Actualités : Congrès : 180 secondes pour innover, au CFP 2017

Publié le 26 mai 2022 à 16:58


Lors de cette session, quinze jeunes psychiatres se sont une fois de plus illustrés, et ont démontré leur dynamisme et leur talent d'orateur. Cent quatre-vingts secondes pour exposer un de leur projet achevé ou en cours. Cent quatre-vingts secondes pour convaincre le Jury et le public. Un show ludique et animé cette année par Hugo TURBE, Président de la CLIP, association lyonnaise, ainsi que Nicolas RAINTEAU, vainqueur de la session précédente.
Pour rappel, cette initiative originale a été lancée par un groupe de jeunes du Comité Local d’Organisation : Yann QUINTILLA, Ismaël CONOJERO, Charly CRESPE, & Chloé GIROD.
Vous pourrez retrouver leur interview dans le numéro 19 du Psy Déchaîné, à l'occasion de la 1ère session de 180SPI, l'année précédente.

CANDIDAT 1
Laetitia JAMET, Angers

"Expertise d'un ma-chat-cre"
Résumé : « Le petit chat est mort » mais y a-t-il de quoi fouetter un chat ?
Illustration des enjeux de l’expertise psychiatrique autour de deux cas de torture féline.
Je vais vous parler d'un sujet qui est peu traité en psychiatrie : les actes de cruauté envers les animaux. Tout commence par l'histoire de deux sujets reçus en expertise psychatrique pénale. 
> Le 1er individu est un jeune homme avec un mode de vie plutôt marginal, dont le parcours est émaillé de carences, de violences. Il nous raconte, mais sans exprimer aucun remords, avoir massacré à mains nues ses deux chatons, car ces derniers criaient trop fort et qu'il n'avait plus d'argent pour les nourrir. Il semble même éprouver un certain plaisir à nous détailer tous les sévices qu'il a pu faire subir à ses chats, cherchant visiblement à nous choquer par son discours.

 > Le 2e individu est également un homme jeune. Lui, il nous raconte pendant l'expertise avoir rencontré une période très compliquée, où il se sentait menacé, surveillé, suivi. Il avait l'impression qu'on lui volait ses pensées. Il avait même la conviction délirante que son chat était utilisé pour le filmer. Il nous dit pendant l'expertise : "je devais le tuer ! C'était l'épreuve à passer. Mais vous comprenez, c'était mon plus fidèle compagnon. Je l'aimais plus que tout, ce chat".

Au final, les deux cas dont je viens de vous parler assez brièvement, sont très représentatifs des profils psychopathologiques que l'on retrouve dans la litterature sur la torture animale. Ainsi, nous avons d'un côté une minorité de patients psychotiques, qui agissent dans un moment délirant aigü avec une désorganisation psychique. Ils agissent dans une volonté d'impressionner, de menacer ou de supprimer l'élément persécuteur. D'un autre côté, nous avons une majorité de sujets avec un trouble de la personnalité antisocial, qui agissent pour l'accomplissement de leur désir immédiat, sans se préoccuper de la personne autour, de l'individu, et dans le but de passer leur frustration, de contrôler l'animal, ou alors simplement de le punir.

Si on prend une dimension un petit peu plus large dans la littérature, il existe une corrélation très importante entre les violences (notamment les violences familales) et les maltraitances animales. Ainsi, une étude s'est intéressée à une centaine de femmes, victimes de violences conjugales. Il y avait un risque cinq fois plus important d'avoir subi des violences intimes si le partenaire avait auparavant menacé l'animal domestique.

De même, une étude rétrospective américaine s'est intéressée à des auteurs de plusieurs homicides. 36 % d'entre eux disent avoir torturé ou tué un animal durant l'enfance, et 46 % durant l'adolescence.

Pour conclure, il semblerait très pertinent que dans le cadre de l'expertise psychiatrique soient recherchés des antécédents de maltraitance animale, lors de faits de violences, notamment familiales. Et vice-versa, que l'on recherche des faits de violence chez des sujets expertisés pour des actes de cruauté envers les animaux.

CANDIDAT 2
Théo KORCHIA
, Marseille

"Dysfonctions sexuelles dans la prise en charge des premiers épisodes dépressifs"
Résumé : À l'ère des marqueurs génétiques, de la toute-puissance légitime des neurosciences, est-ce qu'il reste possible d'évoquer pendant 180 secondes pleines de passion, la sphère clinique la plus taboue, mais qui demeure pourtant un des piliers les plus fondamentaux de la qualité de vie de nos patients ?

Imaginez un homme, pour qui jusqu'ici tout va bien. Il a une femme, des enfants, une maîtresse, et par-dessus le marché il est médecin. Rajoutez-lui maintenant un syndrome dépressif caractérisé depuis plusieurs semaines. Tout de suite, le tableau est beaucoup moins enviable. On imaginera tous le ralentissement psychomoteur, l'anhédonie, la tristesse de l'humeur... Et personne n'oubliera de le questionner sur d'éventuelles idées suicidaires. Mais il est un aspect de la symptomatologie que l'on ne questionne statistiquement que moins de 10 % du temps, lors de l'ensemble des hospitalisations de nos patients.

Reprenons. Nous allons traiter notre collègue et ami par des antidépresseurs adaptés, en augmentant progressivement ou pas les doses. Rapidement le traitement va être efficace, et il va pouvoir rentrer chez lui s'il était hospitalisé. Mais alors qu'il marchait, il va l'arrêter et rechuter. Affreusement banal.

Mais si je vous dis que chez plus d'un quart des patients de moins de 40 ans, on retrouve à l'origine de ce syndrome dépressif une dysfonction sexuelle ? Et si, avant la tristesse de l'humeur, avant peut-être que sa femme le quitte, tout avait commencé pour notre collègue par une banale dysfonction érectile ? Et s'il avait suffi alors de traiter isolément cette dysfonction ? Peut-être aurions-nous pu, tout en remontant l'estime de soi de notre collègue, éviter les ISRS, éviter la cascade thérapeutique, et peut-être le risque de virage maniaque. D'autant plus qu'en voulant traiter la conséquence, nous en avons aggravé la cause. Puisque tous les antidépresseurs aggraveront de manière différente la fonction sexuelle. 85 % des patients d'une étude menée sur plus de 2000 sujets rapportaient qu'ils auraient aimé que le psychiatre aborde spontanément cette thématique avec eux. Dans cette même étude, chez les patients de moins de 50 ans, 70 % des personnes interrogées, expliquaient que les troubles sexuels sous antidépresseur, étaient plus pourvoyeurs d'arrêt de traitement que la prise de poids, pourtant elle toujours recherchée.

