Il est un paradoxe. Si, dans les discours, personne ne supporte qu’on fasse du mal à un enfant, dans la vraie vie, les enfants sont victimes de violences sexuelles de façon massive dans l’indifférence quasi générale et l’impunité quasi totale. Malgré notre lutte inconsciente, notre résistance, pour voiler cet insupportable réel, celui-ci se déchire peu à peu. Il apparaît de plus en plus difficile de continuer à nous aveugler.
Faire porter tout le poids de notre violence sur les plus vulnérables comporte un coût et nous découvrons enfin les répercussions à très long terme sur la vie - bio - en général. Pourquoi les enfants sont-ils si touchés par la violence ? Leur dépendance inhérente à leur statut d’enfant les fragilise. De plus, comme ils sont en bout de chaîne de la violence humaine, ils sont les plus touchés. Selon les chiffres publiés par l’Unicef, trois filles sur cinq (soit 60 %) et un garçon sur cinq (soit 20 %) seront victimes d’abus sexuels avant l’âge de 18 ans, des chiffres forcément sous-évalués car ces drames sont très souvent tus, cachés.
Chois est un livre choc pour tenter de faire bouger les lignes sur le sujet des violences sexuelles commises sur les mineur.e.s. Chois a pour vocation de favoriser la prise de conscience sur un sujet encore trop tabou dans notre société et d’ouvrir le débat afin d’élargir la notion de viol et de harcèlement sexuel commis sur les enfants. Choc car il vient mettre au travail ce qui fait choc en nous lorsque le sexuel fait effraction. Or cette effraction, cette irruption, nous la connaissons toutes et tous. Que nous ayons été victimes ou pas, ce sujet parle en nous et nous parle. D’où la difficulté d’en parler.
Chois explore l’impasse subjective à laquelle mène le délit ou le crime sur mineur.e.s. À savoir, l’impossibilité d’en parler dans une société qui n’en veut rien savoir. J’ai écrit ce livre alors que j’étais doctorante après avoir compris que l’expression de ces sujets tabous me vaudrait l’exclusion professionnelle. J’ai souhaité, alors, écrire pour tenter d’ouvrir les consciences en touchant le coeur des gens.
La sortie de ce livre dans l’indifférence générale de mes soi-disant « proches » en dit long sur l’ampleur du déni voire du rejet qu’accompagnent ces sujets. Car sans formation, déni et rejet sont le lot commun. L’écriture de ce livre est une tentative pour que cela change. Car de formation, il n’y en a pas. Pour la simple et bonne raison qu’on touche à l’indicible, à l’innommable, à l’horreur. Or, être à même d’entendre ce qui ne s’entend pas de ne pas se dire - c’est le propre d’un trauma - ne relève pas d’une formation mais de l’intelligence et de la finesse d’une écoute qui n’existe que très peu vu que nos modèles de société ne sont pas construits là-dessus. Dès lors, comment sortir du Moyen Âge afin que chacun ait accès à une justice digne en un temps et une heure adaptée à ses besoins psychiques ?
En démontant un à un les rouages subtils qui grippent la mécanique du dire. De l’entendre.
La construction omertatique ou le verrouillage du déni et de la dénégation
Le déni ou la dénégation inhérente à l’aveu d’une agression ou d’un viol d’enfant est de plusieurs ordres.
Le déni ou la dénégation existe tout d’abord chez le sujet. Ou pas
Le déni ou la dénégation est un mécanisme de défense très efficace. Plutôt que de détourner ou de déformer le questionnement, il le supprime tout simplement.
Le déni subjectif ou la dénégation est à corréler au traumatisme. À l’in-intégrable du traumatisme. On ne saurait intégrer ce qui ne peut pas l’être psychiquement.
La force traumatique est telle et l’agression tellement infractante psychiquement qu’un temps d’élaboration, variable selon chaque sujet, est nécessaire.
Le traumatisme de l’agression sexuelle est d’autant plus in-intégrable qu’il déborde les capacités de connaissance sexuelle du petit sujet. Or, comment mettre en mots ce qu’on ne comprend pas ? À cet égard, je vous recommande l’excellent film allemand d’Eva Trobisch : « Alles its gut », 2018, et son euphémique traduction française : Comme si de rien n’était. L’in-intégrable du traumatisme et l’impossibilité pour cette femme moderne et érudite de parler du viol qu’elle a subi de la part d’un collègue est particulièrement bien filmé.
Le déni ou la dénégation existe dans la famille. Ou pas
On comprendra aisément que la famille n’ait aucun intérêt à ouvrir les yeux sur ces comportements déviants. Ce serait trop de remise en cause. Trop douloureux de regarder ce sur quoi elle est construite. Donc pour taire, elle enterre.
D’autant plus qu’en cas d’inceste, ces chaînes de violences secrètes sont actives depuis des générations. Parler de ces violences fait voler l’organisation groupale et le sujet victime se retrouve seul à porter tout le poids des dysfonctionnements familiaux. Terre, mettre sous taire paraît une solution plus adéquate.
