Les 10 points clés
- Pluritronculaire + STEMI : La revascularisation complète est recommandée lors de la procédure initiale ou lors d’une deuxième procédure dans les 45 jours guidée par la sévérité angiographique.
- Pluritronculaire + SCA hors STEMI : La revascularisation complète doit être discutée lors de la procédure initiale et peut être guidée par la physiologie coronaire.
- Pluritronculaire + choc cardiogénique, seule l’angioplastie de la lésion coupable est recommandée lors de la procédure initiale.
La réadaptation cardiaque reste un indispensable chez tous les patients après un SCA (classe I).
Introduction
Les nouvelles guidelines sur la prise en charge des syndromes coronaires aigus (SCA) étaient très attendues (1). Pour la première fois, l’ensemble des syndromes coronaires aigus (STEMI, NSTEMI et angor instable) sont rassemblés dans un seul document. Nous vous proposons une synthèse des points clés à retenir.
Le SCA correspond un large spectre recouvrant différentes formes cliniques associées à des symptômes et signes d’ischémie myocardique, avec ou sans modifications électrocardiographiques, et avec ou sans élévation de la troponine (Figure 1). On distingue principalement l’infarctus du myocarde (IDM) et l’angor instable. La définition de l’IDM est basée sur la présence de signes d’ischémie myocardique associés à une nécrose myocardique traduite par une élévation de la troponine et se réfère à la 4ème définition universelle de l’IDM (2). L’angor instable est défini par la présence d’une ischémie myocardique de repos en l’absence de nécrose myocardique et donc en l’absence d’élévation de la troponine.
Figure 1. Définitions des syndromes coronaires aigus, source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
Une fois le diagnostic de SCA retenu, il est recommandé d’effectuer rapidement une stratification du risque basée sur la combinaison de l’histoire clinique, des symptômes, des paramètres vitaux, de l’examen clinique, de l’ECG et de la troponine. En particulier, un ECG doit être réalisé dans les 10 minutes suivant le premier contact médical (classe I). En l’absence de sus-décalage du segment ST, un dosage de troponine hautement sensible doit être réalisé rapidement afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic de NSTEMI, et éventuellement répétée à 1 ou 2 heures (Figure 2). Si la douleur dure depuis plus de 3 heures et que le premier dosage de troponine est négatif, ou que le premier et le deuxième dosages de troponine sont négatifs, le diagnostic de NSTEMI est éliminé. Si le premier dosage de troponine est élevé, ou qu’il existe une élévation significative entre les deux dosages, le diagnostic de NSTEMI est retenu.
Figure 2. Algorithme pour confirmer ou infirmer rapidement un NSTEMI (en l’absence de sus-décalage du segment ST à l’ECG initial),
source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
Une échocardiographie transthoracique est recommandée rapidement chez un patient avec SCA s’il existe un choc cardiogénique ou une suspicion de complication mécanique (classe I). Chez un patient avec une suspicion de SCA sans élévation significative de troponine et en l’absence de modifications ECG ou de récidive de la douleur, il est possible de proposer une évaluation initiale par coroscanner ou par un test fonctionnel non invasif (classe IIa).
Figure 3. Orientation préhospitalière pour le STEMI, source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
Concernant l’orientation des patients avec STEMI, ces nouvelles recommandations insistent encore sur l’importance d’un réseau régional de prise en charge basé sur des centres capables d’effectuer une angioplastie primaire 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 (classe I). Les patients avec STEMI doivent être acheminés le plus rapidement possible en salle de cathétérisme cardiaque de ces centres, sans passer par les urgences ou tout autre service au préalable. Pour le STEMI, pas de modification des délais (Figure 3) : si le patient se situe en extrahospitalier ou dans un centre sans service de cathétérisme cardiaque, une angioplastie primaire doit être préférée si celle-ci est possible dans les 120 minutes (avec un objectif de la réaliser en moins de 90 minutes). Dans le cas contraire, il faut privilégier la thrombolyse et celle-ci doit être débutée dans les 10 minutes avant de transférer le patient dans un centre capable de réaliser une coronarographie dans les 24 heures. Si le patient se situe au moment du diagnostic dans un centre avec cathétérisme cardiaque, l’angioplastie primaire doit être réalisé dans les 60 minutes.
En dehors d’un STEMI, le diagnostic de SCA doit faire déclencher une stratification du risque (Figure 4)permettant de le classer en :
- SCA à très haut risque : instabilité hémodynamique ou état de choc cardiogénique, angor réfractaire, insuffisance cardiaque aiguë secondaire à l’ischémie myocardique, trouble du rythme ventriculaire ou arrêt cardiaque, complication mécanique ;
- SCA à haut risque : NSTEMI, score GRACE >140, sus-ST transitoire, modifications dynamiques du segment ST ou de l’onde T ;
- SCA à bas risque : tous les autres SCA.
