
Dr Gadenne

Vous avez pu découvrir le témoignage de Johanna encore interne et réserviste mais qu'est-ce-que ça donne après l'internat ?
Thomas a interviewé pour vous son Commandant le Docteur Gadenne.
Bonjour Mon Commandant, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je suis le Docteur Samuel Gadenne, médecin généraliste dans le Maine-et-Loire. J'ai fait mes études de santé du premier au troisième cycle à Lille puis en 2014 je suis venu à Angers pour faire des remplacements. M'y plaisant, j'y suis resté pour m'installer.
J'avais depuis le lycée déjà un projet de médecine militaire que j'avais mis en suspens initialement. C'est en 2017 encouragé par des amis militaires dont des médecins réservistes que je me suis engagé moi même dans la réserve opérationnelle.
Comment s'est passé cet engagement ? Quel est le parcours pour devenir réserviste au SSA ?
Le parcours d'engagement est assez classique avec envoi de lettre de motivation et CV puis un entretien. S'ensuit un processus de validation administratif qui peut paraître un peu fastidieux mais de plus en plus maîtrisé par l'institution.
Il existe d'autres possibilités d'engagement, notamment au cours des études de médecine comme par exemple le dispositif des “Cadets de la santé” pour les étudiants à partir du deuxième cycle. Une quarantaine de places sont proposées chaque année par les facultés partenaires du dispositif. Cela permet entre autres de renforcer le lien armée-nation ; l'engagement de ces étudiants est perçu très positivement dans leur fac. Ils sont recrutés après avoir suivi l'enseignement optionnel « Santé en milieu militaire » mêlant découverte théorique et pratique de la médecine militaire. On y découvre des aspects un peu méconnus également, comme la Médecine du Travail, des voyages mais aussi le damage control et la gestion des risques sanitaires. Cet engagement est assorti d'un stage d'externe en antenne médicale régimentaire.
À travers ces deux parcours, l'objectif est de constituer une réserve dite “opérationnelle” c'est-à-dire des réservistes capables d'être autonomes tout en étant intégrés au sein du SSA aussi bien dans les antennes médicales que sur les théâtres opérationnels.
Après une formation militaire initiale du réserviste permettant de s'acculturer au monde des armées, les réservistes sont prêts à intégrer une antenne.
Pouvez-vous nous décrire votre activité ? Comment faites-vous en pratique ?
J'ai une activité de médecin généraliste standard d'une part, je travaille 4 jours par semaine au cabinet. Le cinquième jour est dédié au régiment. Sur cette journée j'ai un remplaçant régulier au cabinet ce qui me permet d'assurer la continuité des soins. Je me libère également 1 à 2 semaines par an pour de la formation ou du soutien sur le terrain.
En antenne, j'exerce différemment le même métier finalement, au sein d'une équipe pluridisciplinaire où chacun a une place primordiale et complémentaire, avec un profil de « patient » très spécifique ; cela est très enrichissant.

École du Génie d'Angers
La population militaire est une population jeune, sportive qui ne rencontre pas les mêmes problématiques que la population civile. Pour le militaire, “la mission transcende tout”. Ils sont prêts à beaucoup consentir pour celle-ci. La pratique se déploie entre Médecine d'Aptitude, Médecine Générale, Médecine du Sport et traumatologie, suivis médico-psychologiques (notamment les stress post-traumatique), médecine du voyage, médecine dite de « milieu » (hyperbare par exemple), soutien terrain et conseil au commandement. Il est essentiel de bien suivre les militaires avant qu'ils ne partent en mission pour s'assurer qu'ils soient dans les meilleures conditions. Mais aussi lorsqu'ils en reviennent car ils peuvent avoir des vécus difficiles, c'est pourquoi il est important de dépister les syndromes post-traumatiques et de suivre les traumatisés de guerre.
Je repense beaucoup à la devise des médecins militaires : “Être et durer”
Être, ça veut dire se tenir au centre d'un exercice qui a du sens et qui mérite qu'on s'y consacre à fond, notamment en soutenant les personnels d'active du SSA dans leur mission.
Et durer c'est essentiel pour permettre de soigner le plus longtemps possible les soldats sur le terrain comme au régiment.
La médecine militaire m'apporte une ouverture d'esprit supplémentaire et de la rigueur. Mais je trouve que cette devise s'applique tout autant à la Médecine Générale. Cet exercice mixte, complémentaire, me pousse à “être et durer” pour tous mes patients et vivre mon métier civil avec une certaine vision du « bien commun ».
Quels sont selon vous les principaux avantages et inconvénients de ce mode de pratique ?
Tout d'abord, c'est un boulot extrêmement stimulant intellectuellement ! Ma façon d'exercer répond à une quête de sens qui est essentielle lorsque l'on veut durer justement.
Ça peut répondre à beaucoup d'attentes et ça peut aider à se dépasser, avec les entraînements notamment que l'on peut suivre.
Mais attention si partir en OPEX1 c'est le rêve, cela demande beaucoup de temps pour un médecin réserviste de se préparer et nous n'avons pas toujours cette possibilité. Il faut savoir que l'on gagne moins à faire de la réserve qu'à continuer son exercice en libéral mais avec ma pratique je peux me le permettre et ça fait beaucoup de bien au moral de sentir qu'on peut être utile différemment.
Nous remercions le Dr Gadenne du temps qu'il nous a accordé pour nous ouvrir sur cette pratique militaire.
Propos recueillis par
Thomas BOURGEOIS-FRATTA