L'expression « trouver chaussure à son pied » est un adage bien connu mais à partir d'un certain âge il ne s'agit plus vraiment de tomber en pamoison mais plutôt d'éviter de tomber tout court. Trèves de plaisanteries, le chaussage est un des points de vigilance qui caractérise la prise en charge du patient gériatrique particulièrement en cas de chute. La classique ordonnance de chaussures CHUT n'est inconnue pour aucun d'entre nous, cependant sommes-nous bien au fait de toutes les petites subtilités ?
CHUT ou CHUP quelle différence ?
Pour commencer, les deux types sont regroupés sous le nom Chaussures Thérapeutiques de Série (CHTS) qui sont des chaussures de traitement autrement dit des dispositifs médicaux. Elles peuvent à ce titre bénéficier d'une prise en charge par la Sécurité Sociale.
En 2020, la Haute Autorité de Santé (HAS) a actualisé ses recommandations sur le soin des pieds chez les personnes de plus de 60 ans (1). Les chaussures sont abordées et notamment les chaussures thérapeutiques de série : « une chaussure thérapeutique de série est destinée à des patients dont les anomalies constatées au niveau du pied demandent un maintien, un chaussant particulier ou une correction que ne peut assurer une chaussure ordinaire, sans pour autant justifier l'attribution d'une chaussure thérapeutique sur mesure ».
Il existe différents types de chaussures thérapeutiques de série : les CHUT (Chaussures Thérapeutiques à Usage Temporaire) et les CHUP (Chaussures Thérapeutiques à Usage Prolongé). Dans les recommandations de la HAS la seule différence entre l'utilisation de CHUT ou de CHUP réside donc dans le caractère temporaire ou non de l'anomalie du pied présentée par le patient.
Les CHUT sont reparties entre :
- Les chaussures à décharge de l'avant-pied ;
- Les chaussures à décharge du talon ;
- Les chaussures pour augmentation du volume de l'avant-pied.
Quelles modalités de prescription et de délivrance ?
La prescription des chaussures thérapeutiques est possible par tout médecin mais également par quelques professions paramédicales telles que les ergothérapeutes, les pédicure-podologues ou les infirmiers de pratique avancée (IPA). Celle-ci doit être réalisée avant l'achat des chaussures sur une ordonnance, séparée de toute autre prescription. La CHUT peut être délivrée à l'unité ou en paire, elle est ajustée à la pointure du patient. La CHUP est délivrée en paire, identique ou non.
On trouve les CHTS en pharmacie ou en magasin de matériel médical spécialisé, la vente en ligne n'est pas autorisée afin de garantir un conseil par un professionnel habilité lors de l'achat.
Quelle prise en charge par la Sécurité Sociale ?
Le remboursement des CHTS est de 60 %, cependant si la prescription peut rentrer dans le cadre d'une ALD exonérante la prise en charge est de 100 %. À noter cependant une particularité pour les patients résidants en EHPAD. En effet, depuis le 22.07.2021, les CHUT entrent dans le forfait de soins de l'établissement et ne sont donc plus remboursées par la Sécurité Sociale pour ces derniers.
La sécurité sociale prend en charge une paire de CHUT par an, la prescription n'est pas renouvelable du fait de l'utilisation temporaire théoriquement indiquée.
Les conditions de remboursements sont telles que suit :
- Pour les CHUT à décharge de l'avant-pied et à décharge du talon uniquement en cas de pathologies ou de lésions d'origine post-chirurgicale, traumatique ou médicale ;
- Pour les CHUT à augmentation de volume de l'avant-pied uniquement en cas d'inflammation ou d'œdème avec trouble trophique ou risque de trouble trophique.
Pour les CHUP, la sécurité sociale rembourse également une paire de chaussures par an. Cependant, la première année, l'acquisition d'une seconde paire de chaussure est possible après un délai minium de 3 mois moyennant une nouvelle ordonnance. La HAS définit cette possibilité telle que « À titre exceptionnel, sur argumentation du prescripteur, une deuxième paire de CHUP peut être prise en charge si le mode de vie du patient le requiert » (2).
Les indications de prise en charges des CHUP sont les pathologies rendant incompatibles le port de chaussures classiques du commerce telles que :
- les pathologies neuromusculaires évoluées ;
- les préventions de lésions, les lésions ou atteintes du pied liées à des pathologies neurologiques, vasculaires, métaboliques et orthopédiques avec risque évolutif en termes de douleur, de raideur et de troubles trophiques.
Quand le profil du pied du patient est vraiment spécifique et que ni une CHUT, ni une CHUP ne convient, une prescription de chaussures sur mesure peut être justifiée. Enfin, comme le dit encore cette recommandation de la HAS : « Le choix d'une chaussure est souvent guidé par un souci d'esthétique autant que par un souci de confort. Il est recommandé d'informer les patients et de les aider à adopter un chaussage qui représente un compromis satisfaisant entre les nécessités thérapeutiques et leurs souhaits ».
Bonus : Quel chaussage pour les patients à risque de chute ?
[Extrait de la fiche outil n°8 de la recommandation de la Haute Autorité de Santé (1)]
Il est recommandé aux patients âgés de porter des chaussures et de limiter le port de chaussons ou de pantoufles peu stabilisants pour le pied et susceptibles d'augmenter le risque de chute. Les chaussures de série sont les plus utilisées.
Il est recommandé de conseiller :
- Un chaussage non contraignant respectant le volume du pied et permettant le port d'une orthèse plantaire si nécessaire ;
- Un semelage dont l'épaisseur et la rigidité sont adaptées aux objectifs recherchés ; un semelage épais permet un meilleur amorti des pressions, un semelage rigide réduit la douleur lors d'arthropathies inflammatoires, une semelle mince diminue les chutes en situation expérimentale ;
- Une semelle flexible au niveau métatarso-phalangien ;
- Un talon inférieur à 2,5 cm à assise large et horizontale pour assurer une bonne stabilité du pied ;
- Une empeigne souple, dépourvue de coutures ou de brides inextensibles ;
- Un maintien empêchant le pied de glisser dans la chaussure ou de déchausser le talon à la marche ; les chaussages sans aucun maintien comme les mules sont source de déséquilibre et sont à proscrire pour limiter le risque de chute ;
- La présence d'un contrefort rigide ;
- La possibilité d'ajuster le maintien au pied et le serrage par un système de fermeture réglable ;
- Des modèles faciles à mettre en place, avec une tige à ouverture large et des systèmes de fermeture adaptés aux capacités de préhension du patient ;
- Des matériaux lavables chez les patients incontinents ;
- Une semelle à coefficient de friction moyen, afin de favoriser la stabilité sur les surfaces habituelles dans les activités de la vie quotidienne ;
- Une chaussure haute maintenant latéralement la cheville ;
- Le port de chaussures appropriées à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la maison.
Dr Manon CASTEL
Praticien Hospitalier Contractuel au CH de Douai
Service de Soins Médicaux et de Réadaptation
Pour l'Association des Jeunes Gériatres
Références