Exercice professionnel : prise en charge de la maladie coronarienne

Publié le 23 May 2022 à 09:15


Etats des lieux de la prise en charge diagnostique de la maladie coronarienne stable chez les médecins généralistes Bas-Normands.

La prise en charge de la maladie coronarienne stable est un enjeu de santé publique. La maladie coronarienne est la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. Il s’agit de la 3ème ALD par ordre de fréquence en France. La prévalence est de 2,9 % en France. En 2014, 1 083 610 patients étaient en ALD 13. Depuis le 8 décembre 2015, il s’agit de l’une des orientations nationales du développement professionnel continu des médecins généralistes.

Sur le plan européen, des recommandations ont été éditées par l’European Society of Cardiology (ESC) en 2013 sur la gestion des coronaropathies stables et par le NICE en 2011.

Sur le plan national, la Haute Autorité de Santé, ou HAS, a publié un guide du parcours de soins de la maladie coronarienne stable en 2014, revu en 2016.

Le diagnostic des coronaropathies stables se divise en 3 étapes successives. La première étape consiste en un repérage clinique, la seconde consiste à confirmer le diagnostic de maladie coronarienne. La troisième étape est celle de l’évaluation des événements futurs en cas de maladie coronarienne confirmée.

Les abaques recommandés par la HAS sont les suivants. Le tableau d’estimation ci-après présente la probabilité pré-test de risque de sténose coronarienne devant la suspicion de maladie coronarienne stable. Il permet d’évaluer la probabilité pré-test en pourcentage, en fonction de l’âge, du sexe et du type de douleur thoracique : typique, atypique et non angineuse.

Tableau n°1 : tableau d’estimation de la probabilité pré-test en pourcentage

Les cases écrites en noir correspondent à une probabilité pré-test faible, inférieure à 15 %
.Les cases écrites en bleu correspondent à une probabilité pré-test intermédiaire basse entre 15 et 65 %.
Les cases écrites en rose correspondent à une probabilité pré-test intermédiaire haute comprise entre 65 % et 85 %.
Enfin, les cases écrites en rouge correspondent à une probabilité pré-test élevée supérieure à 85 %.

Le score de Marburg a été réalisé dans le but d’exclure une maladie coronarienne en médecine ambulatoire chez les patients qui se présentent pour une douleur thoracique. Ce score est validé par plusieurs études. Il se calcule avec 5 items : le sexe et l’âge du patient, les antécédents vasculaires, le ressenti du patient, l’augmentation de la douleur à l’effort et la reproductibilité de la douleur à la palpation. La sensibilité est de 87,1 %, la spécificité est de 80,8 % et la valeur prédictive négative est de 97,7 %. Le score est présenté dans le tableau ci-après.


Tableau n°2 : score de Marburg

L’objectif de l’étude était de réaliser un état de lieux de la prise en charge diagnostique de la maladie coronarienne stable chez les médecins généralistes bas-normands.

17 % des praticiens interrogés ont répondu, soit 103 praticiens. L’étude a mis en évidence que 30 % des praticiens avaient lu récemment les recommandations sur la maladie coronarienne stable ou des articles qui s’y réfèrent. Et plus de la moitié des praticiens ont mis à jour leurs connaissances dans le domaine de la maladie coronarienne stable au cours des cinq dernières années.

Dans notre étude, le développement professionnel continu passe, par ordre de fréquence, par l’abonnement à des revues médicales, la lecture des recommandations de la Haute Autorité de Santé, les formations subventionnées par les laboratoires, les diplômes universitaires ou interuniversitaires, l’utilisation d’applications ou de site internet qui envoient des notifications à chaque nouvelle recommandation des sociétés savantes, les groupes de pairs, les autres propositions (Twitter, séminaire de formation, groupe qualité de Basse-Normandie, cardiologue correspondant et courriers des cardiologues).

30 % des praticiens connaissaient la prévalence de la MCS en France, 35 % connaissaient l’importance d’une prise en charge optimale pour diminuer la mortalité. 19 praticiens connaissaient la définition de l’angor. En cas de suspicion de MCS, 13 % adressaient leurs patients aux urgences et 5 % appelaient le centre 15. Ce taux peut s’expliquer par une démographie des cardiologues en baisse dans la région bas-normande, ainsi que par un besoin de réassurance diagnostique. Près de 70 % des praticiens prescrivaient en systématique les examens complémentaires en adéquation aux recommandations.

