« Qu’est-ce que l’ENTOG ? », me demanderont les petits nouveaux de l’AGOF. L’European Network of Trainees in Obstetrics and Gynaecology (ENTOG), est une association qui a vu le jour en 1997. On dit même que c’est une étape importante dans la coopération et le partage d’expérience au sein des internes de notre spécialité !
« Oui mais des internes d’où ? »
Initialement dotée de 30 membres, on compte à présent 37 pays européens !!
« Ok, et de quoi s’agit-il ? » Développer et promouvoir les réseaux entre internes dans tous les pays européens, accroître l’échange et l’interaction entre les pays membres, afin de fomenter l’harmonisation et l’améliorations des normes.
L’ENTOG travaille aussi en étroite collaboration avec EBCOG (European Board and College of Obstetrics and Gynaecology). Leur thématique fétiche demeure : la formation.
Au titre de membre active de l’AGOF, j’ai eu la chance de faire partie des 27 internes européens réunis à Turin (Italie), du 16 au 19 mai 2016.
Mon séjour à l’hôpital Sant’Anna de Turin
Petit rappel historique :
Les huit provinces piémontaises sont divisées en 13 Agences Sanitaires Locales (ASL), elles‐mêmes articulées en 58 Districts sanitaires (les structures qui dispensent directement les services de santé aux ayants droit). Sur le territoire régional sont répartis cinq Centres Hospitaliers et trois Centres Hospitaliers Universitaires qui relèvent des Directions Hospitalières.
On comprend donc facilement le taux de naissance au sein de cette structure (près de 7000 accouchements annuels !!), puisqu’elle draine l’ensemble de la province de Turin à elle seule.
Sant’Anna, est une ancienne structure fondée en 1938, qui a su faire récemment peau neuve puisque la salle de naissance telle que nous l’avons aperçue a été entièrement refaite en mai 2015.
Sant’Anna c’est aussi 63 internes de gynécologieobstétrique répartis entre la salle de naissance, l’hospitalisation et le bloc opératoire.
Expérience ENTOG
Notre séjour débute sur une brève présentation dans l’amphithéâtre de l’hôpital, puis nous voici partagés dans les différents secteurs de la maternité.
Le premier jour, je suis destinée à la visite des blocs opératoires. C’est l’occasion pour nous de constater la diversité de formation des internes, entre nos pays pourtant si proches.
En Italie, le « résident » ne pénètre pas au bloc opératoire avant la 3e année… et lorsque c’est enfin chose faite, il demeure un observateur. Le chef de clinique exécute donc son art en premier lieu, sous la tutelle d’un praticien plus aguerris. L’installation est la même, les temps opératoires superposables au nôtres, et l’activité majoritaire semble la cœlioscopie.
L’anesthésiste de la salle m’explique que 80 % de leur activité est ambulatoire.
En remontant je passe par la salle de naissance : 7 salles d’accouchements, à l’instar de nos maternités niveau III, pas de baignoire ni liane pour le physiologique mais des tables légèrement différentes (sans étrier).
Le second jour, je seconde la consultation de colposcopie. Le dépistage des italiennes diffère également de nos pratiques : pas de frottis tous les 3 ans, mais une sérologie HPV. Lorsque celle-ci revient positive pour l’un des sérotypes oncogènes, elle est recontrôlée à un an. La colposcopie est alors la règle, en cas de double positivité. Je constate par ailleurs que les patientes réalisent volontiers des colposcopies « de convenance », de leur propre initiative. C’est un geste qui rassure en Italie. J’apprends par la même occasion, que toute patiente hystérectomisée (quel qu'en soit le motif : du cancer aux simples fibromes), bénéficie d’une colposcopie (vaginoscopie) annuel, et ceci pour une durée indéterminée.
