
Introduction
Compétence des sages-femmes depuis loi n° 2016‑41 du 26 janvier 2016, l’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse est pratiquée par un nombre grandissant de professionnel ·le·s de la maïeutique.
Selon la DREES, en 2018, 248 sages-femmes libérales ont pratiqué 5 332 IVG par voie médicamenteuse (2). En 2019, ce sont 420 sages-femmes qui pratiquent des interruptions volontaires de grossesse hors établissements hospitaliers (en comparaison, 832 gynécologues médicaux ou obstétriciens, 662 généralistes pratiquent des IVG hors établissements hospitaliers) (3.
Sais-tu ce qu’est l’orthogénie ? C’est l’ensemble des moyens de planification et de régulation des naissances. C’est la science des différents moyens de contraception et de l’interruption volontaire de grossesse.
Le 28 septembre c’est la journée nationale du droit à l’avortement, l’occasion de rappeler que ce droit fondamental des femmes à disposer de leur corps est constamment remis en question. D’ailleurs as-tu vu le communiqué de presse de l’ANESF avec l’ANSFO et le Planning Familial à propos du film Unplanned diffusé sur C8 le 16 août dernier ? Ce film américain de 2019, retrace la vie d’Abby Jonhson d’abord directrice de Planned Parenthood (un regroupement de planifications familiales), elle devient militante pour la vie et anti-avortement. Ce film donnant un point de vue erroné de l’IVG à été diffusé sur la chaîne C8 le 16 août. Plus qu’un film anti-IVG, sa diffusion fût une véritable entrave à ce droit fondamental qu’ont les personnes à disposer de leur corps. Je vous invite à lire notre communiqué de presse, que vous n’aurez pas de mal à retrouver sur notre site.
Les bases de l’IVG
Il existe deux méthodes pour réaliser une interruption volontaire de grossesse.
> Interruption volontaire de grossesse médicamenteuse
En France, cette méthode consiste à prendre deux médicaments :
- une antiprogestérone : la mifépristone qui interrompt la grossesse. Ce médicament est pris par voie orale au cours d’une consultation en présence d’un médecin ou d’une sage-femme. Il est indispensable de prendre le deuxième médicament ;
- une prostaglandine prise 36 à 48 heures plus tard : le misoprostol par voie orale à prendre soit lors d’une consultation soit à domicile ou le géméprost par voie vaginale (pris en charge à l’hôpital). Ce médicament provoque des contractions et l’expulsion de l’embryon. Celle-ci survient généralement dans les 3 à 4 heures suivant la prise de ce second médicament, mais peut parfois se produire dans les 24 à 72 heures.
Dessin par Manon Lacroix, interne en médecine
> Interruption volontaire de grossesse instrumentale
L’IVG instrumentale consiste, dans un premier temps, à dilater progressivement le col de l’utérus. Pour faciliter cette dilatation, une préparation médicamenteuse du col de l’utérus est recommandée.
La préparation cervicale repose sur :
- une antiprogestérone : la mifépristone (à prendre par voie orale 36 à 48 heures avant l’aspiration) ou sur une prostaglandine, le misoprostol (à prendre par voie orale 3 à 4 heures avant l’aspiration),
- ou sur le géméprost (un ovule par voie vaginale 3 heures avant l’aspiration). Une fois le col ouvert, le médecin introduit dans l’utérus un petit tube (ou canule) relié à un dispositif permettant d’aspirer le contenu utérin.
Cette technique est réalisée sous anesthésie locale (seul le col de l’utérus est anesthésié) ou générale selon la situation médicale et le choix de la femme. Si une anesthésie générale est nécessaire, une consultation pré-anesthésie est obligatoire.
Les SF et leur droit :
Depuis la loi santé de janvier 2016 les sages-femmes peuvent prescrire et pratiquer des IVG médicamenteuses. Hors des établissements de santé, les sages-femmes peuvent pratiquer l’IVG médicamenteuse dans la limite du délai de 7 semaines d’aménorrhée, c’est-à-dire 5 semaines de grossesse. Si l’IVG médicamenteuse est pratiquée à l’hôpital, le délai peut être prolongé jusqu’à 9 semaines d’aménorrhée, soit 7 semaines de grossesse. (4) En mars 2020, la crise Covid bat son plein et la requête des professionnel ·le·s pratiquant l’IVG est d’assouplir le délai d’accès à l’IVG. L’arrêté du 14 avril 2020, valide ce protocole et permet d’allonger le délai de l’IVG médicamenteuse à domicile à 9 SA.
Vous l’aurez compris, l’IVG médicamenteuse est une pratique courante des sages-femmes. L’IVG instrumentale par contre n’est pas encore pratiquée par les sages-femmes. Des discussions autour de l’élargissement de nos compétences sont en cours. Dans son rapport pour l’assemblée nationale, Albane Gaillot, députée, promeut l’extension des compétences des sages à la pratique de l’IVG instrumentale jusqu’à la 10ème semaine d’aménorrhée. “En effet, plus nombreuses que les médecins sur notre territoire national, les sages-femmes pratiquent des gestes intra-utérins et l’IVG en est un ; l’extension de leur compétence en matière d’orthogénie serait donc une avancée cohérente, tant du point de vue de leur champ d’intervention médicale que du point de vue de la politique d’accès à l’avortement dans notre pays” (5). L’ANSFO est l’association nationale des sagesfemmes orthogénistes, créer en 2009 elle a pour but : la revalorisation et la défense de la profession dans le domaine de l’orthogénie en France (6).
Si cela n’est pas encore réalisable, tout laisse à penser que cet élargissement de compétence est possible.
Pour conclure, il est important de rappeler que l’accès à l’IVG est inégalement réparti en France (7). Ce droit fondamental est acquis depuis peu de temps, moins de 100 ans nous séparent de l’adoption de la loi Veil. Ce droit ne peut être remis en question, la priorité est de favoriser un accès rapide et équitable à l’IVG sous quelles formes que ce soit. Le film Femmes d’Argentine retrace la lutte pour l’accès à l’IVG en Argentine en 2019. Nous ne cesserons jamais de nous battre pour le droit des femmes. Les sages-femmes ont leur rôle à jouer.
Marie JERLIN
Vice-Présidente en charge de la santé publique 2021-2022
Article paru dans la revue “L’Engagement” / ANESF n°43