Seulement 6 praticiens connaissaient l’évaluation de la probabilité pré-test (tableau d’estimation de probabilité pré-test et score de Marburg) avec ses conséquences dans la pratique clinique. Les apports possibles de ces outils dans la pratique quotidienne qui sont mis en avant par les praticiens sont, par ordre croissant : l’optimisation de la prise en charge diagnostique, l’optimisation de la prise en charge thérapeutique, la réassurance du praticien, la réassurance du patient et un apport médico-légal. Cette étude n’a pas permis de faire de lien entre la lecture des recommandations des sociétés savantes sur le domaine de la MCS et la connaissance de sa prévalence, la définition de l’angor et la réalisation d’un bilan systématique correspondant aux recommandations.

Cette étude a permis de faire un état des lieux de la prise en charge diagnostique de la coronaropathie stable chez les praticiens bas-normands. La prise en charge diagnostique de la maladie coronarienne stable chez les médecins généralistes bas-normands nécessite d’être améliorée, notamment pour diminuer sa mortalité en Basse-Normandie. Sur le plan de la mise à jour des connaissances, il ne faut pas faire d’impasse sur les définitions. Une bonne connaissance des définitions de base permet un bon repérage clinique et permet ensuite une bonne prescription des examens complémentaires et une bonne orientation des patients. Depuis un an, les pathologies cardiovasculaires sont d’ailleurs l’une des priorités nationales pour le développement professionnel continu.

Cette étude soulève également l’importance d’un réseau de spécialistes autour du médecin généraliste. La coordination entre les médecins généralistes et le cardiologue est primordiale dans la prise en charge de la maladie coronarienne sable pour qu’elle soit efficiente afin de prévenir les événements graves tels que les syndromes coronariens aigus. La prise en charge du patient doit être coordonnée et personnalisée afin de limiter les examens complémentaires redondants et parfois inutiles. Cependant, en Basse-Normandie, la diminution de la proportion des cardiologues complique le maintien d’un réseau efficient au quotidien.

Au total, cette étude a mis en avant des points d’amélioration possibles dans la prise en charge diagnostique de la maladie coronarienne stable.

Lucie CREUSIER

Nouvelles obligations vaccinales

Le gouvernement a intégré dans la loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2018 le passage de l'obligation vaccinale de 3 à 11 vaccins.

Le gouvernement présente cette décision comme un acte de santé publique mais ce n'est à la base qu'une façon commode de se conformer à une décision de justice enjoignant l’Etat à garantir la disponibilité de vaccins pouvant se limiter aux seules obligations légales :

Par décision du 8 février 2017 n° 397151, et après avoir relevé que « depuis plusieurs années, aucun vaccin ne correspondant aux seules obligations légales de vaccination des enfants de moins de dix-huit mois n’est commercialisé en France », que les personnes tenues d’exécuter les obligations vaccinales doivent être « mises à même d’y satisfaire sans être contraintes, de ce seul fait, de soumettre leur enfant à d’autres vaccinations que celles imposées par le législateur et auxquelles elles n’auraient pas consenti librement », le Conseil d’Etat a estimé que le ministre de la Santé ne pouvait légalement refuser de faire usage des pouvoirs qu’il détient en vue d’assurer la mise à disposition du public de ces vaccins ». En conséquence, le Conseil d’Etat a « annulé le rejet par le ministre de la demande tendant à ce que soient prises les mesures permettant de rendre disponibles les vaccins correspondant aux seules obligations vaccinales » et « enjoint le dit ministre de prendre les mesures destinées à permettre la disponibilité de ces vaccins dans un délai de six mois à compter de la notification de sa décision ».

Au final, cette décision a ravivé le débat sur "la vaccination"... Une fois la polémique relancée, le gouvernement a été contraint d'afficher des appuis scientifiques : 49 sociétés savantes et syndicats médicaux ont apportées leur soutien à la décision du gouvernement mais aucune société savante de Santé Publique ou de Médecine Générale ni aucun syndicat mono catégoriel de Médecine Générale ne l’a fait. Les deux textes suivants nous éclairent sur cette situation.

