Actualités : Effet du transfert unique au stade de blastocyste par rapport au stade d’embryon clivé sur le taux de naissances vivantes cumulées chez les femmes avec un bon pronostic en cas de fécondation in vitro

Publié le 04 juin 2025 à 18:19
Article paru dans la revue « AIGM / Gynéco Med » / AIGM N°4

Effect of single blastocyst-stage versus single cleavage-stage embryo transfer on cumulative live births in women with good prognosis undergoing in vitro fertilization : Multicenter Randomized Controlled Trial

Xiang Ma, Nature communications, 5 septembre 2024

Mots-clés Blastocyst-stage transfer, cleavage-stage transfer, cumulative live-births, good prognosis

Les techniques d'AMP n'ont cessé d'évoluer au cours des dernières décennies, représentant plus de 2 millions de cycles effectués chaque année.

La stratégie concernant le transfert d'embryon fait débat : le transfert au stade blastocyste (embryon du 5ème au 6ème jour après la fécondation), comparativement au stade clivé (embryon du 2ème au 3ème jour après la fécondation), permettrait de sélectionner des embryons avec un plus grand potentiel d'implantation favorisant ainsi le transfert unique et réduisant le risque de grossesses multiples et ses complications (1) (2).

Cependant, les études étaient peu nombreuses avec des résultats contradictoires.

L'objectif de cette étude est ainsi d'évaluer l'efficacité et la sécurité du transfert d'embryon au stade blastocyste par rapport au stade clivé, en tenant compte des transferts d'embryons vitrifiés ultérieurs.

Matériels et méthodes

Cette étude est un essai randomisé de non infériorité multicentrique mené en Chine, réalisé entre le 8 octobre 2018 et le 22 août 2019. Le suivi de toutes les naissances vivantes, marquant la fin de l'essai, a été achevé le 6 septembre 2021.

Des femmes de bon pronostic (âgées de 20 à 40 ans, avec au minimum 3 embryons transférables au stade clivé) en cours d'AMP (FIV ou ICSI) ont été incluses. Les patientes étaient randomisées par bloc selon un rapport 1:1 en un groupe « transfert au stade blastocyste » et en un groupe « transfert au stade clivé ». Les embryons excédentaires ont été congelés pour un futur transfert d'embryon conformément au groupe d'affectation.

L'analyse principale s'intéressait au taux cumulé de naissances vivantes dans l'année suivant la randomisation (ou avec une prolongation de 3 mois pour ceux qui n'ont pas pu être transférés en raison de la COVID-19), en se concentrant uniquement sur les trois premiers transferts d'embryons.

Les critères secondaires comprenaient notamment le taux de naissances vivantes cumulées après tous les transferts d'embryons dans l'année suivant la randomisation, le taux cumulé de fausses couches et la durée médiane avant une naissance vivante.

Le critère de sécurité portait principalement sur le risque de complications obstétricales et périnatales.

Une analyse post hoc a été effectuée sur le suivi à long terme (du jour de la randomisation jusqu'au 28 juillet 2023). Sachant que les traitements après la période d'étude n'ont pas respecté le protocole établi, cette analyse supplémentaire a permis de refléter la pratique clinique réelle.

Résultats

Un total de 992 femmes a été inclus dans l'étude dont 497 dans le groupe « blastocyste » et 495 dans le groupe « embryon clivé ».

a. Critère principal

Le taux cumulé de naissances vivantes était significativement plus élevé dans le groupe transfert au stade blastocyste (74,8 %) comparativement au groupe transfert au stade clivé (66,3 %) (P = 0,003). Le taux de naissance vivante unique était significativement plus élevé dans le groupe transfert au stade blastocyste (73 %), comparé au groupe clivé (65.5 %) (P = 0.01). Il n'y avait pas de différence significative pour le taux de naissance vivante gémellaire (total et monozygote).

b. Critères secondaires

Concernant les critères secondaires, les résultats étaient en faveur du groupe blastocyste avec des taux cumulés plus élevés de grossesses biochimiques, cliniques et en cours, une durée médiane avant une naissance vivante plus courte, des issues de grossesse après chaque transfert plus favorables et un nombre significativement inférieur d'embryons congelés inutilisés. En outre, dans le groupe blastocyste, un plus grand nombre de femmes n'obtenait pas d'embryon congelé.

Aucune différence significative n'a été démontrée concernant l'incidence cumulée de jumeaux et le risque de fausse couche.

c. Critères de sécurité

Le transfert au stade de blastocyste a été associé à un taux cumulé plus élevé de rupture prématurée des membranes avant terme (5,0 % contre 1,6 % ; P = 0,003), d'accouchement prématuré spontané (4.6 % contre 2.0 % ; P = 0,02), d'hospitalisation néonatale supérieur à 3 jours (11,5 % contre 6,3 % ; P = 0,004), d'infection néonatale (4,8 % contre 2,2 % ; P = 0,03) et à un risque accru de développer au moins une des complications maternelles ou néonatales (50.9 % contre 43.8 % ; P = 0.03).

Un taux cumulé plus faible de prééclampsie a été significativement retrouvé dans le groupe blastocyste (1,0 % contre 2,8 % ; P = 0,04), même après ajustement pour le transfert d'embryons congelés ou frais.

d. Analyses supplémentaires

Concernant le suivi à long terme, le taux cumulé de naissances vivantes n'était pas significativement plus élevé dans le groupe « blastocyste » que dans le groupe « stade clivé » (80,9 % contre 77,6 % ; P = 0,199).

Discussion / Limites

À ce jour, il s'agit du plus grand essai contrôlé randomisé et du premier à fournir des données solides sur les naissances vivantes cumulatives et les résultats obstétricaux-périnataux des deux stratégies de transfert d'embryons.

Plusieurs limites peuvent cependant être soulevées dans cette étude. Dans un premier temps l'inclusion de femmes avec un bon pronostic rend difficile la généralisation des résultats à d'autres populations d'autant plus que les bénéfices du transfert au stade blastocyste semblent diminuer avec l'âge. Nous pouvons également aborder les écarts de protocole (notons que les résultats n'ont pas changé dans l'analyse per protocole), le manque de puissance pour détecter les différences dans les complications obstétricales et périnatales et la restriction aux trois premiers transferts pour le résultat principal.

Conclusion

Cette étude nous permet de conclure que lors des trois premiers transferts, les femmes infertiles ayant un bon pronostic (supérieur ou égale à 3 embryons transférables au stade clivé) ont des taux cumulatifs de naissances vivantes non-inférieurs lors d'un transfert unique au stade blastocyste par rapport au stade clivé avec un délai plus court pour la naissance vivante.

D'un point de vue périnatal, le transfert au stade blastocyste est associé à un taux cumulatif plus élevé de ruptures prématurées des membranes, de naissances prématurées spontanées, d'hospitalisations néonatales supérieur à 3 jours, et un taux plus faible de prééclampsies que le transfert au stade de clivage.

Des études supplémentaires sont nécessaires afin de généraliser ces résultats à d'autres populations (3).

Références

1. Cumulative live birth rate after IVF: trend over time and the impact of blastocyst culture and vitrification. Hum. Reprod (2021).

2. Single blastocyst transfer: a prospective randomized trial. Fertil. Steril (2004).

3. Cleavage-stage versus blastocyst-stage embryo transfer in assisted reproductive technology. Cochrane Database Syst. Rev. Glujovsky, D. et al. (2022).

Margot DOUSSET
Interne en Gynécologie Médicale
5ème semestre
Paris

Dr Alena MAJDLING
Assistante partagée
gynécologie médicale
Paris

Publié le 1749053947000