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Etude « attr-act » : évaluation du tafamidis le premier traitement efficace sur l’amylose cardiaque TTR !

Publié le 24 May 2022 à 13:00

 

Auteur
Chloé TAWA
Interne à Paris

Relecture
Diane BODEZ
PH au CHU Henri Mondor
Créteil

Incontestablement l’une des études les plus fortes du congrès ESC 2018 qui propose d’évaluer l’efficacité et la tolérance du Tafamidis, agent stabilisateur de la transthyretine (TTR) chez les patients atteints d’Amylose TTR.

L’Etude ATTR-ACT est la première étude multicentrique, randomisée contre placebo en double aveugle, de phase 3, étudiant l’effet de cette molécule. Elle représente ainsi le premier espoir thérapeutique pour de nombreux patients qui ne disposaient jusqu’alors d’aucun traitement spécifique, en montrant un véritable bénéfice sur la morbi-mortalité.

Amylose cardiaque TTR
La TTR est le précurseur protéique des amyloses à TTR, et dont le rôle physiologique est le transport du rétinol et des hormones thyroïdiennes. Elle est synthétisée par le foie sous forme de tétramère, dont la dissociation crée des monomères susceptibles de former des fibrilles amyloïdes, qui peuvent se déposer et envahir progressivement les tissus, notamment le myocarde. L’amylose à TTR est donc une maladie systémique, dont le coeur et le système nerveux périphérique sont parmi les atteintes les plus fréquentes. Ce sont, avec les amyloses AL, les principales amyloses cardiaques.

Il existe deux types d’amylose à TTR :

  • Une forme familiale héréditaire ATTRm, liée à une mutation du gène TTR (plus d’une centaine de mutations connues).
  • Une forme dite sauvage ATTRwt, non mutée, parfois appelée amylose « sénile ».

Il s’agit d’une pathologie rare mais dont la prévalence est en constante augmentation, qui touche essentiellement les sujets de plus de 60 ans même en cas d’amylose héréditaire (pénétrance tardive). L’infiltration amyloïde cardiaque est responsable d’insuffisance cardiaque, de troubles de la conduction et d’arythmie. Le diagnostic est souvent tardif en raison d’une errance diagnostique, et son pronostic à court et moyen terme est défavorable (survie médiane 3 ans).

La méthode diagnostique de référence, utilisée dans cet essai, est histologique (endomyocardique ou extracardiaque) qui retrouve des dépôts d’amylose avec un immuno-marquage positif pour la transthyrétine. Les outils diagnostiques ont cependant beaucoup évolué depuis le début de cette étude, et le diagnostic peut aujourd’hui être posé de façon non invasive par l’association d’une fixation myocardique en scintigraphie osseuse et d’une absence de gammapathie monoclonale (après électrophorèse et immunofixation sérique et urinaire et dosage des chaines légères libres sériques).

Tafamidis
Le Tafamidis, qui se lie à la TTR pour empêcher sa dissociation, a été développé pour le traitement des neuropathies amyloïdes familiales (ATTRm avec neuropathie périphérique) liées à la mutation V30M, afin de limiter la progression de la maladie1. C’est le seul traitement actuellement disponible en France dans cette indication. Son efficacité dans les autres types d’amyloses TTR (autres mutations, sauvages, atteintes non neurologiques) n’a pas été démontrée.

Une étude de phase 2 dans l’amylose cardiaque à TTR avait montré un bénéfice fonctionnel et une bonne tolérance du Tafamidis2. Une amélioration de la survie sans transplantation cardiaque avait également déjà été suggérée par une étude rétrospective3.

Méthodes & résultats
Dans cet essai étudiant l’effet de 2 doses différentes de Tafamidis, 441 patients ont été inclus et randomisés en 3 groupes selon un ratio 2 : 1 : 2 pour recevoir soit une dose de 80mg/j, soit une dose de 20 mg/j de Tafamidis (n= 264), soit un placébo (n= 177), avec une stratification des groupes par type d’amylose (ATTRm ou ATTRwt). La durée de suivi était de 30 mois.

Le critère de jugement principal était composite, comprenant la mortalité toutes causes et la fréquence des hospitalisations en rapport avec un événement cardiovasculaire, selon une méthode statistique (Finkelstein-Schoenfeld) qui permet une hiérarchisation des évènements accordant plus d’importance au critère mortalité. Les transplantations cardiaques et assistance circulatoire étaient considérées comme des décès. Les analyses de sous-groupes pré-spécifiées concernaient le stade NYHA et le type d’amylose. Les critères secondaires étaient la distance parcourue au test de marche des 6 minutes et le questionnaire sur l’insuffisance cardiaque Kansas City.

Le résultat de cette étude est une supériorité du Tafamidis avec une réduction de 30 % du taux de mortalité toute cause. En effet, le critère de jugement principal était significativement plus faible dans le groupe Tafamidis (p<0,001), tout comme le taux de mortalité toute cause avec respectivement 78/264 (29.5 %) vs. 76/177 (42,0 %) dans le groupe placebo (HR=0.70 avec IC 95 % (0.56-0.81).

A noter que l’efficacité du traitement ne semble apparaître qu’au bout de 18 mois de traitement environ (séparation des courbes à partir de 18 mois de traitement) (Figure 1).

B Analysis of All-cause Mortality


Figure 1 : Taux de mortalité toute cause dans le groupe Tafamidis comparé au groupe placebo

On observe également une diminution du taux d’hospitalisation dans le groupe traité par Tafamidis avec risque relatif à 0.68 ; IC 95 % (0.56-0.81). Les analyses en sous-groupe montrent un effet bénéfique du Tafamidis quels que soient le type d’amylose, le stade de dyspnée, et la dose de Tafamidis, sauf pour le critère hospitalisation en cas de dyspnée stade III (Figure 2).


Figure 2 : Analyses en sous-groupes comparant Tafamidis vs. placebo

Concernant les critères secondaires, à 30 mois, les auteurs constatent également une amélioration du pronostic fonctionnel avec une amélioration significative du test de marche des six minutes et une modification du score KCCQ-OS (p<0.001).

L’incidence des effets indésirables était équivalente dans les deux groupes.

Conclusion
Le Tafamidis améliore le pronostic vital et fonctionnel des patients avec une amylose cardiaque à TTR. L’effet bénéfique sur la survie a été constaté après environ 18 mois de traitement, soulignant l’importance d’un diagnostic précoce de la maladie, aujourd’hui facilité par la scintigraphie osseuse aux diphosphonates. Ces nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques révolutionnent la prise en charge de cette pathologie.

Références
1 - Coelho T et al. Tafamidis for transthyretin familial amyloid polyneuropathy: a randomized, controlled trial. Neurology 2012.
2 - Maurer et al. Tafamidis in transthyretin amyloid cardiomyopathie. Circ Heart Fail 2015.
3 -
Rosemblum et al. TTR stabilizers are associated with improved survival in patients with TTR cardiac amyloidosis. Circ Heart Fail 2018.Ò.

Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°5

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Publié le 1653390054000