Le déni ou la dénégation existe dans la société. Ou pas
Il serait surprenant que la société inversât le mouvement. Puisque le crime ou le délit est caché, pourquoi parlerait-elle à son tour ? À l’instar des autres, elle fait porter tout le poids de la culpabilité sur l’enfant. Depuis des générations. Pourquoi, dès lors, le monde politique s’emparerait de ce sujet tabou puisque personne n’en parle ? Pas d’action politique donc.
Conclusion
Trois dénis qui font boule de neige. La parole, une fois rendue possible, se heurte à des murs. Mur du langage, mur familial, mur sociétal, mur judiciaire. Pas possibilité de parler, pas possibilité d’obtenir réparation, possibilité d’écrire si vous le pouvez. À vos risques et paroles. Je garde le lapsus. Je voulais dire : à vos risques et périls. Qui osera dire ? Qui osera lire ?
Oui, il en coûte de parler.
Trois dénis qui participent de l’impossibilité pour les victimes de pouvoir vivre normalement. Je n’aime pas le terme de « reconstruction ». On ne se reconstruit jamais après un tel drame. On apprend à vivre ou à survivre avec la participation active de toute une société organisée pour vous en empêcher. D’où l’injonction à la chute qu’évoque le titre de mon livre, entre autre signification, car il joue avec l’homonymie du son à plusieurs niveaux.
Invisibilisations des infractions psychiques et exclusions du langage
Pas de victime
Grâce à ces trois grands niveaux de verrouillage inconscient, les crimes et délits commis sur les enfants sont invisibilisés. Ça n’existe pas, c’est pratique, on peut continuer de culpabiliser les petites victimes. Le mal, finalement, ce n’est pas celui qui l’a fait qui l’incarne mais c’est celui qui en parle ! Parler de « victime » est d’ailleurs un terme bien abusif car à proprement parler, de victime, il n’y en a pas puisque ce mot renvoie à une notion juridique. Or, ce qu’on trouve en masse, ce sont des blessés psychiques, pas des victimes ! D’après une enquête récente, si 1 % des violeurs de femmes sont au final condamnés, 0,3 % des violeurs d’enfants le sont (Enquête « Cadre de vie et sécurité » ONDRP – 2015-2017, Infostat Justice février 2018). L’indifférence dans laquelle sort mon livre et les abandons et rejets qu’il suscite de la part de ceux qui m’entouraient s’interprète parfaitement à la lueur de ces chiffres. Car au-delà des in-intégrables et incompréhensibles attaques avérées subies lorsque j’étais une petite fille s’ajoute celle de l’abandon des proches. Or, perdre des proches de son vivant est extrêmement douloureux et surenchérit le traumatisme. Tels des piliers qui s’effondrent, vous voilà tout seul à porter le toit de la maison. C’est très lourd. Il est incompréhensible de penser et encore plus impossible à admettre qu’à l’obscénité d’un geste commis sur un enfant ou ex-enfant par un agresseur que tout le monde défend s’accompagne l’abandon des proches. Sans l’appui de la justice pour dire les responsabilités, dans une société de lâches, l’enfant, Atlas des temps modernes, issu du Chaos, est seul à porter le poids de la honte.
Chois livre une traque sans merci à toutes ces paroles de déni. On me met là encore en cause : « c’est étrange tout de même, toutes ces mauvaises rencontres ». Encore du sous-entendu. Encore moi la coupable ! Qui ne l’a pas vécu ne peut comprendre, connaître dans son coeur et dans son âme ce rouleau compresseur langagier qui cherche à vous évacuer du symbolique. Une complicité sociétale en quelque sorte. Une culture du viol pour reprendre le titre d’un livre. C’est la psychanalyste qui vous dit, après lecture du livre : « qu’est-ce qui s’est passé avant ?! ». Certes, on peut comprendre ce que veut dire cette professionnelle mais comment ne pas y lire une invalidation du délit ou du crime ? À vouloir toujours creuser pour des raisons contextuelles, on déconsidère la gravité d’un acte. Or, c’est certain : on ne peut se dire si l’on sent que l’autre ne peut pas entendre. Franchement, si, trente-cinq ans plus tôt, on m’avait écouté au lieu de me faire taire, la société française aurait gagné du temps !
Pas de justice
Pas de justice puisque « ça » n’existe pas. Pas de lois appliquées. La plupart des plaintes, plus des trois quarts, sont classées sans suite. Pas de procès. Le délai de prescription finit de faire taire ceux qui auraient encore l’audace de parler. Ce délai de prescription qui maintient artificiellement un temps limité pour parler et offre le grand mérite de protéger les agresseurs.
Conséquemment, puisque rien n’existe, pas de prise de conscience. Tout le monde parle à tort et à travers de ce qu’il ne connaît pas. Personne ne mesure l’impact de ce qui est dit en présence de polytraumatisés psychiques. Dès lors, la blessure psychique liée au vécu est sans cesse alimentée par le discours ambiant qui blesse encore davantage et maintient des écoutants culpabilisés dans le déni. Si on ose parler en psychanalyse, c’est le mépris assuré. On est un moins que rien. On n’a pas compris les thèses freudiennes. Il y a vraiment une insuffisance de ceux qui prétendent savoir en maltraitant des sujets qu’ils ne connaissent pas.