180 secondes, c'est le temps idéal pour parler d'un thème à la fois tabou, méprisé, méconnu, mais fondamental dans la clinique de nos patients. Pour expliquer à quel point aborder cette thématique est déterminante sur leur qualité de vie, pour affiner les diagnostics étiologiques, permettre de renforcer l'alliance thérapeutique, et ensemble, avec le patient, améliorer leur prise en charge et leur pronostic clinique. L'innovation est souvent là où l'on l'attend le moins. Et peut-être, j'en suis convaincu, loin des machines à séquençage ADN, et au contraire, bien plus proche de nos patients. Et si au fond, la véritable innovation, c'était le progrès de la clinique ? Vous me direz "ah putain les marseillais aux congrès, ils parlent toujours de sexo, c'est insupportable !". C'est vrai. Mais si en 180 secondes j'ai réussi à vous convaincre (en tout cas les sceptiques) de rechercher cette thématique fondamentale pour le pronostic, en soi, sans accent, je trouve ça plutôt rentable.

CANDIDAT 3
Lucie JOSEPH
, Lyon

"Entre neurosciences en anthropologie, reconnaissance émotionnelle chez les enfants atteints de Troubles du Spectre Autistique"
Résumé : Mêlant neurosciences et anthropologie, il est question de la reconnaissance émotionnelle chez des enfants TSA et les représentations et usages d’un robot dans un hôpital de jour.

J'ai toujours aimé, écouter, écrire, raconter des histoires. D'ailleurs, je ne sais pas vous, mais moi ce qui m'a donné envie d'âtre psychiatre, c'est la possibilité de pouvoir récolter des milliers et des milliers d'histoires. Alors en préparant ce concours, je me suis rappelée toutes les histoires que j'avais notées, et que je pourrais vous raconter, pour vous présenter mon projet de recherche. Celle que j'ai choisie ne sera peut-être pas la meilleure, mais c'est celle qui m'a le plus touchée.

"Moi, je m'appelle Georges. Et aujourd"hui je vais rencontrer le robot Réti. D'ailleurs, on a pu discuter avec le robot Réti pour faire connaissance. Il nous a dit où il habitait et où est-ce qu'il mangeait. Le Dr Lucie nous a expliqué qu'elle et les autres docteurs allaient revenir la semaine prochaine pour qu'on puisse jouer avec lui.

• Lundi. Je joue sur un écran d'ordinateur. Le Dr Lucie m'explique qu'il ne faut pas trop que je bouge parce que l'ordinateur enregistre là où mes yeux regardent. Il y a une photo d'une dame et de Réti et ils sont tristes, heureux ou rien. Le Dr Lucie me demande de dire l'émotion ou alors d'appuyer sur une tablette où il y a des vignettes avec des bonhommes qui sont tristes, heureux ou rien, ou alors d'imiter l'émotion.

 • Mardi. Réti est revenu. J'ai pu jouer avec lui et je rejoue jeudi. Cette fois-ci, c'est Réti qui me demande de dire l'émotion qu'il fait, de l'imiter, ou alors de pointer sur l'écran le visage du bonhomme qui correspond à ses émotions qui sont soit tristes, heureux, surpris, ou rien. D'ailleurs le Dr Lucie espère que jouer avec le robot Réti me permettra de mieux reconnaître les émotions. Parce que c'est parfois difficile pour moi de reconnaître la tristesse ou la joyeuse.

• Vendredi. Je rejoue sur le jeu d'ordinateur. C'est moins marrant qu'avec le robot Réti, mais le Dr Lucie en a besoin pour savoir si je regarde différemment ou non les photos sur l'ordinateur. Avec le Dr Lucie, il y a souvent un monsieur et une dame. Elle les appelle les anthropologues. Ils sont là pour observer comment ça se passe avec le robot. Ils nous ont donné un cahier pour la maison, où j'ai pu faire un dessin dedans. Il est beau, hein ? [Dessin du robot Réti]. Bon, ma patite sœur Suzanne en a fait un aussi mais il était moins joli. Mais c'est normal, parce que Suzanne, elle ne l'a pas vu en vrai. Suzanne elle ne va pas à l'hôpital de jour tous les midis après l'école. Moi, je m'appelle Georges, j'ai 9 ans et je présente un trouble du spectre autistique. Mais j'ai pas trop compris cette histoire de spectre. Et puis, je suis surtout très troublé de parler devant autant de monde aujourd'hui."

CANDIDAT 4
Axelle GHARIB
, Lille

"Hallucinations : faut-il tenir les ados au courant ?"
Résumé : L'objectif est d'évaluer la faisabilité d'un traitement des hallucinations auditives pharmaco-résistantes de l'adolescent par stimulation transcrânienne par courant continu.
 Je me permets aujourd'hui de vous poser une simple question qui est : les hallucinations, faut-il tenir les ados au courant ?
L'hallucination se définit comme une perception sans objet à percevoir. Vous seriez terrorisés ? Moi aussi. Alors imaginez ce qu'un enfant pourrait ressentir. "Trop flippant". Avoir des hallucinations quand on est adolescent c'est une double peine. D'abord pour les conséquences fonctionnelles, à l'école et à la maison, et ensuite pour le traitement neuroleptique, responsable de nombreux effets secondaires. D'autant que chez 25 à 30 % des patients au traitement bien conduit, les hallucinations peuvent persister. Alors là vous vous dites qu'on est dans une impasse thérapeutique ? Eh bien, pas du tout. Il existe des alternatives au traitement neuroleptique : des techniques de stimulation cérébrale non invasives. Le terme peut vous paraître un petit peu barbare comme ça mais le principe est très simple. On applique un courant électrique au niveau du scalp, pour modifier l'activité des neurones. Dans ce travail je m'intéresse plus particulièrement à la stimulation transcrânienne par courant continu. C'est une technique qui est utilisée depuis plusieurs siècles. La différence c'est qu'aujourd'hui, pour générer un courant électrique, on ne place plus de raie torpille sur le scalp des patients comme le faisait Avicenne au 11e siècle. On utilise plutôt une anode et une cathode qui sont branchés à une batterie de 9 volts.

Le 1er essai clinique qui a attesté de l'efficacité clinique de la tDCS dans le traitement des hallucinations auditives de l'adulte a été publiée en 2012 et il montre (je vous le mets dans le mille !) une diminution de 30 % des hallucinations auditives résiduelles dans le groupe actif.

Alors qu'en est-il de nos adolescents ? À ce jour aucune étude n'a testé l'efficacité clinique de la tDCS dans cette indication, alors même que c'est un traitement très bien toléré.

