
Rôle du microbiote intestinal et de l'immunité innée dans le syndrome des ovaires polykystiques : mises à jour actuelles et perspectives futures
Role of the microbiota and innate immunity in polycystic ovary syndrome: Current updates and future prospects
Min Zhou et al (Revue Wiley, mars 2024)
Mots-clés
Gut microbiota, polycystic ovary syndrome
Composition et modification du microbiote intestinal chez les femmes SOPK
Plusieurs études antérieures1, 2 ont prouvé que le microbiote intestinal des femmes atteintes de SOPK est moins riche, moins diversifié et présente une surabondance de certaines bactéries (Parabacteroides distasonis, E.coli, Bacteroides fragilis, Porphyromonas spp., Bacteroides coprophilus et Faecalibacterium prausnitzii) en comparaison à celui des personnes non-SOPK. En transplantant des selles de patientes SOPK à des souris, des chercheurs ont remarqué une augmentation de l'insulinorésistance, des follicules ovariens, de la testostérone et de la LH par rapport aux souris transplantées avec des selles de personnes indemnes.

Rôle du microbiote intestinal dans la physiopathologie du SOPK
1. Les lipopolysaccharides (LPS)
Les LPS sont des composants de la membrane cellulaire des bactéries gram négatives (E.coli et Bacteroides fragilis) dont l'abondance est augmentée chez les patientes SOPK. Ces LPS peuvent déclencher, via une série d'interactions cellulaires (TN-α, IL-6), une réaction inflammatoire. En lien avec une perméabilité intestinale majorée, il a été observé un relargage plus important de LPS dans le sang chez les patientes SOPK avec une progression clinique de la maladie. De manière intéressante, la concentration sanguine en LPS est 2 à 3 fois plus importante chez des souris soumises à une alimentation riche en graisses pendant 1 mois comparativement à des souris nourries normalement. En administrant des LPS à ces dernières durant 4 semaines, elles deviennent obèses et insulinorésistantes.
2. Hyperandrogénie biologique
Certaines bactéries intestinales sont associées à des variations dans les taux d'androgènes. Par exemple, l'augmentation de Campylobacter, Desulfobacteria et Bacteroidetes peut amener à accroître le taux de testostérone. Au contraire, l'augmentation de Proteobacteria, Campylobacter et Actinobacteria peut aider à réduire la testostéronémie. Des études3 ont confirmé que les niveaux de testostérone et d'androstènedione sont significativement plus élevés chez les souris SOPK par rapport aux groupes contrôles. La transplantation fécale de microbiote ou le traitement par lactobacilles réduisent significativement les niveaux de testostérone et d'androstènedione chez ces souris SOPK.
3. Acide aminé essentiels et résistance à l'insuline
La résistance à l'insuline est une caractéristique endocrinienne majeure du SOPK. L'excès d'insuline favorise la production d'androgènes par les ovaires et la surrénale et par l'inhibition de la SHBG. Les acides aminés essentiels (leucine, isoleucine, valine) synthétisés par le microbiote intestinal peuvent induire une insulinorésistance en activant certaines kinases.
Une étude4 sur des souris nourries avec un régime riche en graisses a objectivé une augmentation des acides aminés essentiels après 2 semaines et l'apparition d'une insulinorésistance après 3 semaines.
4. Acides gras à chaînes courtes (AGCC)
Les AGCC (acétates, propionates et butyrates) sont produits par la fermentation anaérobie des glucides dans l'intestin.
Ce type d'acides gras est impliqué favorablement dans la régulation de la glycémie, la réponse inflammatoire, les niveaux d'hormones sexuelles et le renforcement de la barrière intestinale. Des études5 ont démontré que le nombre de bactéries productrices d'AGCC telles que Butyricimonas, Blautia, Coprococcus, F. prausnitzii était diminué chez les patientes SOPK. Or, ces bactéries ont des effets bénéfiques : F. prausnitzii a une activité anti-inflammatoire et Coprococcus est un important producteur d'acide butyrique. De plus, il a été mis en évidence une diminution de 30 à 66 % des taux intestinaux d'AGCC chez les femmes atteintes de SOPK. Expérimentalement, l'administration de probiotiques durant 10 semaines chez des patientes SOPK a induit une augmentation au niveau intestinal des lactobacilles ainsi que des taux d'AGCC, soutenant l'insulino-sécrétion. Par ailleurs, la supplémentation en butyrate chez des souris soumises à un régime riche en graisses semble prévenir l'obésité et accroître la sensibilité à l'insuline.
5. Acides biliaires
Les bactéries de notre intestin peuvent modifier les acides biliaires et inversement. Chez les patientes atteintes de SOPK, il a été constaté une augmentation de Bifidobacterium lactis et Pseudomonas aeruginosa qui sont associées à une diminution de certains acides biliaires, à savoir l'acide glycocholique désoxycholique (GDCA) et l'acide tauroursodeoxycholic (TUDCA). L'administration d'acides biliaires exogènes à des souris atteintes de SOPK a provoqué une amélioration de leur phénotype.
Potentiels thérapeutiques
1. La transplantation fécale
Bien étudiée dans les infections à Clostridium difficile, les résultats sont prometteurs en ce qui concerne l'obésité, le diabète et le SOPK. En effet, des études3 sur des souris SOPK prouvent que cette technique améliore significativement les niveaux hormonaux, la fonction ovarienne et le cycle estrien.
2. Prébiotiques (inuline) et probiotiques (lactobacillus et bifidobacteria)
Des études3, 6 sur des animaux et des humains confirment que ces interventions influent positivement sur les niveaux hormonaux, les symptômes du SOPK et réduisent l'inflammation. L'α-lactalbumine, une protéine du lactosérum, induit également des effets prébiotiques bénéfiques pour la gestion du SOPK.
3. Mode de vie
L'alimentation et l'exercice physique influent favorablement au niveau du microbiote intestinal. Les protéines végétales, le blé complet et les polyphénols augmentent les probiotiques intestinaux. Les protéines animales, le glucose, le fructose et le saccharose ont l'effet inverse. L'administration d'huile de lin, riche en acides gras insaturés, induit des effets bénéfiques chez les souris SOPK.
Take Home Messages
• Le microbiote intestinal des femmes atteintes de SOPK est altéré, avec une diversité réduite et un déséquilibre dans l'abondance de certaines bactéries.
• Cela est responsable d'une altération de la barrière intestinale, modifiant alors la balance hormonale, la résistance à l'insuline et l'inflammation.
• La modulation du microbiote intestinal, que ce soit par des prébiotiques, des probiotiques ou des changements du mode de vie (alimentation, exercice), offre des perspectives prometteuses pour la gestion du SOPK.

Manon DUCLOS
Interne de 2ème semestre de gynécologie médicale
Paris

Dr Mathilda KRETZ
Assistante en gynécologie médicale
Strasbourg
Références
1. Torres PJ, et al. J Clin Endocrinol Metab. 2018; 103(4):1502-1511.
2. Liang Z, Di N, Li L, Yang D. Endocrinol Investig. 202; 44(8):1727-1737.
3. Guo YJ, Qi Y, Yang XF, et al. 2016; 11(4):e0153196.
4. Pedersen HK, Gudmundsdottir V, Nielsen HB, et al. Nature. 2016; 535(7612):376
5. Zhang JC, Sun ZH, Jiang SM, et al.
6. He Y, Wang Q, Li X, et al. Food Funct. 2020;11(6):5192-5204.