Par le Bureau National du SNJMG

Projet d’extension de l’obligation de vaccination des nourrissons

Lettre commune de MG (Extraite des Chroniques d’un Jeune Médecin Quinquagénaire)
Publié le 16 octobre 2017
Médecins généralistes concernés par le projet d’obligation vaccinale pour les nourrissons.

Mesdames et Messieurs les député(e)s :

Nous, médecins généralistes, vous demandons de ne pas voter l’article 34 du PLFSS 2018 élargissant les obligations vaccinales à huit vaccins supplémentaires chez les nourrissons de moins de 2 ans à compter du premier janvier 2018 pour une durée indéfinie. Nous estimons que cette obligation groupée est injustifiée, contraire aux données de la science, aux droits des patients et aux principes du Droit en démocratie.

Parce que nous sommes des citoyens et des professionnels de santé concernés par la santé publique, nous vous écrivons pour nous opposer au projet de loi visant à élargir à onze vaccins au lieu de trois l’obligation vaccinale chez les nourrissons.

Nous ne nous situons pas dans une perspective qui serait celle d’une controverse stérile et idéologique entre partisans et opposants à la vaccination en général.

Nous sommes simplement soucieux de vous sensibiliser au fait que l’histoire des vaccinations en France n’est pas linéaire, qu’elle a connu des succès et des échecs, que des vaccins sont apparus et ont disparu pour cause d’efficacité/ inefficacité, voire de dangerosité. Mais nous souhaitions surtout réaffirmer que chaque vaccination s’inscrit dans une démarche globale de santé publique qui doit associer l’acte vaccinal lui-même à l’amélioration des conditions de vie régnant dans la société et notamment des conditions socio-économiques de certains milieux défavorisés, grâce aux structures sociales d’accompagnement et à des campagnes de prévention primaire et de promotion de la santé.

Pour la première fois en France un gouvernement voudrait faire voter par le Parlement une obligation groupée pour 11 vaccins. La dernière fois que le Parlement a voté une obligation vaccinale c’était pour le vaccin contre la poliomyélite en 1964. Ensuite et à ce jour, considérant que la population était plus instruite que par le passé et en raison de l’inefficacité de l’obligation vaccinale, les autorités n’ont pas jugé utile d’imposer de nouvelles obligations vaccinales.

Donc, pourquoi revenir sur cette décision des années 60 ?

Madame la ministre des Solidarités et de la Santé indique que l’obligation vaccinale permettra de restaurer la confiance, d’augmenter la couverture vaccinale et par là d’apporter un bénéfice majeur en termes de santé publique. C’est ce bénéfice qui justifierait l’obligation de vaccination des nourrissons par 11 vaccins.

Elle déclare fonder sa décision sur le constat d’un accroissement de la défiance de la population française à l’égard des vaccins qui se traduirait par le déclin de la couverture vaccinale des nourrissons. Or, ces deux arguments nous paraissent sujets à caution.

La population française n’est pas fondamentalement méfiante envers les vaccins, comme le montrent différentes enquêtes d’opinion (Annexe I*). Mais un infléchissement de la confiance est survenu, et les raisons n’en sont pas mystérieuses. L’origine de cet infléchissement réside dans deux épisodes survenus ces dernières années dont les autorités alors en place portent l’entière responsabilité.

Le premier est le précédent de la décision de la vaccination anti grippale de masse contre le virus A (H1N1). Cette crise, qui s’est produite en 2009, a été provoquée par le défaut de prise en compte des données plutôt rassurantes venant de l’hémisphère sud, qui a mené à la décision d’appliquer le plan « grippe aviaire » (mortalité extrême) à une grippe d’intensité normale et par l’exclusion des médecins généralistes du dispositif mis en place, les vaccins fabriqués en masse étant injectés à la hâte dans des lieux de vaccination collectifs en dépit des risques évidents de contamination.