 L'objectif de ce travail est donc d'essayer de diminuer significativement les hallucinations auditives pharmacorésistantes de l'adolescent en intensité et en fréquence. On a donc élaboré un protocole de traitement des hallucinations par tDCS, qui consiste à faire venir l'adolescent pour une 1ère visite d'évaluation, puis on fait revenir l'adolescent 2 fois par jour pendant 5 jours consécutifs : il recevra donc 10 séances de stimulation de 30 minutes. Ensuite on propose 3 visites de suivi pour l'évaluation à court, à moyen et long terme. Notre hypothèse dans ce travail c'est que concernant les hallucinations : oui, il faut tenir les ados au courant.

CANDIDAT 5
Etienne ALLAUZE, Lyon

"Attendre pour prendre de l'avance !"
Résumé : L’activité du striatum ventral scrutée à l’IRM fonctionnelle pourrait être un bio-marqueur pertinent pour le diagnostic différentiel d’un épisode dépressif du trouble bipolaire type 2 ou trouble unipolaire.

Il n'est pas facile de faire la différence entre un épisode dépressif d'un trouble de l'humeur bipolaire, d'un trouble de l'humeur unipolaire. Et ce, d'autant plus lors du 1er épisode. Or, comme vous le savez tous, la prise en charge et le traitement ne sont pas tout à fait identiques, et le prescripteur, même le plus averti après une anamnèse minutieuse, ne pourra s'empêcher de redouter la survenue du fameux virage maniaque. La consultation se termine donc ainsi : "C'est un épisode dépressif, je vous prescris un antidépresseur, et je vous revois dans une semaine, sauf si vous vous trouvez empli d'énergie et particulièrement en forme auparavant, tout comme par exemple présenter votre thèse en 180 secondes lors d'un congrès." La clinique trouve ici sa limite. Nous nous sommes proposés de nous détacher de cette approche catégorielle pour aller vers une approche plus dimensionnelle. Cette approche dimensionnelle est proposée par le National Institute of Mental Health, et elle s'appelle les RdoC. C'est une manière d'étudier des domaines ou des concepts selon plusieurs niveaux : génétique, moléculaire, cellulaire, fonctionnel, anatomique, comportemental... Ces différents niveaux et concepts forment des matrices. Or, dans ces matrices, une a particulièrement attiré notre attention : celle du système de la récompense. Le "hotspot" de ce système dans le cerveau est le striatum ventral, qui est composé du noyau accumbens, d'une partie du putamen et d'une partie du noyau caudé. Figurez-vous que le comportement de ce striatum ventral pendant l'anticipation d'une récompense, pourrait avoir deux profils différents, et peut-être même opposé, dans le trouble bipolaire de l'humeur et le trouble de l'humeur unipolaire.

Sans plus attendre, je vais vous présenter les résultats d'une étude de neuro-imagerie fonctionnelle, que nous avons conduit à Cardiff sur l'activité du striatum ventral dans ces deux populations cliniques.

Les images sont assez longues à charger, c'est de la haute définition. [Message d'erreur : erreur de connexion]. Ça ne marche pas, ce qui va me permettre d'enchaîner sur un petit gag sur la méthode. Vous venez de faire l'expérience de l'anticipation d'une récompense, suivie immédiatement d'une frustration. Eh bien, c'est exactement le paradigme de l'activation du striatum ventral que nous avons utilisé pour notre étude d'IRM fonctionnelle entre deux populations : des bipolaires euthymiques et des unipolaires euthymiques, ainsi que des témoins. Nous espérons qu'en comparant cette activité, nous pourrons retrouver des différences significatives qui nous permettraient de mieux comprendre la physiopathologie qui sous-tend ces troubles de l'humeur.

CANDIDAT 6
Raphaëlle JOUIN
, Rennes

"Expertise psychiatrique et algorithmes"
Résumé : S'intéresser aux algorithmes en tant qu’expert psychiatre judiciaire : une législation à découvrir, des enjeux à mesurer, une attitude prospective et opérationnelle à adopter.
J'aimerais vous parler de ce qui me plaît : l'expertise psychiatrique judiciaire. J'aimerais vous faire partager ma vision de l'avenir de cette discipline à l'ère numérique.

Pour bien comprendre le numérique, deux choses :
• La première, c'est que les ordinateurs sont capables de stocker des données en quantité infinie. On en n'a jamais eu autant à disposition.
• Et la deuxième, c'est que l'on est capable d'apprendre à un ordinateur à exploiter ces données au moyen d'algorithmes. En fait, un algorithme, c'est juste un procédé de calcul autonome, qui peut permettre de sélectionner des informations à partir d'un échantillon, comme un moteur de recherche par exemple.

En termes de recherche statistique, les opportunités offertes par cette technologie sont extraordinaires, et partout dans le monde on a promulgué des lois pour s'en saisir. Notamment, dans le domaine de la criminologie, qui s'intéresse aux crimes et aux criminels.

On peut imaginer que dans quelques années, pour répondre à la difficile question de l'évaluation de la dangerosité et du risque de récidive, on soumettra ces banques de données numérisées à une analyse algorithmique. Ainsi, cela pourrait permettre de dégager des critères communs aux criminels ou aux auteurs de violences à caractère sexuel. Parmi ces critères, certains seront attendus par le psychiatre et on saura les expliquer. Mais les algorithmes dégageront également des critères auxquels on ne s'attendait pas du tout. Pour la machine, une variable qui s'écarte de la norme devient statistiquement signicative d'un état dangereux. Pour le psychiatre en revanche, il n'existera aucun lien cliniquement valide entre ce critère et un état dangereux. Qui croira-t-on alors ? Le psychiatre ? Ou l'intelligence artificielle ? Le risque, c'est de se désintéresser des causes du passage à l'acte médico-légal, c'est-à-dire de la prévention au profit de la prédiction, et de discréditer la clinique. On a donc un substrat explosif, genre "Minority Report", et une loi qui a mis le feu aux poudres en quelque sorte. Et face à cette détonation à venir, il me semble important que l'expert s'informe sur le sujet, comme le font déjà magistrats et philosophes.

Il se développe de plus en plus des start-ups qui vendent des algorithmes, et qui ont déjà bien fermé l'enjeu sécuritaire et commercial majeurs, parce que réussir à prédire le crime serait vachement rentable. Antoinette Rouvroy, qui est philosophe, dit que méconnaître les conditions et les circonstances dans lesquelles sont produites aujourd'hui les données qui alimenteront les banques de données, reviendrait à laisser les algorithmes refléter passivement les biais et préjugés sociaux tout en les immunisant de la critique. De mon côté, j'ai choisi un sujet de thèse qui pourrait permettre de m'associer à d'autres professionnels pour réfléchir avec eux aux effets de cette mathématisation du monde.

CANDIDAT 7
Vincent GUILLEMOTONIA,
Bordeaux

"Quand les psychiatres jouent au marchand de sable"
Résumé : L’internat de psychiatrie ressemble à l’enseignement des écoles de sorcellerie, notamment à l’art des potions. Ce grimoire de fin d’études cherche à déterminer quelles potions conviennent le mieux en urgence.