Pas d’inversion du stigmate
Pour inverser honte et culpabilité afin de rétablir la vérité, un travail inouï s’impose, incroyablement difficile. Car parler pour inverser le stigmate oblige à se stigmatiser soi-même. Personne ne vous protège. Bien au contraire. On est tout seul. Sans appui ou presque.
Voilà la genèse de Chois.
Un jour, peut-être, la société aura suffisamment évolué, pour entendre.
Crimes et délits, autres terminologies juridiques d’un droit qui n’existe pourtant pas pour les enfants victimes de violence. Chois tente de démontrer la non-pertinence pour le sujet de telles dénominations. Car s’il peut être pertinent d’établir de telles catégorisations pour définir le droit, à savoir l’absence ou non de pénétration, de telles approches n’ont aucune validité pour le psychisme. De ce point de vue, l’effraction sexuelle peut, en elle-même, être traumatique indépendamment de catégories juridiques dont le psychisme n’a que faire. Le traumatisme passe parfois par le sexuel mais n’est pas sexuel. Il a à voir avec le fantasme.
De la victimophobie à la pédocrimophobie
Il faudrait inventer une occurrence spéciale pour nommer la violence spécifique subie par la victime d’un tel drame qui ose parler. Outre les tentatives pour faire taire ou mettre à terre, les tentatives de minimisation (« C’est rien », « c’est pas grave », « ça va passer », « ça va s’arranger ») de banalisation (« ça arrive à toutes les femmes », « tu t’en es bien sorti », « t’en verra d’autres »), le silence qui entoure ce genre de révélation est parfaitement retentissant. Silence qui revêt une autre forme de violence pour mieux nier le réel, invisibiliser les violences. Sans parler des tentatives d’infériorisation, des déchaînements pervers.
Des écarts de langages significatifs
On notera quelques maladresses cruelles : un prétendu ami, alors que nous buvions une coupe de champagne en l’honneur de la sortie de mon livre, me lança « la marche blanche, je ne suis pas pour ». Qui se permettrait de dire à un noir qui sort un livre sur les dégâts de l’esclavagisme qu’il est contre le fait de se rendre aux manifestations du 10 mai contre l’abolition de l’esclavage ?!
On notera également le désir, inconscient parfois, de punir ceux qui osent parler. « Non, les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux ».
On notera des attaques plus franches, particulièrement fallacieuses, comme remettre en cause la qualité de ma sexualité adulte ou sousentendre publiquement que j’ai arrêté l’enseignement parce que j’étais pédophile !!! Plaindre l’agresseur : « Et lui, tu penses un peu à lui ?! » ou le soutenir « il est si gentil » ou « comment oses-tu dire du mal d’un aussi gentil garçon ». Tenir des propos douteux qui font équivaloir « pédophilie » et « amour des enfants » comme y invite l’étymologie du mot tels que « ça se voyait qu’il aimait tellement les enfants ». On comprendra peut-être que chacune de ces phrases soit vécue comme un choc. Car c’est incroyablement choquant que de constater ce soutien qui n’est jamais apporté à la victime mais toujours à l’agresseur. Systématiquement. Ce véritable culte voué aux violeurs d’enfants est à interroger.
Une formation professionnelle inexistante ou inadaptée
Les professionnels de la psyché n’échappent pas à cette propension à faire l’apologie du viol : « le viol, c’est mieux que rien » ou encore à Sainte Anne, lieu de formation, « grâce au viol, cette patiente (…) » ou : « t’as réalisé ton fantasme ». J’ai même rencontré une psychanalyste que j’ai payée très cher pour m’entendre dire : « et ces jeux sexuels ne vous ont pas surprise ?! ». Comprenons bien. Cette femme était incapable de différencier des jeux sexuels - entre enfants du même âge qui surviennent éventuellement au moment de l’apprentissage de la différence des sexes vers quatre ans - et l’instrumentalisation d’une petite fille par un adulte pervers dans le but de satisfaire des besoins sexuels de façon inadaptée et tombant sous le coup de la loi ! Heureusement, des professionnels compétents existent ! Et puis, il y a encore ces professionnels hors la loi comme bon nombre d’avocats : « vous ne voulez tout de même pas le mettre en prison ?! » ou cette réflexion d’une femme de loi : « mais enfin Madame, s’il fallait punir tous les délits ». Sans parler de ces professionnels hors sujet qui vous disent qu’il n’y a qu’une chose à faire : « pardonner ».
Écrire sur ces questions ou les évoquer suscite des réactions des plus perverses y compris chez des êtres très cultivés ou érudits comme cette éditrice d’une très grande maison d’édition (Le Seuil) qui rédige une note de refus motivé d’une page, envoyée le 8 mars, où elle explique qu’il faudrait : « trouver quelque chose pour que ce témoignage parle à d’autres » (…) « Quel est l’intérêt de ce livre, faire honte ? ». Comment parler en ces termes d’un livre qui parle d’un viol d’enfant, qui propose une loi ? Il est clair que ces propos sont le fruit de l’exposition à laquelle je me suis livrée avec la rédaction de Chois. Ou encore ce mépris de quelques féministes censées vouloir aider les autres femmes : « Il faut avoir fait des études pour être écrivain ! (…) j’le lirai votr truc ».
