Actualités : Dossier – Allergologie respiratoire

Publié le 28 janv. 2025 à 09:02
Article paru dans la revue « AJPO2 - La revue des jeunes pneumologues » / AJPO2 N°5

L'allergie respiratoire se manifeste par l'asthme et la rhinite allergique, qui représentent une grande partie des motifs de consultations de pneumologie et médecine générale. L'asthme allergique est d'ailleurs le phénotype le plus fréquemment observé dans l'asthme sévère (1, 2). La prévalence n'est pas connue avec exactitude et varie en fonction des définitions utilisées mais varie entre 60 à 90 % (3-5). On définit l'asthme allergique comme un asthme avec des prick-test et/ou des IgE spécifiques positives. On rappellera dans cet écrit la physiopathologie, le diagnostic et la prise en charge des allergies respiratoires.

Physiopathologie

L'agression de l'épithélium bronchique (virus, tabagisme, allergènes respiratoires, etc.) est à l'origine de la sécrétion d'alarmines (IL-25, IL-33 et lymphopoïétine stromale thymique [TSLP]) qui vont activer les lymphocytes Th2 et les cellules lymphoïdes innées de type  2 (ILC2). Ces cellules sont capables de produire rapidement d'importantes quantités d'interleukine-4 (IL-4), -5 et  -13. L'IL-5 est responsable de l'activation et de la prolifération des polynucléaires éosinophiles, tandis que l'IL-13 est à l'origine d'une contraction des cellules musculaires lisses (CML) et de la production de mucus. La production d'IL-4 est quant à elle à l'origine de l'activation des lymphocytes B qui vont produire les IgE impliquées notamment dans l'allergie respiratoire. L'inflammation chronique de la bronche est responsable d'un remodelage tissulaire marqué par un épaississement de la membrane basale, une hyperperméabilité vasculaire, une hyperplasie et une hypertrophie des CML qui vont se traduire par un remodelage de la bronche avec épaississement de la paroi et hypersécrétion de mucus. La cascade inflammatoire mise en jeu dans l'asthme est donc responsable d'un remodelage tissulaire, à son tour responsable d'un trouble ventilatoire obstructif retrouvé dans l'asthme.

Diagnostic

Selon les recommandations éditées par la Société de Pneumologie de Langue Française, cette exploration allergologique est systématique pour tout patient asthmatique âgé de plus de 3 ans (6). L'anamnèse est le pilier central du bilan et permet dans un premier temps d'évaluer le terrain atopique personnel ou familial du patient avec la recherche d'un asthme, d'une rhinite, d'une dermatite atopique (DA) ou d'une allergie alimentaire. La réalisation de pricktests avec des pneumallergènes est la première étape incontournable. Le bilan minimal pour les prick tests contient les acariens de maison (Dermatophagoïdes pteronyssinus et farinae), les squames de chien et de chat, les moisissures le plus fréquemment impliquées (Aspergillus, Alternaria et parfois Cladosporium), de graminées, d'herbacées (ambroise, armoise, plantain) et les pollens d'arbres en fonction du lieu géographique (6). L'ajout d'autres allergènes est évidemment conditionné par l'interrogatoire et la disponibilité des solutions d'allergènes. Les IgE spécifiques sont à réserver dans les contextes de doute diagnostic ou d'impossibilité de réalisation des prick-tests. Il faut rappeler que dans les recommandations de 2007, la réalisation d'IgE totales est réservée aux suspicions d'aspergillose broncho-pulmonaire allergique et avant la mise sous omalizumab, et ne sont d'aucune utilité dans le bilan allergologique initial (6). Le bilan allergologique est donc essentiel pour tout patient présentant un asthme et/ou une rhinite, d'autant plus que la société européenne des maladies allergiques (EAACI) explique qu'il s'agit d'une étape cruciale pour phénotyper les patients asthmatiques (7). Chez l'enfant, l'étude de cluster réalisée par Just et al. retrouve un phénotype d'asthme sévère avec allergies multiples telles que la DA, la rhinite allergique et l'allergie alimentaire (8). Il semble donc qu'une polysensibilisation et l'accumulation de comorbidités allergiques augmente le risque d'avoir un asthme sévère chez l'enfant. A contrario, un résultat de prick test et/ou d'IgE spécifiques négatives est un résultat majeur pour la prise en charge (8). En effet, des tests allergologiques négatifs sont une donnée importante pour le phénotypage et pour les conseils environnementaux délivrés aux patients. La recherche de symptômes d'allergie alimentaire est également nécessaire car elle augmente le risque d'exacerbation et d'hospitalisation pour asthme particulièrement chez l'enfant (9). Le bilan se fait de la même façon que pour les allergies respiratoires, avec réalisation de prick-test et d'IgE spécifiques si besoin. En pratique clinique, la difficulté majeure est de pouvoir déterminer si les sensibilisations mises en évidence sur le bilan allergologie sont bien à l'origine des symptômes. Ce lien de cause à effet est complexe à affirmer.