 Vous connaissez Harry Potter ? Eh bien, l'internat de psychiatrie ressemble en de nombreux points aux enseignements des écoles de sorcellerie, comme Poudlard. Je parle notamment des "cours de potions". En effet, le psychiatre au cours de son cursus apprend à soigner chaque trouble en utilisant différents types de potions, en adaptant les posologies, en associant plusieurs remèdes.

Mon grimoire de fins d'études est une synthèse des connaissances modernes sur la prise en charge d'un syndrome : l'agitation.

L'agitation est un ensemble de comportements comme la violence envers soi-même, envers les autres ou la destruction d'objets. Elle trouve souvent sa source dans les émotions intenses comme la colère. Elle peut être associée à des difficultés à se maîtriser, ou des symptômes dits psychotiques. Le but est donc de trouver la potion qui convient le mieux en urgence à chacune de ces situations cliniques.

Je m'explique : vous avez un Troll à deux têtes qui beugle dans votre salle d'attente. Le traitement ne sera pas le même que pour une Harpie imbibée de Bierraubeure. Il sera encore différent pour un Mangemort qui pense entendre la voix de son maître. Ces créatures sont en souffrance, ont besoin d'être apaisées. Il faut éviter qu'elles se blessent ou qu'elles ne blessent un de vos collègues sorciers, et bien sûr à tout prix éviter une contention. Car la contention est un enjeu d'actualité, une réelle question éthique, comme le souligne le Ministère de la Magie en février 2017.

C'est vrai, la psychiatrie fait peur à la société. C'est une discipline obscure, presque un art occulte, et nous sommes souvent victimes de chasses aux sorcières, parfois à raison, mais la plupart du temps dirigées par des Moldus qui n'y comprennent pas grand chose. Et comme souvent, l'absence d'informations fait peur et entraîne le rejet.

J'ai parlé de mon sujet de thèse à des amis qui m'ont sorti : "Oui, c'est de la camisole chimique, ça ne vaut pas beaucoup mieux". Eh bien non, notre but n'est pas de "pétrifier" les patients, et de laisser leur esprit en souffrance contempler leur état, mais bien de trouver le remède le plus rapide et le plus efficace au mal psychique qui les ronge, et ainsi prévenir des actes qu'ils pourraient regretter par la suite. Ainsi nous pourrions promouvoir une médecine plus humaine et moins coercitive, et trouver des alternatives à la plupart des contentions. Ça, c'était la question de l'efficacité.

Il y a aussi la problématique des effets secondaires. Vous vous doutez bien qu'à notre époque, on n'apprend plus à préparer nous-mêmes les potions. Ça, c'est le rôle des laboratoires pharmaceutiques. Je vous laisse donc apprécier ce paradoxe. [Diapo qui affiche : "Avec l'immobilier et le pétrole, savez-vous quel est l'un des marchés les plus rentables ? La maladie]. Mais aujourd'hui nous laissons ces représentants des Forces du Mal, le soin de préparer les potions que nous donnons chaque jour aux patients. Et croyez-moi, ils sont prêts à tout pour ramasser des quantités d'or. J'ai donc dans mon travail essayé de déjouer leurs plans machiavéliques, dénouer le vrai du faux dans leurs calculs statistiques pour ainsi distinguer les études honnêtes et indépendantes, de celles qui sont financées par les disciples de "Celui dont on ne doit pas prononcer le nom".

CANDIDAT 8
Sonia HAKIMI
, Nantes

"La folie du roi Charles VI : analyse clinique en faveur d'un trouble de l'humeur"
Résumé : Un travail de recherche clinique médico-historique sur la folie du roi de France Charles VI. Une démarche diagnostique menée à partir de documents datant des 14ème et 15ème siècles.

D'après vous, quel est le point commun entre ces trois chefs d'état ? [Diapo qui affiche Donald Trump (USA), Vladimir Poutine (Russie) et Kim Jong-Un (Corée du Nord)]. Outre le fait que ce soit de charmants, de débonnaires personnages, les médias se questionnent sur leur santé psychique. Par exemple, L'Obs titre qu'avec Trump nous sommes face à "un malade vraiment dangereux" ; Los Angeles Times s'interroge, plus sobre, "Poutine est-il fou ?" ; alors que BFM énonce la liste des symptômes sensationnels dont souffrirait Kim Jong-Un. En effet, la structure psychique de ceux qui nous gouvernent fait l'objet de tous les fantasmes, et évoquer la survenue d'une maladie psychiatrique chez un responsable politique, c'est une façon de remettre en question sa légitimité à gouverner, ainsi que le bien-fondé des décisions prises. C'est pourquoi cet intérêt que nous, humbles plébéiens, nous portons à l'égard de la santé mentale de nos responsables politiques, a toujours existé au cours de l'histoire.

C'est notamment le cas au 14ème siècle en la personne du Roi de France Charles VI, dont les proches nous ont laissé de nombreux témoignages de ses fameuses "crises de folie".

La croyance populaire prête à ce Roi de France le diagnostic de schizophrénie, mais ceci sur la base des travaux de restitution des accès qu'ont fourni des historiens modernes.

Ce qui nous conduit directement à mon travail de thèse, puisque armée de mon plus beau dictionnaire de latin et de vieux françois, je me suis penchée expressément sur des documents datant des 14e et 15e siècles. Mon objectif étant ainsi d'offrir l'analyse la plus complète possible de la pathologie dont Charles VI a souffert, incluant certes l'analyse des décompensations, mais également l'étude de l'anamnèse familiale et personnelle du souverain, des périodes inter-critiques, ainsi que de son évolution au long cours.

J'ai ainsi retrouvé 6 cas de troubles de l'humeur, au sein de 4 générations d'apparentés du souverain. Parmi ces six cas, 3 appartenaient plus spécifiquement au spectre des troubles bipolaires. En ce qui concerne la symptomatologie dont il a souffert, ses proches décrivent au cours de 30 années de maladie au moins 56 accès maniaques et dépressifs distincts, auxquels se sont certes fréquemment surajoutés des symptômes psychotiques, mais seulement à l'acmé de la décompensation. Mais en-dehors de ces accès, la restauration clinique et cognitive est ad integrum et l'évolution au long cours n'est pas déficitaire.

Donc l'ensemble de ces arguments m'a permis de conclure un trouble bipolaire avec symptômes psychotiques, plutôt qu'à un trouble du spectre schizophrénique.