Cet épisode représente un double échec : celui de l’expertise scientifique qui prédisait des dizaines de milliers de morts et celui de la concertation et de la prise de décision partagée entre les politiques, les professionnels de santé et surtout les citoyens. Nul doute que la confiance des Français a été fortement entamée par cette succession d’erreurs.

Le deuxième épisode est celui, non encore résolu, des pénuries récurrentes et durables de vaccins recommandés pour les nourrissons, les enfants et adolescents depuis le début 2015 devant lesquelles les gouvernements successifs sont restés sans réaction alors qu’elles pénalisaient de très nombreux parents. Ces pénuries peuvent facilement expliquer à elles seules la modeste baisse de couverture observée à partir de cette période du fait des contraintes pratiques pour les parents qui ne trouvaient plus les vaccins recommandés dans les pharmacies.

Malgré le risque de baisse de couverture vaccinale dû à cette pénurie, les différents gouvernements n’ont pas jugé utile d’intervenir pour mettre fin à cette situation. Pourtant, comme l’a précisé le Conseil D’État dans sa décision du 8 février 2017 concernant l’indisponibilité depuis 2008 sur le marché français du vaccin Diphtérie-Tétanos-Polio obligatoire non combiné à d’autres valences, le gouvernement et la ministre des Solidarités et de la Santé disposent de nombreux moyens légaux pour sanctionner les laboratoires pharmaceutiques défaillants et/ou se substituer à eux. En dépit de cela les ministres successifs ont toujours refusé d’utiliser ces moyens légaux à l’encontre des laboratoires. Cet épisode a également entamé la confiance des Français dans les recommandations vaccinales.

En tant que citoyens éduqués, et en application de la loi du 4 mars 2002, les Français ont le droit d’exiger des informations précises, claires et robustes sur les tenants et les aboutissants de la vaccination et n’ont pas à être soumis à des décisions précipitées et à une interprétation maximaliste de la concertation sur les vaccins. A plusieurs reprises dans les médias Madame la ministre a évoqué des chiffres inexacts sur la couverture vaccinale alors que celle-ci était en hausse constante chez les nourrissons jusqu’à 2015 (Annexe II*), illustrant ainsi l’impréparation, le manque de réflexion et l’absence de fondements solides à sa décision.

En outre, cette décision ne s’inscrit pas dans une vision globale et cohérente de la santé publique. Lorsque le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) émettait des recommandations concernant les vaccins, sa mission n’était pas de déterminer des priorités de santé publique.

Le HCSP devait décider si le rapport bénéficerisque de chaque vaccin recommandé pour la vaccination universelle des nourrissons pouvait apparaître comme acceptable sur la base de différentes hypothèses d’efficacité et d’une connaissance partielle des risques. Ces recommandations comportent donc une part importante de subjectivité et d’incertitude et ne tiennent pas compte du contexte global de santé publique. Les décisions concernant les recommandations vaccinales ont aussi passé outre à plusieurs reprises le mauvais rapport coût-efficacité des vaccins recommandés. Ces aspects ne sont pas un détail dans le cadre du PLFSS et dans un contexte de restrictions budgétaires où il s’agit de définir des priorités en favorisant les actions de santé publique les plus coûts-efficaces (Annexe III*).

Dans une perspective de santé publique, il faut savoir qu’il y a en France environ 2700 décès d’enfants de moins de un an, ce qui permet de définir la mortalité infantile, et 4000 décès au total chez les moins de 15 ans. Toutefois, 99 % de ces décès ne sont pas évitables par l’extension de l’obligation vaccinale à huit vaccins supplémentaires. Même dans l’hypothèse irréaliste d’une couverture vaccinale à 100 % et d’une efficacité vaccinale à 100 % stable dans le temps, ce qui signifierait l’éradication de toutes les maladies à prévention vaccinale visées par les recommandations actuelles, les huit vaccins supplémentaires recommandés ne peuvent permettre de prévenir plus de 1 % des décès survenant à ces âges. A titre de comparaison, les causes accidentelles représentent 8 à 9 % de la mortalité des moins de 15 ans et 25 % des décès soit un décès sur quatre entre 1 et 14 ans.