Oser parler expose à la bêtise, à une particulière malveillance, à la perversité. Au lynchage. En l’absence de Loi, porter la faute d’un autre puisque rien ne vient rétablir les responsabilités. Chois !
Fragilité interne ou « état d’esprit sociétal » ?
N’importe quel spécialiste vous expliquera que vous avez une fragilité et que c’est pour cette raison que vous êtes blessée de tout. Certes, on est responsable dans une certaine mesure, de l’impact que les mots ont sur nous. Toutefois, la répétition voire l’accumulation de ces invraisemblables réactions est révélatrice : il est des mots qui dénotent l’état d’esprit d’une société. Sa tendance profonde.
Si les infractions commises sur les mineurs étaient sanctionnées à la hauteur des dégâts qu’ils occasionnent, de tels propos tomberaient sous le coup de ce qu’ils sont : une apologie du délit ou du crime de pédophilie. Encore faut-il comprendre pourquoi notre société en est-elle là ? Pourquoi la France tarde-t-elle tant à protéger ses enfants ? Pourquoi un tel retard ? Chois apporte quelques éléments d’analyse.
Relater la violence qu’on a subie de la part d’un autre place le récepteur de l’aveu en position de force. De ce fait, votre révélation fonctionne comme un aveu de faiblesse. Parler de ces questions fragilise dans le rapport à l’autre. Avancer les mains nues avec sa vérité au creux des mains voue les malheureux parlants aux gémonies. Quant au livre, il attire d’autres formes de violences. « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté ».
Conclusion
Ces analyses systémiques sont dans Chois mais comment présenter ce livre en passant sous silence sa raison d’être profonde. Car Chois, ouvrage personnel, adopte une forme littéraire inédite pour mieux faire entendre son message. Il est le fruit de la liberté et il ne se laisse pas enfermer dans un genre ou une case. De ce fait ce livre ovni est classé, en librairie, dans plus d’une dizaine de catégories. Les voix de l’enfant, de l’adolescente, de l’adulte se succèdent, tout à tour, pour se juxtaposer parfois. Plus qu’un livre autobiographique, Chois, relate le cheminement d’une parole pendant près de 35 ans. La parole de celle qui n’a jamais accepté le silence imposé par toute une société. Livre vivant, humain, seul le fil de la vie permet de mettre en lumière cette mécanique omertatique préalablement décrite.
À force d’être réduite au silence, j’ai parfois douté du désir qui m’anime - l’écriture - que je puise dans cette impossibilité à dire sans être blessée. Sensible aux mots, en tant que femme de lettres, j’entends ce qui est dit et j’en suis horrifiée.
C’est pourquoi, avec toute cette ignominie, qui fait, aussi, partie de nous, qui est profondément humaine, j’ai créé du beau pour dépasser l’horreur et pour survivre à la laideur. C’est une façon de défendre mon talent à dire, une façon de résister et d’exister. Je ne me laisserai pas réduire à n’être rien. Les mots sont ma vie en même temps qu’une impasse. Toujours dire fut ma thérapie, ma liberté.
Voire le beau, croire au beau, créer du beau, du bio, - de la vie - est la seule façon de vivre pour moi. De me faire du bien avec les mots. Et, j’espère, d’apaiser, aussi mes lecteurs et mes lectrices.
Ma drôle de chambre
La maladie grave de l’enfant et sa mort possible : des sujets tabous
Quand un enfant est atteint d’une maladie grave, c’est tout son monde qui s’effondre à l’annonce du diagnostic. Bien souvent il y a l’ombre de la mort qui rôde et qui paralyse tous ceux qui l’entourent. C’est en raison de cette difficulté, constatée au quotidien dans ma pratique de psychologue clinicienne spécialisée dans la prise en charge des enfants exposés à des événements traumatiques, que j’ai souhaité aborder cette thématique si peu envisagée dans la littérature jeunesse. Car la plupart des ouvrages conçus autour de la question des enfants et de l’hôpital abordent l’hospitalisation de façon très « positive » à travers des témoignages ou des dessins décrivant un vécu idéal : tout le monde est gentil, tout se passe bien, aucun soin n’est douloureux, la guérison est là et l’hospitalisation n’est qu’un mauvais souvenir. Certes ces situations existent, mais pour de nombreux enfants la réalité est tout autre.
Pour un enfant, être malade est une angoisse indescriptible, souvent majorée par les réactions de ses proches. Et le temps passé à l’hôpital est une expérience loin d’être vécue sereinement même si tous les personnels font leur maximum pour que tout se passe pour le mieux… Il est confronté à un environnement qu’il ne connaît pas, à des termes qu’il ne comprend pas, à une multitude d’intervenants qui oublient bien souvent de se présenter ou qui ne donnent que leur qualification qui n’a aucun sens pour un enfant (« externe », « interne », « infirmier » …). Si dans la majorité des cas, les temps d’hospitalisation se réduisent toujours davantage et l’enfant ne fait que « passer » à l’hôpital quelques heures, d’autres vont tout de même y être hospitalisés (de façon chronique avec des allers-retours au domicile ou, selon les pathologies, pour des durées longues).