 

Prise en charge thérapeutique

Le premier traitement de l'allergie réside dans une éviction la plus stricte possible. Bien que celle-ci ne soit pas simple avec des allergies aux pollens, les allergènes de l'environnement intérieur sont accessibles à une éviction. Dans l'asthme allergique la lutte contre l'exposition aux acariens est majeure. Il est notamment recommandé de réduire l'humidité intérieure, d'utiliser de façon hebdomadaire un aspirateur  équipé de filtres à particules haute efficacité (HEPA) (10).

Une étude récente montre une réduction des hospitalisations pour asthme avec l'utilisation d'housse anti-acariens (11). Les animaux domestiques, source d'acariens, ne sont pas recommandés, qu'une allergie à leurs squames soit mise en évidence ou non. Le rôle du conseiller médical en environnement intérieur (CMEI) est crucial dans la prise en charge de l'environnement. Cette prise en charge qui semble systématisé au premier abord est une intervention très personnalisée qui va permettre de proposer une adaptation de l'environnement en fonction d'anomalies retrouvées dans l'habitat (12). Il a été montré que le recours au CMEI permettait une meilleure adhésion aux mesures d'éviction proposées et améliore la prise en charge des patients asthmatiques allergiques  (13). Il existe également des applications sur smartphones permettant aux patients de mieux comprendre leurs allergies et donc de mieux les gérer et les anticiper (Pollen©, Alerte pollen©).

Au-delà de l'éviction, les traitements symptomatiques doivent être systématiquement prescrits, avec une importance considérable à la réalisation des lavages de nez corrects, de façon pluri-quotidienne.

Enfin, la désensibilisation peut être proposée aux patients, pour les allergènes respiratoires les plus fréquents. Il s'agit à l'heure actuelle du seul traitement permettant de modifier le cours naturel de l'allergie respiratoire. La désensibilisation se présente sous forme de gouttes sublinguales ou comprimés qui ne sont disponibles que pour 3 allergènes (acariens, graminées et bouleau). La prise de la désensibilisation doit être quotidienne et sans exception puisque c'est l'observance et la régularité des prises qui permettra une efficacité de cette dernière. Il est recommandé de prendre la désensibilisation le matin, à jeun, de ne pas déglutir le produit pendant la minute suivant la prise et de ne manger ou boire que 5 à 10 minutes après. La désensibilisation est per-annuelle pour les acariens et les phanères de chat ou l'Alternaria, tandis qu'elle est saisonnière pour les pollens où l'on recommande de débuter 4 mois avant le début de la saison de pollinisation pour terminer à la fin de la saison pollinique. Les désensibilisations aux phanères de chat font débat, avec récemment une proposition d'augmenter la posologie quotidienne à 300 IR, qui pourrait améliorer son efficacité, jusqu'ici très faible. Concernant la désensibilisation à la moisissure Alternaria, elle est peu pratiquée et les rares études réalisées montrent une efficacité bien que réalisées sur de très petites cohortes  (14) (15). Enfin, les désensibilisations polliniques se doivent d'être le résultat d'une étude minutieuse entre les résultats des prick-tests et les symptômes du patient. En effet, il convient de ne pas désensibiliser la totalité des allergènes auxquels le patient est sensibilisé sur la peau. On recommande des désensibilisations de 3 ans, qui peuvent être étendues à 5 ans si besoin. Plusieurs désensibilisations peuvent être cumulées.

