutrition avérée en se basant sur les derniers critères de la HAS de 2021 pour la personne âgée de plus de 70 ans (3).

Elle définit avec le patient et son entourage des objectifs communs et réalistes sur le plan nutritionnel et/ou social. Elle propose de la documentation pédagogique adaptée à ses recommandations.

L’ergothérapeute

Elle utilise l’outil Home FAST (Home Falls and Accidents Screening Tools), qui est recommandé par l'HAS dans le cadre de la prévention et le traitement des risques de chutes.

L’objectif est de faire le point sur le domicile, afin de repérer s'il y a des risques de chutes liés à l'environnement ou liés aux habitudes de vie.

En fin d’entretien, elle fait la proposition d’aide(s) technique(s) et expose les références et ordonnances si nécessaire. Il existe aussi une possibilité de visites à domicile via le dispositif « bien chez moi » ou par le biais d’un(e) ergothérapeute libéral(e).

L’infirmier coordinateur

Le rôle de l’infirmier va être de se renseigner de manière précise sur le mode de vie, la fréquence des sorties, le périmètre de marche. Il va s’entretenir avec le patient et son aidant. Il s’aidera des échelles type ADL, iADL, LSA ou Life Space Assessment (échelle de cotation de l’espace de vie) (4).

Dans un même temps, chaque patient va bénéficier d’un dépistage des troubles neurocognitifs avec la réalisation de l’échelle MoCa.

Un bilan biologique est réalisé s’il est demandé par le médecin, l’ECG est systématique ainsi que la recherche d’une hypotension orthostatique.

Le médecin de Médecine Physique et Réadaptation (MPR)

Dans un premier temps, l'objectif va être d’identifier une diminution du contrôle postural et réaliser une évaluation de la marche dans les différentes situations (marche sur terrain plat, marche pied en tandem, demi-tandem, marche en funambule, marche latérale, marche arrière, franchissement d’obstacle). Il étudie aussi les troubles de la statique rachidienne, l’impotence fonctionnelle, la limitation articulaire, les troubles morpho-statiques des pieds. Il s'aidera de l’échelle de BERG (5). Une version française est disponible facilement sur internet.

Dans un deuxième temps, après identifications des pathologies pouvant entraver la qualité de la marche ou des transferts, le médecin pourra proposer des supports techniques (canne, déambulateur), des séances de kinésithérapie adaptée et ciblée en fonction des pathologies, des auto-exercices afin de préserver la qualité de marche et la qualité de vie.

Le gériatre

Il réalise un interrogatoire ciblé sur la chute avec recherche des facteurs de gravité (notamment la recherche d’une ostéoporose, prise d’anticoagulant, antiagrégant, antécédents de chute avec station au sol prolongée, …), des facteurs précipitants et des facteurs de risque.

L’ordonnance est récupérée et réévaluée, les circonstances de toutes les chutes sont revues avec le patient. L’évaluation d’une appréhension à la chute est réalisée par l’échelle Short FESI (6), la recherche du syndrome post-traumatique est évalué par l’échelle PTSD (7).

Un examen clinique complet est réalisé, ainsi qu’un time up and go test. Le syndrome dépressif est dépisté à l’aide de la mini-GDS.

Certains intervenants n’interviennent pas de manière systématique :

• La psychologue  : intervient sur demande du médecin gériatre si identification d’un syndrome anxio-dépressif ou de troubles anxieux non contrôlés. ƒ

ƒ• L’assistante sociale : intervient sur demande du médecin gériatre en cas de nécessité d’introduction, de majoration ou de modification du plan d’aide à domicile.

ƒ• Ophtalmologue : réévalue les lunettes, dépiste la cataracte, glaucome, dégénérescence maculaire liée à l’âge ou autres.

ƒ• Neurologue : concerne les patients avec identification de syndromes neurologiques (syndrome extrapyramidal, suspicion de polynévrite…). Il réalise un examen neurologique complet. Il peut être sollicité pour la relecture d’une IRM cérébrale quand celle-ci a été réalisée.

Au fur et à mesure de la journée, une synthèse est réalisée entre les différents intervenants, puis le gériatre clôture avec une restitution auprès du patient. Un courrier provisoire lui est remis, ainsi que les ordonnances.

L’équipe HDJ-Chute du CHRU de Lille

Dr Marie WANHAM,
chef de clinique en région de gériatrie, CHRU Lille,
Centre Hospitalier de Douai
Dr Hacène CHEKROUD,
Médecin réadaptateur fonctionnel
Madame Maïté LECLERCQ,
Ergothérapeute
Madame Apolline ROSSI
Madame Chloé VASSEUR,
Diététiciennes, CHRU de Lille

Pour l’Association des Jeunes Gériatres

 

Références bibliographiques

  • Xu Q, Ou X, Li J. The risk of falls among the aging population: A systematic review and meta-analysis. Front Public Health. 2022;10:902599.
  • referentiel_concernant_levaluation_du_risque_de_chutes_chez_le_sujet_age_autonome_et_sa_prevention.pdf [Internet]. [cité 13 févr 2024]. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2013-04/ referentiel_concernant_levaluation_du_risque_de_chutes_chez_le_sujet_age_autonome_et_sa_prevention.pdf
  • Haute Autorité de Santé. Diagnostic de la dénutrition chez la personne de 70 ans et plus [Internet]. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3165944/fr/diagnostic-de-la-denutrition-chez-la-personne-de-70-ans-et-plus
  • Baker PS, Bodner EV, Allman RM. Measuring Life-Space Mobility in Community-Dwelling Older Adults. J Am Geriatr Soc. 2003;51(11):1610‑4.
  • Berg KO, Wood-Dauphinee SL, Williams JI, Maki B. Measuring balance in the elderly: validation of an instrument. Can J Public Health Rev Can Sante Publique. 1992;83 Suppl 2:S7-11.
  • Yardley L, Beyer N, Hauer K, Kempen G, Piot-Ziegler C, Todd C. Development and initial validation of the Falls Efficacy Scale-International (FES-I). Age Ageing. nov 2005;34(6):614‑9.
  • Weathers FW, Bovin MJ, Lee DJ, Sloan DM, Schnurr PP, Kaloupek DG, et al. The Clinician-Administered PTSD Scale for DSM–5 (CAPS-5): Development and Initial Psychometric Evaluation in Military Veterans. Psychol Assess. mars 2018;30(3):383‑95.
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