Et quand l’hospitalisation est décidée en raison de la gravité de l’état de santé de l’enfant, il y a subitement une chape de plomb qui vient s’abattre sur l’enfant et sur ces proches.
Les difficultés pour lui parler, lui expliquer ce qu’il a, écouter ses questions, supporter ses angoisses, sont envahissantes et expliquent que ce sujet semble si tabou dans notre société. À l’heure où la médecine est de plus en plus performante, où les hospitalisations sont de plus en plus rares et courtes, il est de plus en plus incompréhensible pour les patients et leurs proches d’accepter que tout ne se soigne pas facilement et que, dans certains cas, une hospitalisation longue et nécessaire et qu’il peut arriver que la maladie l’emporte.
Les enfants aussi ont mal, les enfants aussi ont peur de la maladie et de la mort
La question de l’enfant et la mort est universelle, les réponses innombrables, tant elles sont difficiles à trouver et inévitablement imparfaites. La souffrance et la mort sont une aporie pour les enfants (du tout petit bébé au grand adolescent). Si on commence à l’accepter pour les adolescents, on l’imagine rarement pour les enfants, et pour les bébés ce sont des notions qui ne sont même pas envisagées par la plupart des adultes.
Elles sont pourtant essentielles, mais restent difficiles à admettre.
L’idée qu’être malade puisse conduire à une souffrance traumatique chez l’enfant tarde à être partagée par tous. Peut-être parce qu’elle nécessiterait de reconnaître qu’elle est liée à notre impuissance face à une maladie qui s’impose dans la vie d’un enfant que l’on imaginerait préservé des épreuves et des souffrances de la vie.
Une réalité qui reste difficile à accepter
La difficulté à accepter qu’un enfant puisse souffrir psychiquement, en particulier quand il est malade reste présente. Elle s’étaye sur des représentations tenaces qui conduisent à affirmer que les enfants, surtout les plus jeunes, n’ont pas de mémoire et oublient en grandissant (cela ne sert donc à rien de leur expliquer ce qu’ils vivent) ; qu’ils sont trop immatures affectivement pour être durablement traumatisés ; qu’ils n’ont pas de conceptions de la mort comme l’adulte (donc qu’ils n’auraient pas peur de mourir). Il est certain qu’un enfant en plein développement n’a pas les mêmes ressources langagières, cognitives et affectives qu’un adulte, mais cela ne signifie pas qu’il ne perçoit, ni ne comprend rien. Le suivi d’enfants exposés à des évènements traumatiques (en particulier des maladies graves) nous permet de savoir que ces vécus font traces dans leur histoire et s’inscrivent, comme tout processus qui prend place dans une ligne de développement, dans leur vie. Nous pouvons même constater chez les enfants malades et régulièrement hospitalisés que ces épreuves modifient leur perception à la vie, à eux-mêmes et aux autres. Les enfants, aussi jeunes soient-ils, ont une représentation de la vie faite à partir de leurs expériences. La douleur, la peur, viennent rompre leur rythme de vie. Et les effets sont d’autant plus intenses que leurs proches (parents, fratrie, camarades) sont aussi touchés par les effets de ce traumatisme qui vient fracasser leur vie. Pour bien grandir, un enfant a besoin de se sentir protégé, sécurisé, valorisé. Or la maladie vient rompre l’équilibre de vie préalable et insécuriser tout son entourage. Un parent doit trouver en lui la force nécessaire pour tenir face à la maladie de son enfant et ne pas s’effondrer pour pouvoir continuer à être à ses côtés. C’est particulièrement douloureux, car il doit dépasser ses propres peurs, ses angoisses, son vécu d’impuissance et sa culpabilité à n’avoir pas pu empêcher cette maladie. Cela permet de comprendre que bien des parents n’osent rien dire à leur enfant et font « semblant ». Mais ils ne dupent qu’eux-mêmes, car les enfants perçoivent très vite et très bien la fausseté de leur attitude, même s’ils ne leur en disent rien.
Apprendre à se mettre à hauteur d’enfant
Face à un enfant malade, la première des priorités serait de se mettre à son niveau, c’est-à-dire de partir de ses représentations, de ses questionnements, de ce que, lui, a compris de ce qu’il vit. Cela permet d’accéder à ses théories, de savoir où il en est des explications qui lui ont été données, de décrypter ses inquiétudes, de mettre des mots sur ses ressentis. Cet ajustement relationnel ne devrait pas être l’apanage de spécialistes, mais être connu de tous. Il parait simple, mais est infiniment complexe, car un mot maladroit, une attitude inadaptée, peuvent en quelques instants brisés le lien de confiance avec l’enfant.