D’autre part, le modèle de la rougeole, constamment mis en avant, maladie pour laquelle la diminution du nombre de cas est proportionnelle à l’augmentation de la couverture vaccinale, n’est pas généralisable à toutes les maladies et à tous les vaccins et constitue plutôt une exception.

On peut ainsi noter que parmi les huit vaccins supplémentaires que l’on voudrait rendre obligatoires, certains concernent des maladies qui font déjà l’objet d’une prévention ciblée et qui ne circulent pas parmi les enfants en France. Ce qui signifie qu’on ne peut pas espérer prévenir des contaminations entre enfants par l’obligation vaccinale et ainsi obtenir un bénéfice en termes de santé publique (hépatite B). Cela signifie aussi que les enfants nés en France admis en collectivité et non vaccinés contre l’hépatite B ne représentent aucun risque pour les autres enfants. Pour d’autres vaccins, ces maladies sont rarissimes même en l’absence de vaccination (méningite à méningocoque C, 120 cas par an en moyenne dans l’ensemble de la population en l’absence de vaccination et un à trois décès par an chez les moins de 15 ans). Dans ce cas la vaccination universelle risque de provoquer plus d’effets indésirables graves chez les nourrissons, que de bénéfices dans la population générale. Cette vaccination est donc préconisée non pour éviter une menace sanitaire grave mais dans l’espoir illusoire, comme le montre l’exemple d’autres pays européens, d’une éradication possible de cette maladie rare.

Pour d’autres vaccins enfin, l’efficacité est instable, et leur généralisation a même pu favoriser l’accroissement significatif de la fréquence dans la population de la maladie que le vaccin devait combattre (vaccin contre le pneumocoque) (voir Annexe III*).

Pour chacun des onze vaccins concernés par cette mesure, les parents, vont être privés de la possibilité d’exercer un choix sous peine d’être exposés à des sanctions. Si cette mesure est appliquée, l’absence sur le carnet de santé d’un seul des onze vaccins concernés entraînera pour les parents l’impossibilité d’inscrire l’enfant concerné en collectivité (crèche, maternelle, école, collège, lycée). Le droit d’accéder à l’école étant lui-même étroitement lié à un droit fondamental, celui de l’accès à l’éducation. Or, comment justifier de faire peser de telles contraintes et sanctions sur les parents alors que les risques que feraient courir les enfants non vaccinés à la collectivité sont, pour certains des vaccins concernés par l’obligation groupée, inexistants ou infinitésimaux ?

On peut faire les mêmes objections pour les bénéfices de santé publique attendus qui sont, pour certains vaccins visés par l’obligation, marginaux ou très discutables.

Les sanctions envisagées apparaissent à la fois critiquables moralement et éthiquement mais surtout, la privation de la liberté de choix et la lourdeur des sanctions associées posent la question de la proportionnalité des contraintes. Cette proportionnalité garantit la défense des droits fondamentaux en assurant que la puissance publique ne puisse limiter la liberté des citoyens que « dans la mesure indispensable à la protection des intérêts publics ».

A l’aune de cet ensemble d’arguments il nous paraît donc légitime que la représentation nationale donne son avis pour chacun des vaccins concernés et qu’elle le fasse en toute indépendance, sur des critères qui soient clairs, démontrés et pertinents sans déléguer à un groupe d’experts dont certains présentent des conflits d’intérêts financiers avec les laboratoires pharmaceutiques commercialisant ces vaccins, la responsabilité de décisions qui ne devraient avoir pour seul objectif que la protection des individus, ici des nourrissons et des enfants, et l’amélioration de la santé publique.

L’affaire Levothyrox est également là pour confirmer que le manque d’anticipation des autorités sanitaires, le déficit d’information et de concertation avec les professionnels de santé prescrivant et délivrant ces médicaments, et surtout l’oubli initial qu’il y avait trois millions de patients traités ne pouvaient que mener à des incompréhensions, des souffrances, des nondits, et des rumeurs. Certains patients sont même allés jusqu’à arrêter leur traitement au risque de mettre leur santé en péril.

Madame la ministre des Solidarités et de la Santé a placé cette obligation sous le signe de la peur, insistant sur les dix décès dus à la rougeole depuis dix ans, mais n’a pas apporté les preuves que cette obligation serait suivie d’effets positifs à court et à moyen terme tant en termes de baisse de la mortalité et de la morbidité qu’en termes d’écologie infectieuse (apparition de résistances et/ou de changements d’âge de survenue des maladies).