Enfin, le 3e jour, vient l’heure du pelvi-trainer, des ateliers d’hystéroscopie, des accouchements sur mannequin. Les internes italiens nous apprennent qu’ils ne réalisent que peu de forceps. La ventouse Kiwi est leur outil de prédilection. Je m’aperçois très rapidement que la pratique de l’accouchement podalique voie basse est une rareté. Sant’Anna effectue chaque année près de 20 % d’accouchements par césariennes. La présentation du siège et les grossesses gémellaires en sont deux indications quasi systématiques. L’Italie ne semble pas le seul pays dans cette situation, puisqu'au moment de réaliser mes manœuvres d’accompagnement, je découvre que mes collègues allemands et polonais me scrutent attentivement… In fine, je finis par tenir le mannequin et guider le Lovset ou le Mauriceau de mes nouveaux compères. Cocorico !
Mais évoquer uniquement toute cette partie « professionnelle » du séjour ENTOG, serait oublier la moitié de la riche expérience qu’il constitue !
En effet, chaque après-midi et soir, nous nous retrouvons entre internes européens pour des minutes de convivialité : restaurant, visite guidée, musée, ou simple errance dans les rues turinoises... Chacun partage généreusement ses impressions sur ce qu’il a vu. C’est également l’occasion de se comparer avec les internes des autres pays : formation (nombre de gardes, salaires, quota horaire), recours à l’IVG, taux de césarienne, place des sages-femmes au sein de l’équipe…
Il y a aussi des instants moins sérieux, où l’on parle de tout sauf de médecine (même si c’est ce qui nous rapproche), des selfies ridiculement européens, des moments élastiques autour des « cioccolato di torino »
Le soir du 20 mai, les échanges prennent fin autour d’un dernier dîner commun sur une péniche, réunissant membres de l’EBCOG et internes étrangers. C’est l’occasion de mêler expériences internationale et intergénérationnelle
Durant mon séjour, j’ai été logée chez une interne de Sant’Anna, qui débutait sa première année d’internat : Sara Paracchini. Elle m’a appris que l’internat en Italie était semblable au nôtre. Cinq années de formation au décours d’un examen sans classement, où chaque interne postule directement pour un hôpital auquel il se destine pour toute sa formation.
Les horaires de travail sont variables selon le poste occupé par l’interne dans le service. Les internes en salle de naissance commencent à 8h00 et finissent à 17h00. La garde est assurée par trois internes et un sénior qui prennent la relève le soir et finissent après le staff du lendemain. Aux urgences gynécologiques, ce sont les internes de spécialité qui consultent, le relais étant assuré par l’interne de salle de naissance.
Le Congrès EBCOG
En seconde partie de semaine, nous pouvions rejoindre le congrès de l’EBCOG.
J’en ai profité pour m’immiscer au sein de l’assemblée générale de l’ENTOG.
Cette année, la réunion était centrée autour d’une thématique commune : comment monter, renforcer, faire perdurer une association nationale.
Après un soigneux tour de salle, nous nous sommes aperçus que les difficultés rencontrées étaient toujours les mêmes : assurer une continuité, trouver les ressources humaines et matérielles, fédérer les internes. Certains pays membres ne possèdent pas encore de réelle association nationale, et ont pris des notes. De notre côté, cet échange a renforcé notre volonté de maintenir la place de l’AGOF et d’accueillir les néo-internes avec brio.
La Slovénie a ensuite été présentée à tous, puisqu’elle aura l’honneur d’accueillir l’ENTOG du 29 mai au 2 juin 2017.
Puis, le bureau a fait peau neuve Laura Spinnewijn (Danemark) fut élue nouvelle Trésorière, et Jure Klanjšček (Slovenie) est devenu le nouveau Webmaster.
Nous nous sommes ensuite quittés non sans évoquer l’arrivée à grands pas de l’ENTOG 2018, où le pays hôte ne sera autre que la France.
Ce séjour est l’occasion d’avoir une autre vision de notre discipline et de découvrir des pratiques professionnelles variables des pays qui nous entourent. C’est également une remarquable expérience humaine, une anecdote inoubliable.
F.PIROT
Interne à Paris
Article paru dans la revue “Association des Gynécologues Obstétriciens en Formation” / AGOF n°13