Par exemple Baptiste, huit ans, traité pour une mucoviscidose a rendez-vous avec son médecin qui ne l’a pas vu depuis une semaine. Pensant bien faire, celui-ci lui dit d’emblée « ça me fait plaisir de te voir en forme ; le traitement va bien ? ». Baptiste m’explique un peu plus tard : « je ne m’étais même pas assis, je n’avais même pas eu le temps de lui dire que ça n’allait pas que lui, il me disait que j’étais « en forme » …alors moi je ne lui ai pas dit que ce n’était pas vrai et que je n’en pouvais plus, car il avait décidé que j’allais bien… ce jour-là j’ai compris que je ne pouvais pas lui faire confiance et qu’il ne me comprenait pas… ». Si ce médecin, certainement des plus bienveillants, avait juste modifié sa formulation, il aurait sans aucun doute permis de maintenir une relation de confiance. Par exemple s’il avait dit à Baptiste « je te trouve en forme, mais ce n’est que mon avis, ce qui compte c’est toi. Toi, comment te sens-tu, comment se passe le traitement ? ». Penser à dire « Je », change tout, car cela crée l’intersubjectivité c’est-à-dire ce lien entre soi et l’autre sans imposer son propre point de vue ni affirmer par des phrases suggestives une réalité qui n’en est pas une. En utilisant des formulations « fermées » (phrases affirmatives, impersonnelles, suggestives, visant à éviter inconsciemment tout échange), les professionnels ne sont pas dans une dynamique d’écoute et de création de liens protecteurs. Ils affirment. Et plus la situation est stressante, plus le court-circuitage à toute discussion est présent avec des échanges qui n’en sont plus vraiment. Même si l’attention et la bienveillance restent présentes, il manque ce lien protecteur fondamental pour un enfant qui consiste à ne pas dénier ce qu’il est, ce qu’il vit, ce qu’il comprend ou ne comprend pas.
Des maux pour dire la souffrance
Beaucoup d’enfants traumatisés ne se plaignent pas et ne sollicitent pas d’aide. Par peur d’inquiéter leur entourage, par crainte de ne pas être compris, par honte, par culpabilité ou tout simplement parce qu’ils ne peuvent pas parler (bébés, enfants trachéotomisés, enfants handicapés et sans langage). Un enfant ne demande pas l’aide d’un autre comme le ferait un adulte. Il manifeste le plus souvent par son comportement son mal-être : il régresse, ne joue plus, se replie sur lui-même ou adopte des attitudes oppositionnelles, supporte avec une compliance excessive les traitements les plus invasifs, développe des « jeux traumatiques » qui le conduisent à mettre en scène ce qu’il vit pour tenter d’en reprendre le contrôle.
Si l’adulte ne sait pas décrypter ce langage des maux, il passera à côté de la souffrance psychique de l’enfant. Au traumatisme de la maladie s’ajoutent alors le vécu d’abandon, l’incompréhension, le délaissement qui conduisent à des états qui ne sont pas forcément spectaculaires, mais qui sont hautement déstructurants pour le devenir psychique de ces enfants.
Soigner les traumas de l’enfant malade autant que sa maladie
Accueillir, soutenir, accompagner ou rencontrer des enfants malades est humainement difficile, éprouvant, bouleversant. Savoir aussi être disponible pour des parents pas toujours simples à gérer, l’est tout autant. Le recours aux références scientifiques (en particulier les résultats aux différents examens médicaux) est réassurant pour le professionnel, mais pas pour l’enfant s’il ne les comprend pas et s’il a l’impression qu’on ne l’écoute pas. Beaucoup d’enfants malades nous expliquent leur impression d’être réduit à des pourcentages, à des statistiques, à des chiffres, alors qu’ils voudraient simplement être avant tout considérés comme des enfants et non envisagés que comme un corps malade. S’occuper d’enfants malades nécessite d’apprendre à rester disponibles psychiquement pour eux pour soulager leur souffrance et ne pas laisser sans réponses leurs questions profondes et parfois dérangeantes. Mais savoir être, savoir faire, face à un enfant dont la vie est suspendue à l’évolution de sa pathologie est une épreuve dont nous connaissons toute la difficulté pour ceux qui s’y trouve confrontés. Que les soignants soient affectés par ce que vient leurs petits patients est inévitables. C’est même d’une certaine façon nécessaire, car cela témoigne de l’humanité du soignant et est un gage d’une créativité possible autour de cette réalité.
Le trauma est cette blessure psychique liée à la confrontation à un événement traumatique. Pour un enfant malade, il se traduit en immédiat (au moment de l’hospitalisation) par la peur, la sidération, des conduites automatiques (regarde la télé ou « joue » comme si de rien n’était), la sensation d’étrangeté, un vécu de déréalisation (comme s’il était dans un mauvais rêve), une dissociation péritraumatique (par exemple cet enfant brûlé qui explique « sortir de son corps » lors des soins extrêmement douloureux). Une fois sorti de l’hôpital et « guérit » il peut y avoir des troubles post-traumatiques qui se manifestent des semaines voire des années plus tard (reviviscences traumatiques qui lui font revivre la souffrance subit lors de la maladie comme s’il s’agissait d’une situation encore bien présente). Autrement dit, la maladie a cette dimension somatique bien connue des médecins, mais aussi cette dynamique psychique qui peut faire trace et devenir une blessure invisible hypothéquant le devenir de l’enfant.