Finalement, en dépit de l'accroissement des moyens scientifiques, notre spécialité médicale est avant tout clinique, et nécessite un travail d'enquête minutieux. C'est pourquoi il est indispensable de ne pas se contenter d'analyser la seule symptomatologie bruyante, comme ce qui a pu être fait par le passé dans le cas de Charles VI, au risque d'être davantage journaliste de BFM TV que médecin.

CANDIDAT 9
Clément GOURAUD
, Paris

"Phénotypes dépressifs chez le sujet âgé atteint de cancer"
Résumé : Une étude qui a permis d’identifier différents profils de symptomatologie dépressive chez les sujets âgés atteints de cancer, leurs facteurs associés et leur impact pronostique.

 L'interprétation des symptômes dépressifs est particulièrement délicate chez le sujet âgé atteint de cancer. Parmi ces symptômes, il y a bien sûr des symptômes psychologiques : la tristesse, les idées négatives ; et aussi des symptômes physiques : la fatigue, l'insomnie. Mais en cas de cancer, ces symptômes physiques seront particulièrement présents. Il y a l'inflammation induite par la maladie.

Vous avez par exemple tous déjà eu la grippe : on est très fatigué, on dort peu, on mange peu... Mais on n'est pas déprimé pour autant. Alors dans ce cas on pourrait se dire que l'on s'intéresse qu'aux symptômes psychologiques. Sauf que, chez le sujet âgé, la dépression va plus souvent s'exprimer via des plaintes et des symptômes somatiques, et moins par ceux que l'on estime plus spécifiques de la dépression en cas de cancer, comme les idées de culpabilité.

Je me suis donc demandé si on ne pouvait pas décrire différents profils ou phénotypes de symptômes. Pour cela, j'ai utilisé la technique de l'analyse en classe latente. C'est peut-être un nom un peu prétentieux comme ça, mais c'est très simple. On considère qu'il existe une variable latente, donc non observable directement, mais dont on va observer les manifestations. On fera des groupes de patients en fonction de cela.

C'est très simple, c'est surtout ce qu'on fait en pratique tous les jours. On n'observe pas la dépression, là sous nos yeux : on observe des symptômes. Et selon l'association de ces symptômes on dira : "Ce patient est déprimé, celui-là non, celui-ci présente une dépression atypique"... Mais ici en plus, on s'appuiera sur des critères statistiques. Cette technique c'est en fait un peu comme si on avait en même temps d'un côté le clinicien, l'autorité intellectuelle, qui dit "oui, moi je pense que tel et tel tableau sont du sens..." et de l'autre côté le p, l'autorité statistique, mais qui cette fois lui répond "c'est génial ce que tu dis, je suis complètement d'accord avec toi".

Maintenant, imaginez qu'en plus cette technique parvienne à identifier un syndrome dont l'existence est débattue depuis des dizaines d'années, alors que mon logiciel, là, n'y a jamais participé à ce débat.

Eh bien c'est ce qui s'est passé, puisqu'on a identifié le syndrome de démoralisation, caractérisé par l'absence d'anhédonie, associé à la présence de cognitions dépressives. Un patient démoralisé, c'est quelqu'un qui parviendra à prendre du plaisir lors d'activités ou avec ses proches, et qui aura une vision absolument noire et désespérée de la vie et du futur.

Parmi les autres groupes qu'on a identifiés, l'un présentait un tableau de dépression majeure. Et dans la suite des analyses on observait que la survie dans ce groupe était nettement moins bonne. Était-ce alors le reflet d'une maladie plus grave ou de traitement plus lourd ?

Des proches disaient : "Plus cancéreux que moi tu meurs". Eh bien pas seulement, puisque même après prise en compte des facteurs pronostiques connus, on observait que la dépression majeure était indépendamment associée à une mortalité plus élevée. On se servira donc de ces groupes pour mettre en place des interventions thérapeutiques.

Des proches disaient aussi : "Sans la science, combien d'entre nous pourraient profiter de leur cancer pendant plus de 5 ans ?". Eh bien moi j'espère que la recherche permettra à ces patients de subir la dépression moins longtemps.

CANDIDAT 10
Barbara LELLOUCHE
, Marseille

"Metformine et prise de poids sous antipsychotiques"
Résumé : La recherche de nouvelles stratégies pour maîtriser la prise de poids sous antipsychotiques est un sujet d’actualité. Plusieurs études supportent l’intérêt de la Metformine en préventif.

Je vais vous parler aujourd'hui en 180 secondes de METFORMINE et de prise de poids sous antipsychotiques.

40 à 60 % des patients schizophrènes sont obèses ou en surpoids. C'est un problème majeur qui est lié à des facteurs génétiques, au mode de vie, et au traitement antipsychotique par plusieurs mécanismes, dont l'induction d'une insulino-résistance.

Les 2 molécules qui sont connues dans la littérature pour être le plus à risque sont l'OLANZAPINE et la CLOZAPINE. Les conséquences pour la santé sont majeures, avec l'augmentation de la morbi-mortalité, et notamment cardiovasculaire, et la non-observance du traitement.

Les recommandations actuelles de prise en charge disent qu'en cas de prise de poids, il faut intervenir sur le mode de vie du patient, ou changer de traitement antipsychotique. Le problème c'est que l'on n'est pas toujours efficace sur l'intervention sur le mode de vie des patients, et qu'on est parfois très limité dans le choix de notre traitement. Les recommandations actuelles s'avèrent donc insuffisantes et la recherche de nouvelles stratégies pour pallier cet effet indésirable est un sujet actuel.

Une des pistes qui est de plus en plus développée dans la littérature consiste à introduire de la METFORMINE en préventif. En effet, plusieurs études supportent que la METFORMINE, qui est donc utilisé ici hors AMM, donc en-dehors du diabète, diminue la prise de poids induite par les antipsychotiques. Et ces études suggèrent que plus elle est introduite précocément, plus elle serait efficace. En analysant les résultats et les limites de ces études, je vous propose aujourd'hui un projet de travail pour nous diriger peut-être vers de nouvelles recommandations.

• Premièrement, il faudrait travailler sur un plus grand nombre de patients, avec dans l'idéal une étude multicentrique.
• Deuxièmement, il faudrait que la population soit plus représentative de la population française, ce qui n'est pas le cas dans la majorité des études que j'ai consultées.

Ensuite, deux hypothèses sont intéressantes à étudier :
• La METFORMINE en prévention secondaire, c'est-à-dire une fois un gain de poids cliniquement significatif apparu.
• Et la 2e , intéressante et moins développée : La METFORMINE en prévention primaire, c'est-à-dire à l'introduction d'un traitement antipsychotique à risque, chez un sujet à risque d'obésité.

Ensuite, pour démontrer s'il y a un bénéfice à ajouter de la METFORMINE aux recommandations actuelles, peut-être faudrait-il comparer l'efficacité de la METFORMINE associée à une action sur le mode de vie ; à une action sur le mode de vie associée à un placebo. Dans un second temps, pour voir plus loin, évaluer l'impact de la METFORMINE sur la morbi-mortalité cardiovasculaire.

