
Peut-être qu’un jour, les rares femmes porteuses d’un cancer du col de l’utérus bénéficieront de radiothérapie exclusive et que la chirurgie, trachélectomie ou hystérectomie, élargie appartiendra au passé. Mais en attendant, occupons quelques lignes pour essayer de comprendre d’où vient cette « hystérectomie radicale » ou « élargie », en citant les propos des auteurs qui ont construit les grandes étapes de cette histoire.
A l’instar d’autres domaines de la cancérologie, la notion d’hystérectomie « élargie » pour le traitement du cancer du col est apparue à la fin du XIXème siècle. Si Halsted recommandait une chirurgie d’exérèse mutilante pour la pathologie mammaire, l’hystérectomie « simple » paraissait insuffisante pour assurer le contrôle local d’une néoplasie cervicale.
La première publication d’une hystérectomie élargie apparaît en 1895 par Clark et Reis.
Clark écrit : « The faults common to all methods of removal of the uterus are 1) the broad ligaments are cut too close to the uterus and 2) too small portions of the vagina are removed. ».
Mais c’est la description précise de la technique de l’hystérectomie radicale par laparotomie par Wertheim en 1912 qui s’impose comme référence historique. Si le curage pelvien a toute son importance dans la chirurgie du cancer du col, il n’apparaît pas dans les différentes classifications, Wertheim affirme même :
« It does not seem necessary actually to carry out a node resection in every case. If after incision of the peritoneum and isolation of the ureters and vessels, the nodes do not appear enlarged, they may confidently be left alone. » (1900).
Il s’agit bien de préciser l’extension de l’exérèse et/ou de la dissection autour du col de l’utérus et notamment latéralement dans la région des « paramètres ». Cette région est passionnante et un peu mystérieuse pour les chirurgiens du pelvis notamment parce que les termes utilisés pour décrire les différentes structures varient, la nomenclature internationale est retrouvée dans certaines classifications mais rarement utilisée au bloc (les paramètres, le ligament cardinal, le ligament de Mackenrodt …).
Après Wertheim en Autriche, c’est Meigs aux USA qui publie les résultats des hystérectomies élargies, toujours par laparotomie. La publication de Piver, Rutledge et Smith en 1974 constitue la première tentative pour décrire précisément l’extension de l’exérèse avec 5 classes :
- I : « The aim of the Class I hysterectomy is to insure removal of all cervical tissue. » Il s’agit en fait de ce qu’on appelle aujourd’hui l’hystérectomie extra-fasciale.
- II : « The Class II extended hysterectomy is a moderately extended radical hysterectomy. The ureters are freed from the paracervical position but are not dissected out of the pubovesicle ligament. The utero-sacral ligaments are resected midway between the uterus and their sacral attachments. The medial half of the cardinal ligament is removed, as is the upper one-third of the vagina. » Cette classe correspond à “l’hystérectomie radicale-modifiée”.
- III : « The aim of a Class III procedure is wide radical excision of the parametrial and paravaginal tissues. The cardinal ligament is removed at the pelvic wall. » Cette hystérectomie correspond à l’hystérectomie élargie décrite par Wertheim et Meigs avec la ligature de l’artère utérine à son origine.
- IV : « Class IV = Class III + the ureter is completely dissected from the pubovesicle ligament + the superior vesicle artery is sacrificed + three-fourths of the vagina is excised. »
- V : « The aim of the Class V hysterectomy is removal of central recurrent cancer involving portions of the distal ureter or bladder. »
Concernant la chirurgie utérine, Schauta décrit l’hystérectomie radicale par voie vaginale, et Dargent la trachélectomie élargie par voie vaginale (après une lymphadénectomie pelvienne par voie cœlioscopique) permettant la préservation de la fertilité chez les femmes jeunes atteintes d’un cancer du col peu avancé.
La publication de Querleu et Morrow à partir de 2000 constitue une autre étape de la classification précise des hystérectomies élargies. Cette classification, en lettre cette fois-ci, est adaptée à l’évolution des voies d’abord et « fonctionne » pour une chirurgie par laparotomie, par voie vaginale ou cœlioscopique, elle précise la préservation nerveuse et précise particulièrement l’extension latérale de la résection. La notion de préservation nerveuse ou « nerve sparing » est apparue dans les années 50 avec des auteurs japonais (Okabayashi et Magara). Les 4 types d’hystérectomies élargies décrits par Querleu sont les suivants :
- Type A : résection minimale du paracervix, ce qui correspond à une hystérectomie extrafasciale avec une section du paracervix médialement par rapport à l’uretère mais latéralement par rapport au col. Les ligaments utéro-sacrés et vésico-utérins sont sectionnés près de l’utérus. La résection vaginale n’excède pas 10 mm.
- Type B : résection du paracervix au niveau de l’uretère après refoulement latéral de ce dernier. La résection des ligaments utéro-sacrés et vésico-utérins est partielle et la résection vaginale doit être au moins de 10 mm (« Partial resection of the uterosacral and vesicouterine ligaments is a standard part of this category »).
- Type C : correspond à la classique hystérectomie radicale, ou type III de Piver, avec préservation nerveuse (plexus hypogastrique) pour le type C1, sans pour le C2.
- Type D : résection étendue latéralement, correspond aux exentérations pelviennes (« Type D1 is resection of the entire paracervix at the pelvic sidewall along with the hypogastric vessels, exposing the roots of the sciatic nerve. » et « Type D2 is D1 plus resection of the entire paracervix with the hypogastric vessels and adjacent fascial or muscular structures. »).
Afin de pouvoir comparer techniques et résultats, sachons utiliser ces différentes classifications au mieux…
Delphine Nina HUDRY
BIBLIO /
Clark JG. A more radical method of performing hysterectomy for cancer of the uterus. Johns Hopkins Medical Bulletin 1895; 6: 120–124. Wertheim E. The extended abdominal operation for carcinoma uteri (based on 500 operative cases). Am J Obstet Dis Women Child 1912; 66: 169–232.
Okabayashi H. Radical abdominal hysterectomy for cancer of the cervix uteri. Surg Gynecol Obstet 1921; 33: 335–41
Meigs JV. Carcinoma of the cervix—the Wertheim operation. Surg Gynecol Obstet 1944; 78: 195–98.
Meigs JV. Radical hysterectomy with bilateral pelvic lymph node dissections; a report of 100 patients operated on five or more years ago. American Journal of Obstetrics and Gynecology 1951; 62: 854–870.
Piver MS, Rutledge F & Smith JP. Five classes of extended hysterectomy for women with cervical cancer. Obstetrics and Gynecology 1974; 44: 265–272.
Massi G, Savino L, Susini T. Three classes of radical hysterectomy. Am J Obstet Gynecol 1996; 175: 1576–85.
Sakuragi N, Todo Y, Kudo M, et al. A systematic nerve-sparing radical hysterectomy technique in invasive cervical cancer for preserving postsurgical bladder function. Int J Gynecol Cancer 2005; 15: 389–97.
Querleu D, Morrow P. Classification of radical hysterectomy. Lancet Oncol 2008; 9: 297–303
Article paru dans la revue “Association des Gynécologues Obstétriciens en Formation” / AGOF n°06