L’objectif de cet album jeunesse que nous avons choisi d’intituler « ma drôle de chambre » est de permettre aux adultes de son entourage (parents, soignants) d’avoir un support pour parler de la maladie, de l’hospitalisation et de toutes ces questions que l’enfant se pose sans oser les aborder avec l’adulte. Face au vécu traumatique d’un enfant malade, il nous semble important d’adopter une position non idéologique qui part du vécu de l’enfant, de la réalité dans toute sa complexité pour tenter de ne pas laisser l’enfant seul face à ses inquiétudes et ses interrogations. Il n’existe pas de réponse absolue, de vérité assurée, mais chaque adulte peut, à son niveau, éclaircir les questions de l’enfant sans prétendre les résoudre magiquement. Autrement dit, il ne s’agit pas de n’avoir que de bons sentiments (qui s’épuisent vite) et encore moins de s’apitoyer ou de banaliser ce que vit l’enfant. Mais de se mettre à hauteur d’enfant en ayant une approche pragmatique, centrée sur la connaissance clinique du monde de l’enfant et d’accepter que la souffrance, le deuil et le trauma se transmettent aussi comme l’attention, l’amour ou la vie.
C’est cette idée qu’un album jeunesse peut servir de portage psychique entre l’enfant et l’adulte qui nous a conduits à développer cette collection d’ouvrages sur des sujets jamais abordés jusque-là. Car c’est l’essence du langage, du dessin et de la culture que de mettre à notre disposition des supports pour se figurer l’impensable, la détresse, la souffrance, la mort et leurs conséquences ; et ce que l’on soit petits ou grands, parents ou professionnels.
Hélène ROMANO
Dr en psychopathologie-HDR, psychothérapeute
Bibliographie
Romano H., Day A. Ma drôle de chambre. L’hospitalisation de longue durée chez les enfants, comment rompre l’isolement ? Paris, Editions Courtes et Longues, 2019.
Romano H., Day A. L’arbre et l’ombre de la lune. Accompagnez un enfant dont un parent s’est suicidé, Paris, Editions Courtes et Longues, 2017.
Romano H., Day A. Après l’orage, Parlez des attentats avec les enfants, Paris, Editions Courtes et Longues, 2019.
Palliaclic.com : Un système d’aide à la décision médicale informatique pour la prise en charge ambulatoire des patients en soins palliatifs, adapté aux besoins des médecins généralistes
Auteurs : Juliette Créange, Marie Desesquelles
Conflits d’intérêts :
Juliette Créange : Présidente de l’association « Palliaclic », », accord de principe de la fondation APICIL pour une demande de subvention
Marie Desesquelles : Secrétaire et trésorière de l’association « Palliaclic », accord de principe de la fondation APICIL pour une demande de subvention
Mots clés : Soins palliatifs, ambulatoire, médecine générale, système d’aide à la décision médicale, Informatique
Introduction
En France, près de 80 % des personnes interrogées au cours d’enquêtes d’opinion souhaitaient décéder à leur domicile, tandis qu’en réalité seul un quart des français mourrait dans leur foyer (1). C’est pourquoi de nombreuses mesures ont été adoptées afin d’améliorer la branche palliative de la médecine. En effet, plusieurs études ont démontré que la prise en charge symptomatique restait un barrage majeur au maintien à domicile (1–3).
Le médecin généraliste étant au coeur de la prise en charge ambulatoire des soins palliatifs (4), il est nécessaire qu’il ait à sa disposition un ensemble d’outils et de protocoles adaptés à la prise en charge de ses patients.
Actuellement, des outils informatiques « d’aide à la décision médicale » existent dans de nombreux domaines de la médecine. Cependant, dans le secteur des soins palliatifs, il n’existe pas d’outils adaptés au temps de la consultation de médecine générale (5).
L’objectif était de construire un Système informatisé d’Aide à la Décision Médicale (SADM) approprié aux besoins des médecins généralistes, centré sur six thématiques cliniques de soins palliatifs choisies par les médecins généralistes isérois.
Matériel et méthode
Première étape
En juin 2018, une étude des besoins a été réalisée afin d’établir le cahier des charges du SADM informatique. Le questionnaire construit se découpait en quatre parties :
La première partie correspondait aux caractéristiques démographiques du répondant.
La deuxième partie du questionnaire exposait trente-cinq situations de soins palliatifs, retrouvées de façon récurrente dans la littérature scientifique (1, 4, 6–11). Pour chaque situation le participant pouvait graduer l’intérêt qu’apportait un SADM informatique dans sa pratique. Une question complémentaire proposait aux médecins de choisir parmi tous les items proposés, les six à développer en priorité.
La troisième partie correspondait à la forme voulue pour le site.
La quatrième partie était les commentaires libres des répondants.
La détermination des six items, concernant les situations de soins palliatifs en soins primaires, à développer prioritairement, pour un site Internet constituait le critère de jugement principal.
Résultats
L’analyse a porté sur 289 réponses (cf. Fig. 1).
Le critère de jugement secondaire était la forme souhaitée pour le site Internet.
Les données ont été récoltées grâce à un questionnaire envoyé par courriel aux médecins généralistes exerçant en Isère. Des structures départementales de soins palliatifs ont relayé la diffusion du questionnaire au plus grand nombre.