Les résultats qui se dégageraient d'un tel projet pourraient nous permettre peut-être d'évoluer vers de nouvelles recommandations, et de faire changer nos pratiques, ce qui a été la motivation principale de me présentation aujourd'hui

CANDIDAT 11
Laura KREMERS
, Amiens

"Comment améliorer notre formation pour mieux prendre en charge les patients migrants ?"
Résumé : Plusieurs propositions sont apportées : améliorer la visibilité des formations existantes, inclure un cours de psychiatrie interculturelle et de prise en charge des psychotraumatismes dans le programme de DES, créer une rubrique sur le site internet de l'AFFEP.

Je voudrais vous raconter une petite histoire. J'ai rencontré en consultation un jeune homme congolais. Il venait pour des troubles du sommeil et des reviviscences, c'est-à-dire des images envahissantes de tous les traumatismes qu'il avait subis au Congo.

Son comportement m'a beaucoup intriguée, parce qu'il était anxieux, méfiant, parlait très peu. J'avais du mal à comprendre ce qu'il disait. Et puis il regardait avec suspicion tout ce que je notais dans son dossier. Alors, je me suis demandé s'il avait des troubles psychotiques : Est-ce qu'il avait un syndrome de persécution ? Est-ce que ça rentrait dans le cadre d'un syndrome de stress post-traumatique ? Ou avait-il tout simplement appris à être méfiant au vu du contexte politique au Congo ? Ou avait-il peur pour sa demande d'asile ?... En tout cas, j'avais du mal à interpréter son comportement. Peut-être que vous aussi avez rencontré ce même genre de souci ?

D'après une enquête que nous avons réalisée avec l'EFPT, qui est l'Association Européenne des Internes en Psychiatrie, en France, 85 % des internes répondants disent avoir pris en charge un patient migrant au cours de ces 12 derniers mois. 42 % s'est dit en difficultés et 73 % dit ne jamais avoir reçu de formation spécifique dans ce domaine, pourtant recommandé par l'OMS.

Alors ma question est toute simple : comment pourrait-on faire pour améliorer la formation des internes afin de prendre mieux en charge les patients migrants ?

• Une 1ère idée serait de rendre des cours qui existaient déjà plus visibles et plus accessibles. En effet, on a énormément de chance. En France, nous avons beaucoup de formations très intéressantes : Saviez-vous qu'il existait des cours d'anthropologie à Amiens ? Des cours de psychiatrie transculturelle à Paris ? Des cours sur le psychotraumatisme à Clermont-Ferrand ? Et également un D.U. à Lyon sur "Santé, migration, société" ?

Toutes ces formations ont été regroupées dans une liste grâce à une interne lilloise dans le cadre de sa thèse. Cette liste pourrait être diffusée grâce à l'AFFEP, qui est l'Association Française Fédérative des Etudiants de Psychiatrie. Ils ont une page Facebook, une mailing-list, un compte Twitter, un site internet, et même un petit journal qui s'appelle le Psy Déchaîné, où on pourrait écrire un article.

 • Une 2ème idée serait de créer une petite rubrique sur le site de l'AFFEP, avec des vidéos de cours synthétiques réalisées par les internes et pour les internes, sur des sujets qui les passionnent. Par exmple la psychiatrie transculturelle. Un peu à l'image des vidéos que l'on trouve sur YouTube, sur comment apprendre à se maquiller, à se coiffer, à cuisiner, à jardiner... Mais là ça serait pour partager nos connaissances en psychiatrie

CANDIDAT 12
Ariel FRAJERMAN
, Paris

"La Psychiatrie c'est le Gras !"
Résumé : Après la génétique, l’épigénétique et la protéomique, la nouvelle révolution est la lipidomique : les lipides jouent un rôle fondamental dans plusieurs maladies psychiatriques.

La Psychiatrie, c'est le gras. Alors, quand je dis la psychiatrie, je ne veux pas parler de toute la psychiatrie mais j'évoque certaines pathologies telles que la schizophrénie, le trouble bipolaire, le TDAH, ou encore la dépression, qui impliquent certains phénomènes, tels que le stress oxydatif ou l'inflammation.

Quand je parle du Gras, je parle des acides gras polyinsaturés (oméga 3, oméga 6), qui sont compris dans des grosses molécules que l'on appelle des phospholipides et des sphingolipides, qui composent la membrane de nos cellules, y compris de nos neurones.

Des études ont montré que si l'on introduisait une carence en oméga 3 chez des souris enceintes, leurs progénitures auront des anomalies au niveau du système dopaminergique et du système glutamatergique. Bref, des anomalies de la neurotransmission.

De même, la myéline, qui compose les gaines de myéline de la substance blanche, est composée à plus de 50 % de gras. Donc si vous avez des anomalies de gras, vous avez des anomalies de myéline, vous avez donc des anomalies de connectivité cérébrale

Au niveau génétique également, des études ont montré l'importance des oméga 3 dans la régulation de l'expression de certains gènes, notamment ceux impliqués dans le neurodéveloppement.

Enfin, si on s'intéresse au phénomène tel que l'inflammation et le stress oxydatif, le gras, et notamment les oméga 3 et les oméga 6, ont montré leur importance.

Et là je vois le cardiologue du 2e rang se réveiller et dire : "Gras, Inflammation, Stress oxydatif = Infarctus du myocarde". Eh bien vous avez raison Monsieur le Cardiologue. D'ailleurs, les cardiologues ont défini un index d'oméga 3 pour évaluer le risque cardiovasculaire, et même, font une supplémentation en oméga 3 chez certains de leurs patients.

Si on revient à la Psychiatrie, notre domaine, on sait qu'il y a des anomalies des lipides membranaires chez les sujets souffrant de schizophrénie. Mais ces anomalies concernent en fait un sous-groupe de patients, comme nous l'avait montré une étude en 2016. Et elles sont déjà présentes lors du 1er épisode psychotique, et même avant, puisque qu'elles sont également retrouvées chez les patients Ultra Haut Risque de schizophrénie (UHR, c'est-à-dire 1 risque sur 3 de développer des troubles psychotiques dans les 3 ans). Une étude d'Amminger, en 2010, a même montré qu'en supplémentant en oméga 3, on pouvait diminuer le risque de transition psychotique.

Mais vous allez me dire : "Tout ça c'est fou". Eh bien vous avez raison. Et c'est pourquoi, aujourd'hui je vous dis, après la génomique, après la métabolomique, après la protéomique, voici venu le temps de la Lipidomique, voici venu le temps du Gras.