Conclusion

La prise en charge des patients présentant un asthme et/ou une rhinite doit obligatoirement comporter un bilan allergologique, pour adapter la prise en charge en cas d'allergie respiratoire décelée. La prise en charge s'articule entre le contrôle de l'environnement avec notamment éviction de l'allergène, traitement symptomatique et, désensibilisation si celle-ci est possible. Il est crucial de comprendre que la désensibilisation aux acariens dans l'asthme présente un excellent niveau de preuve et permet un meilleur contrôle des patients.

Rédigé conjointement par :

Mathilde CALMELS
Chef de clinique d'Allergologie
Service de Pneumologie-Allergologie
CHU Larrey

Samia BOULOUSSA
Infirmière en pratique avancée
CHU de Toulouse

Laurent GUILLEMINAULT
PU-PH
CHU de Toulouse

RÉFÉRENCES

1. Haldar P, Pavord ID, Shaw DE, et al. Cluster analysis and clinical asthma phenotypes. American journal of respiratory and critical care medicine 2008;178:218-24.

2. Moore WC, Meyers DA, Wenzel SE, et al. Identifi cation of asthma phenotypes using cluster analysis in the Severe Asthma Research Program. American journal of respiratory and critical care medicine 2010;181:315-23.

3. The ENFUMOSA cross-sectional European multicentre study of the clinical phenotype of chronic severe asthma. European Network for Understanding Mechanisms of Severe Asthma. The European respiratory journal 2003;22:470477.

4. Moore WC, Bleecker ER, Curran-Everett D, et al. Characterization of the severe asthma phenotype by the National Heart, Lung, and Blood Institute's Severe Asthma Research Program. The Journal of allergy and clinical immunology 2007;119:40513.

5. Haselkorn T, Borish L, Miller DP, Weiss ST, Wong DA. High prevalence of skin test positivity in severe or diffi cult-to-treat asthma. The Journal of asthma : offi cial journal of the Association for the Care of Asthma 2006;43:745-752.

6. Tillie-Leblond I, Godard P. Conférence d'experts SPLF 2007 Asthme et Allergie: Introduction pour le texte long de la conférence d'experts de la Société de pneumologie de langue franįaise (SPLF). In: Elsevier Masson; 2007.

7. Casale TB, Pedersen S, Rodriguez Del Rio P, Liu AH, Demoly P, Price D. The Role of Aeroallergen Sensitization Testing in Asthma Management. The journal of allergy and clinical immunology In practice 2020;8:252632.

8. Just J, Gouvis-Echraghi R, Rouve S, Wanin S, Moreau D, AnnesiMaesano I. Two novel, severe asthma phenotypes identifi ed during childhood using a clustering approach. The European respiratory journal 2012;40:5560.

9. Foong RX, du Toit G, Fox AT. Asthma, Food Allergy, and How They Relate to Each Other. Frontiers in pediatrics 2017;5:89.

10. Tran NP, Vickery J, Blaiss MS. Management of rhinitis: allergic and non-allergic. Allergy, asthma & immunology research 2011;3:148-56.

11. Murray CS, Foden P, Sumner H, Shepley E, Custovic A, Simpson A. Preventing Severe Asthma Exacerbations in Children. A Randomized Trial of Mite-Impermeable Bedcovers. American journal of respiratory and critical care medicine 2017;196:1508.

12. De Blay F, Fourgaut G, Hedelin G, et al. Medical Indoor Environment Counselor (MIEC): role in compliance with advice on mite allergen avoidance and on mite allergen exposure. Allergy 2003;58:2733.

13. Morgan WJ, Crain EF, Gruchalla RS, et al. Results of a homebased environmental intervention among urban children with asthma. The New England journal of medicine 2004;351:1068-80.

14. Di Bona D, Albanesi M, Macchia L. Is immunotherapy with fungal vaccines eff ective? Curr Opin Allergy Clin Immunol. 2019 Dec;19(6):646-653. doi: 10.1097/ACI.0000000000000582. PMID: 31403481.

15. Cortellini G, Spadolini I, Patella V, Fabbri E, Santucci A, Severino M, Corvetta A, Canonica GW, Passalacqua G. Sublingual immunotherapy for Alternaria-induced allergic rhinitis: a randomized placebo-controlled trial. Ann Allergy Asthma Immunol. 2010 Nov;105(5):382-6. doi: 10.1016/j.anai.2010.08.007. Epub 2010 Sep 26. PMID: 21055665.

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