Deuxième étape
Sur la base de cette étude, une maquette de site a été construite en s’appuyant sur la littérature scientifique existante : recommandations de sociétés savantes francophones, revues médicales françaises, publications référencées dans Pubmed, Google Scholar et Lissa, législation françaises, thèses françaises de médecine.
Troisième étape
Pour juger de la pertinence de la maquette élaborée, il était nécessaire que celle-ci fût évaluée par des pairs afin de recueillir un consensus autour de ce projet. Une évaluation par un groupe nominal a été choisie.
La problématique élaborée était : « L’information de la maquette palliaclic.com (le SADM) est-elle claire et adaptée à la pratique ambulatoire des soins palliatifs ? ».
De ces données, il est ressorti six situations pour lesquelles les professionnels de santé souhaitaient être assistés par un outil informatisé (cf. Fig. 2) :
« Prise en charge des cas d’agitation, somnolence, confusion, hallucination, délire, troubles de la mémoire ».
« Voies d’administrations alternatives (gouttes, suppositoires, sous-cutané …) ».
« Prise en charge de la dyspnée, de l’encombrement des voies aériennes supérieures »,
« Informations sur les différents types de sédation (proportionnée, profonde et continue) ».
« Prise en charge de la douleur mixte, neuropathique, psychogène ».
« Contacts locaux des structures en soins palliatifs et quand les contacter ».
La forme choisie était la forme interactive à 61% des votes.
La maquette de l’outil informatique a été construite en novembre 2018. Elle a été proposée le 13 décembre 2018 à un groupe nominal composé de six médecins généralistes dont un coordonnateur d’Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes et deux médecins remplaçantes, et quatre médecins hospitaliers travaillant dans le service de soins palliatifs du Centre Hospitalo- Universitaire de Grenoble pour évaluation. Les problématiques soulevées par le groupe ont été prises en compte et les modifications ont été apportées sur une nouvelle version du site (cf. Fig. 3).
Une association « Palliaclic » a été fondée pour soutenir la création, la poursuite du développement et la promotion de l’outil informatique.
Discussion
Contenu et forme du site
Les six items mis en exergue par l’étude des besoins sont cohérents avec les données de la littérature sur les situations posant le plus de problème aux médecins généralistes gérant des soins palliatifs (2, 12, 13).
Certains items remportent le suffrage de tous, tant en fréquence qu’en souhait de priorité : agitation, dyspnée, prise en charge de la douleur mixte-neuropathique-dysfonctionnelle. Ce sont des situations d’urgences, avec des symptômes bruyants qui interpellent les soignants (1, 14).
« Les voies d’administrations alternatives », unanimement sollicitées, reflètent les difficultés pratiques rencontrées par les médecins, de même que « Contacts locaux des structures en soins palliatifs et quand les contacter » qui répond à la crainte des médecins généralistes de se retrouver seuls face à une situation de soins palliatifs à domicile (1, 15).
Certaines situations de soins palliatifs recueillent relativement peu d’intérêt auprès des médecins généralistes. Ainsi l’« Asthénie » récolte près de 37 % de mention « peu utile » ou « inutile ». Ceci peut s’expliquer car il n’y a pas de prise en charge évidente. Mais d’après les études de Walsh et al. (8) et Ishii et al. (3), il s’agit de l’une des principales plaintes, en dehors de la douleur, altérant la qualité de vie des patients.
Forces et faiblesses
Biais de diffusion
Afin de toucher une grande partie des médecins généralistes, différentes structures du département isérois relayèrent le questionnaire. Or les médecins généralistes ne sont pas obligatoirement des interlocuteurs de ces acteurs et certains ne purent pas avoir accès à ce questionnaire.
Biais de recrutement
L’échantillon de l’étude des besoins est représentatif pour la constitution remplaçants/installés, car conforme à celle de l’Isère, contrairement à la répartition femmes/hommes. En effet, l'échantillon est constitué en grande partie de femmes jeunes. Les femmes de moins de 45 ans ont rempli près de la moitié des formulaires. Or, celles-ci sont déjà les principales utilisatrices d’un SADM informatique très diffusé en France : Antibioclic® (16, 17). Un outil similaire put donc les intéresser plus spécifiquement que le reste de la population des médecins généralistes.
Construction du site
Une des forces de ce travail consiste à s’être appuyé sur une étude des besoins préalable avant la construction du site internet. Cette particularité permet à l’outil d’être aux plus près des attentes des médecins généralistes.
Enfin, l’ensemble du développement et du contenu s’est fait en étroite collaboration avec des médecins spécialisés dans le domaine des soins palliatifs et des médecins généralistes exerçant en ambulatoire.
Conclusion
Cette étude permet d’éclairer les besoins et les attentes des médecins généralistes pour les soins palliatifs ambulatoires, et de bâtir un SADM informatisé compatible avec leur mode d’exercice.
La finalité de Palliaclic.com : libérer du temps pour permettre aux soignants de se concentrer sur la relation humaine médecin-malade, part essentielle de la prise en charge d’un patient en soins palliatif.
Bibliographie
Article paru dans la revue “Le Bulletin des Jeunes Médecins Généralistes” / SNJMG N°24