Ce sera justement mon travail de thèse d'aller dans le cœur du gras, dans le gras du gras, pour décomposer le gras en ses différentes composantes, telles que le DHA, l'EPA, l'acide arachindonique ; essayer de le relier à des symptômes, tels que la mémoire, la désorganisation ou l'attention, pour pouvoir définir des biomarqueurs. Ces biomarqueurs nous permettront d'avoir des endophénotypes pour pouvoir potentiellement chez des patients UHR (un sous-groupe de patients encore une fois) prévenir un risque de transition psychotique grâce aux oméga 3, et peut-être même chez des patients qui sont au tout début de la maladie et qui ont des anomalies lipidiques, les guérir de la schizophrénie grâce au Gras, grâce aux oméga 3.

Et c'est pourquoi je vous le dis encore une fois : la Psychiatrie c'est le Gras, et je vous souhaite un bon appétit.

CANDIDAT 13
Thibault MICHEL, Montpellier

"Entraînement aux habiletés sociales en schizophrénie. Intéragir avec son avatar virtuel"
Résumé : Le projet AlterEgo vise à évaluer chez le patient schizophrène stabilisé, une thérapie d’entraînement aux habiletés sociales utilisant l’avatar virtuel du patient (similarité morphologique et motrice).

Je me présente : je suis l'Avatar de votre thérapeute, et je vous demande de m'imaginer dans un écran de télévision. Vous êtes chacun un patient schizophrène et nous nous rencontrerons durant 7 semaines, 2 fois par semaine pour une thérapie d'entraînement aux habiletés sociales.

Comme aujourd'hui, vous ne me rencontrerez pas directement mais via mon Avatar, corvéable à merci, que je commande à distance depuis le Pandora, notre Hôpital de jour près de Montpellier, avec vue sur mer, évidemment.

Il y a 6 mois, je me suis avatarisé. Et quand je vois le résultat et le charisme de mon avatar, enfermés avec vous tandis que je me trouve (et je ne me cache pas) à la plage les pieds dans l'eau, je me dis qu'avec ce projet on met la barre haut.

Je ne vous ai pas tout dit. Ce qu'on vous propose aujourd'hui ce n'est pas seulement une thérapie face à Mon Avatar mais face à Votre propre Avatar. Alors allez-y, imaginez l'expérience de l'avatarisation. Entrez dans la cabine, levez les bras, et en quelques secondes, nos 48 appareils photos vous envoient sous toutes les coutures au laboratoire informatique. Et 4h plus tard, votre avatar est prêt. Je suis donc désormais Votre Avatar, avec Votre morphologie et Votre visage.

Mais quel intérêt, me direz-vous. Eh bien vous le savez, qui se ressemble s'assemble. Qui se ressemble, mais aussi qui se coordonne, qui se synchronise, qui s'imite s'assemble. Si nous communiquons face à face et que vous croisez les jambes, je croiserai les jambes. Si vous vous penchez vers moi, je me pencherai vers vous. Si vous faites de grands gestes, je ferai de grands gestes.

Déjà, durant la guerre froide, les agents du KGB etaient formés à imiter leur interlocuteur pour obtenir plus d'informations. Communiquer c'est donc se coordonner, s'imiter.

Pour ce faire, nous vous équiperons en début de séance de capteurs de mouvements afin de synchroniser les mouvements de votre avatar sur vos propres mouvements

Je serai alors votre avatar similaire et coordonné. Je serai votre jumeau bienveillant, votre alter égo virtuel. Vous pourrez ainsi me faire pleine confiance et l'efficacité et les acquis de la thérapie en seront renforcés.

Autre avantage : vous motiver. L'aspect ludique de créer et d'interagir avec votre avatar saura à coup sûr renforcer la motivation et l'engagement dans la thérapie. Motivation et immersion. Nous utiliserons de nombreux jeux de rôles, et vous verrez que l'interaction avec l'avatar est beaucoup plus immersive. Et vous n'aurez pas l'inhibition de faire semblant devant votre vieux psychiatre.

Enfin, mon fantasme de psychiatre de plage laissera peut-être un jour la place à l'avatar télémédecine, permettant au thérapeute du CHU de proposer une thérapie innovante et spécifique à des patients à l'autre bout de la région, en zone rurale ou désertée, qui verront ainsi en l'avatar un des remèdes aux inéquités sociales de santé.

J'ai essayé de vous présenter l'expérience des patients face à leur avatar, et nous vous proposons de prolonger cette expérience en venant rencontrer durant le congrès mon avatar que je laisserai à votre disposition.

Ensuite, nous vous séparerons en 3 groupes : les 1ers bénéficieront de la thérapie face au thérapeute classique, les 2e face à mon propre avatar et les derniers face à Votre avatar (petits veinards !). Alors, à votre avis, desquels d'entre nous boosterons-nous le mieux les performances sociales ? Qui fera de vous l'Usain Bolt de la communication ? L'original sera-t-il plus fort que la copie ?

CANDIDAT 14
Charles LAIDI
, Paris

"Stimulation non invasive du cervelet dans la schizophrénie"
Résumé : Le cervelet contient plus de 50 % des neurones du cerveau et a été impliqué dans la physiopathologie de la schizophrénie. Il est proposé de stimuler cette région pour améliorer les symptômes cognitifs des patients.

Je suis ici pour réparer une grande injustice anatomique. Le cervelet a été victime d'une très grande injustice dans l'histoire, puisqu'au 16e siècle, des anatomistes belges, au 1er rang desquels André Vésale, ont injustement considéré qu'il était uniquement impliqué dans un rôle de motricité.

On sait aujourd'hui que plus de 50 % des neurones du cerveau sont situés dans le cervelet, et ce grâce aux cellules granulaires. Mais ce que l'on sait aussi c'est que c'est une tout petite partie du cervelet qui est impliquée dans la régulation du mouvement : le lobe antérieur, alors que la plus grande partie du cervelet est impliquée dans les processus cognitifs : c'est ce qu'on appelle le lobe postérieur. Et ce lobe postérieur est connecté à l'ensemble des régions cognitives du cortex cérébral, en particulier le cortex préfrontal.

L'idée est que, comme on peut avoir une dysmétrie des membres lorsqu'il y a une lésion de la partie antérieure du cervelet, il peut y avoir une dysmétrie cognitive, ou dysmétrie de la pensée, quand il y a une altération de la partie cognitive du cervelet.

Pendant ma thèse j'ai réalisé une étude d'imagerie cérébrale, et j'ai pu mettre en évidence une diminution globale du volume du cervelet chez des patients schizophrènes. Cette diminution de volume était particulièrement centrée dans la région qu'on appelle "cruss", et ce résultat n'était présent ni chez des patients bipolaires, ni chez des patients souffrant de troubles du spectre autistique. Il était aussi indépendant de la prise du traitement.