Il nous semble donc impossible que vous puissiez voter cette loi en l’état, sans que les réelles conditions d’un débat démocratique aient été instaurées.

En annexe, plusieurs documents vous sont présentés afin d’illustrer cette lettre et de vous éclairer. L’un d’entre eux, l’annexe III, met en évidence les contradictions et les insuffisances dans les motifs ayant mené à cette décision et fait la démonstration que pour au moins trois vaccins sur les onze concernés par l’obligation cette mesure n’apportera aucun bénéfice de santé publique.

Premiers signataires :

  • Dr Claudina Michal-Teitelbaum, médecin généraliste
  • Dr Jean-Claude Grange, médecin généraliste
  • Dr Christian Lehmann, médecin généraliste
  • Dr Sylvain Fèvre, médecin généraliste
  • Dr Jean-Baptiste Blanc, médecin généraliste
  • Dr Marc Gourmelon, médecin généraliste
  • Dr Bertrand Stalnikiewicz, médecin généraliste

*Version pdf avec annexes à télécharger pour l’envoyer à votre député : https://goo.gl/bcZ3qN Médecins, signez la pétition de soutien à cette lettre ouverte : https://goo.gl/LsnbFt

Édito de Prescrire sur l’obligation vaccinale

Obligés ?
Onze vaccinations sont pratiquées en France en routine chez les nourrissons. Elles sont justifiées sur la base d'une argumentation solide. Trois étaient déjà obligatoires, les huit autres étaient recommandées. Elles sont toutes devenues obligatoires, en 2018. Elles auraient toutes pu devenir "recommandées''. Les autorités de santé françaises, approuvées par le Parlement, ont fait le choix de l'obligation pour augmenter ou préserver la couverture vaccinale face à de fortes réticences exprimées contre des vaccinations (lire pages 103-104).

Aux craintes d'effets indésirables de certains vaccins. et aux demandes de recherches plus actives sur leurs effets à long terme, les autorités de santé françaises ont choisi de répondre par autoritarisme, en considérant les parents opposés à des vaccinations comme "irresponsables" : ils exposent leurs enfants au tétanos, la collectivité à la rougeole, les femmes enceintes à la rubéole, etc. Pour ces parents, ce sont les autorités de santé qui sont "irresponsables" : elles refusent de prendre en compte des signaux de pharmacovigilance, exposant les enfants à des effets graves. Notamment neurologiques.

Les autorités de santé françaises ont choisi en 2017 de passer en force, avec une attitude paternaliste, y compris face à ceux qui demandent plus de connaissances, notamment sur les adjuvants. Cette réponse déresponsabilise parents et soignants, et entretient la suspicion. Elle risque de conduire à un affrontement avec des parents convaincus de défendre les enfants. Convictions contre convictions, sans aucune avancée de l'évaluation.

Cette réponse est un triste signe d'incapacité. Incapacité à faire face à une contestation, quelle que soit sa part d'irrationnel et de fondements scientifiques. Incapacité à construire une réponse adaptée dans une société où le savoir est partagé et multiple. Incapacité à soutenir les soignants dans leur rôle de médiateurs en apportant des données sans biais d'influence pour quantifier les risques et les bénéfices.

Notre société n'a pas à être au garde-à-vous. Recommander les vaccinations dont la balance bénéfices-risques est favorable a l'avantage de faire porter des obligations sur les autorités de santé : obligation de fournir des arguments clairs sans nier les doutes, obligation de faire évoluer les recommandations au vu de l'évolution des connaissances, obligation d'exemplarité dans les relations avec les firmes productrices de vaccins et dans les choix de santé publique.

Prescrire

Dans son éditorial de fin février 2018, la revue internationale "Nature" se montre elle aussi critique sur la décision française d'obligation vaccinale et promeut la démarche d'explication de la balance bénéfices/risques pour chaque vaccin dans une approche centrée patient (à l'instar de ce que recommande le CNGE en France).

Le SNJMG

Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°20

Publié le 1653290109000