J'ai aussi pu montrer que cette région cognitive du cervelet, cette région de "cruss", était connectée fonctionnellement en IRM fonctionnelle de repos au cortex préfrontal, une autre région qui a été depuis très longtemps impliquée dans la schizophrénie.

L'an dernier je suis allé à Londres et j'ai rencontré une post-doc à l'hôpital du Maudsley, qui avait mis en évidence que la seule différence entre une stimulation effective du cortex préfrontal et une stimulation placebo était une activation à distance du cervelet.

Je suis maintenant redevenu interne et je travaille dans l'unité de stimulation cérébrale du Dr JANUEL à l'hôpital de Ville Evrard en Seine-Saint-Denis. Mon idée est de stimuler directement le cervelet des patients schizophrènes en utilisant la stimulation transcrânienne à courant direct. L'objectif serait de viser spécifiquement les symptômes cognitifs de la schizophrénie, comme par exemple une altération de la mémoire de travail, pour lesquels on a encore malhreuseusement très peu de possiblités thérapeutiques aujourd'hui.

J'aimerais également utiliser des techniques de neuronavigation, c'est-à-dire utiliser l'IRM pour cibler très spécifiquement cette partie cognitive du cervelet à qui j'espère avoir rendu aujourd'hui sa juste place

CANDIDAT 15
Marthe JANNOT
, Bordeaux

"Traitements antidépresseurs et pharmacogénétique"
Résumé : Peut-on traiter la dépression de la même manière chez tous les patients ? Place de la pharmacogénétique dans la pratique clinique aujourd'hui.

Comment savoir si entre un patient dépressif et un traitement antidépresseur, ça va "matcher" ? C'est une question que les psychiatres se posent assez régulièrement et à laquelle j'essaie de répondre dans ma thèse.

En fait, la relation entre le patient dépressif et son traitement antidépresseur, c'est un peu comme une relation de couple dont nous, psychiatres, sommes les entremetteurs.

On a un patient qui est au fond du seau, complètement déprimé, à qui on présente une molécule, qui a certaines qualités mais aussi certains défauts. On les met ensemble et on voit ce que ça donne. Dans certaines situations, c'est génial, "ça matche" dès la 1ère rencontre et notre patient est hyper bien. Sauf que la vie n'est pas comme une comédie romantique, et dans la plupart des cas, on a plutôt un couple un peu banal avec des disputes, des choses comme ça...

Par exemple, quand on voit le patient à distance de la 1ère rencontre, il nous explique qu'il n'en peut plus de la molécule qu'on lui a présentée là. Elle lui donne envie de vomir, il tremble, quand ce n'est pas des troubles de la libido... Enfin bref, il veut la quitter. Alors nous on essaie de le convaincre de rester avec, qu'on puisse l'essayer quand même, un petit peu. Mais dans un cas sur deux ça finit en divorce.

Pour les personnes modernes qui ont envie d'une relation de couple stable mais qui n'ont pas envie de rencontrer tous les célibataires de la région pour trouver la bonne personne, on a les sites de rencontre, qui utilisent des algorithmes. Ces algorithmes nous permettent de nous mettre en relation à la personne qui correspond à notre profil.

Eh bien pour la dépression nous avons la pharmacogénétique. Elle analyse le profil génétique du patient et elle établit le lien entre le polymorphisme génétique et la variabilité de la réponse au traitement. Cette variabilité peut être pharmacocinétique ou pharmacodynamique.

> Pour la pharmacocinétique on va s'intéresser aux variations génétiques des gènes impliqués dans le métabolisme du médicament. Donc par exemple au niveau du foie les gènes qui codent pour le CYP2D6 par exemple, qui est connu pour métaboliser les antidépresseurs. Il va, selon les variations génétiques, être plus ou moins métaboliseur rapide ou lent. Les métaboliseurs rapides expulsent tout tout de suite, on n'a plus de traitement, ce n'est pas efficace. Alors que les métaboliseurs lents, eux, gardent le traitement trop longtemps, donc on a des problèmes de tolérance.

 > Sur la pharmacodynamique, on s'intéresse aux gènes impliqués dans le transport ou la réception médicamenteuse. Par exemple, le gène SLC6A4 qui est connu pour transporter la sérotonine. Lui, selon les variations génétiques, va impliquer une réponse aux traitements sérotoninergiques différents.

En gros, vous l'aurez conclu, l'intérêt de la pharmacogénétique c'est de pouvoir réunir un patient déprimé avec la molécule de son rêve pour qu'ils puissent vivre une merveilleuse histoire d'amour, et éviter à nos patients les histoires médicamenteuses sans lendemain.

Propos retranscrits par
Mélanie TRICHANH
(Dijon)

16e Congrès de l'Encéphale 2018

Du 24 au 26 janvier 2018 s'est tenue la 16ème édition du congrès de l'Encéphale, siégeant comme à son habitude au Palais des Congrès de Paris.

Cette année, les conférenciers ont dû se pencher sur les "Avenirs de la psychiatrie". Et ce thème, sans vraiment bousculer les thématiques habituelles des congrès, a permis néanmoins l'ouverture aux sujets les plus poussés et les plus novateurs en ce qui concerne la psychiatrie. Les sessions ont ainsi pu explorer les thérapeutiques du futur, l'esquisse de l'homme augmenté, les applications des nouvelles technologies, la place des start-up, l'apport du neurofeedback ou encore l'identification de nouveaux bio-marqueurs cérébraux.

Côté associatif, vous avez pu nous rencontrer sur le stand jeune, aux côtés de nos compères de l'AJPJA et de la PEPS. C'est toujours un plaisir de pouvoir discuter avec les adhérents, de tout et de rien. L'AFFEP, aux côtés de David GOURION et Philippe NUSS, a également eu la chance de présenter les résultats préliminaires de son enquête annuelle sur les internes confrontés à la violence au cours d'une session sur le rapport de l'enquête sur le burn-out chez les psychiatres.

La nouveauté de cette année a été la tenue de la première "Battle de l'Encéphale", organisée par les jeunes et pour les jeunes, et animée par le bien connu Michel CYMES.

Le principe est simple, six internes ou jeunes chefs se disputaient allègrement la première place en répondant le mieux possible à une série de questions, sur des thèmes divers et variés. La salle était comble à exploser, et le suivi sur les réseaux sociaux a été massif. L'ambiance de folie a permis de passer une soirée des plus divertissantes.

Cette soirée a été introduite par deux interventions. La première a été une démonstration bluffante d'hypnose par Jean-Philippe Rossi, suivie par Yves Sarfati qui a parlé de la nouvelle psychopathologie du quotidien.

Thomas BARBARIN
(Dijon)

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°22

Publié le 1653577116000