Pour un SCA à très haut risque, une stratégie invasive avec coronarographie est recommandée immédiatement (dans les 120 minutes) (classe I). Pour un SCA à haut risque, une stratégie invasive avec coronarographie est recommandée dans les 24 heures (classe I). Pour un SCA à bas risque, une stratégie invasive avec coronarographie est recommandée dans l’hospitalisation pour les cas d’angor instable (classe I).
Figure 4. Orientation des patients avec SCA (hors STEMI), source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
L’oxygénothérapie est recommandée uniquement si la SpO2 est inférieur à 90 % (classe I).
En cas de douleur importante, l’administration IV d’opioïdes est suggéré (classe IIa).
Concernant le traitement antiagrégant plaquettaire (Figure 5), l’aspirine reste recommandée chez tous les patients avec suspicion de SCA avec une dose de charge par voie orale de 150 à 300 mg ou par voie intraveineuse de 75 à 250 mg (classe I). En cas de STEMI, le prétraitement avec un inhibiteur de P2Y12 est rétrogradée en classe IIb. Les auteurs justifient ce choix en se basant sur les résultats de l’étude ATLANTIC (3)et des données du registre SWEDEHEART (4) qui n’avaient pas montré de bénéfice à la pré-charge par Ticagrélor dans ce contexte. En cas de NSTEMI, le prétraitement reste contre-indiquée en routine (classe III) mais peut être discuté chez des patients sélectionnés (pas de possibilité de coronarographie dans les 24 heures et faible risque hémorragique) (classe IIb)
Pour les patients avec STEMI, une anticoagulation parentérale est recommandée dès le diagnostic (classe I) avec une dose d’héparine non fractionnée (HNF) de 70 à 100 UI/kg recommandée en classe I. L’enoxaparine et la bivalirudine sont des alternatives possibles (classe IIa) alors que le fondaparinux reste contre-indiqué en cas de STEMI (classe III). Pour les patients avec SCA hors STEMI, une anticoagulation par HNF (classe I) ou enoxaparine (classe IIa) est recommandée au moment du diagnostic. Le fondaparinux peut être administré en cas de coronarographie prévue à plus de 24 heures
Figure 5. Stratégie anti-thrombotique dans le cadre du syndrome coronaire aigu, source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
En présence d’un arrêt cardiaque, une angioplastie primaire est recommandée en cas d’ECG post-ressus-citation avec sus-décalage du segment ST (classe I). En cas d’ECG post-ressuscitation sans sus-décalage du segment ST, une coronarographie immédiate n’est pas recommandée chez les patients stables (classe III).
En cas de choc cardiogénique secondaire à un SCA (STEMI ou NSTEMI à très haut risque), une coronarographie est indiquée en urgence pour angioplastie de la lésion coupable (classe I). Une fibrinolyse doit être discutée chez les patients en état de choc cardiogénique si une angioplastie primaire n’est pas disponible dans les 120 minutes (classe IIa). L’utilisation en routine d’un ballon de contre-pulsion intra-aortique en l’absence de complication mécanique reste en classe III.
Figure 6. Algorithme pour l’utilisation de l’imagerie endocoronaire, source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
La voie radiale reste clairement recommandée en première intention (classe I), tout comme l’utilisation de stents actifs (classe I). Mais la nouveauté de ces recommandations est la place laissée à l’imagerie endocoronaire (IVUS ou OCT) qui apparait en classe IIa pour guider l’angioplastie de la lésion coupable lorsque celle-ci est clairement identifiée (Figure 6). S’il existe des difficultés pour identifier la lésion coupable, l’imagerie endocoronaire peut être utilisée, avec une préférence pour l’OCT (classe IIb). Enfin, la thromboaspiration reste non recommandée en routine (classe III).
Chez les patients présentant une dissection spontanée de la coronaire, l’angioplastie n’est recommandée que pour les patients présentant des symptômes, des signes d’ischémie myocardique persistant, une large zone de myocarde en danger et un flux antérograde réduit.
Chez les patients présentant une dissection spontanée de la coronaire, l’angioplastie n’est recommandée que pour les patients présentant des symptômes, des signes d’ischémie myocardique persistant, une large zone de myocarde en danger et un flux antérograde réduit.
Figure 7. Algorithme de prise en charge des lésions pluritronculaires lors d’un SCA, source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
En cas de choc cardiogénique, seule l’angioplastie de la lésion coupable est recommandée lors de la procédure initiale (classe I). L’angioplastie des lésions non coupables est à discuter secondaire (classe IIa) (Figure 7).
En cas de STEMI, une revascularisation complète est recommandée lors de la procédure initiale ou lors d’une deuxième procédure à programmer dans les 45 jours qui suivent (classe I). Suite aux résultats de l’étude
FLOWER-MI, la revascularisation des lésions coupables doit pour le moment se baser uniquement sur leur aspect angiographique (classe I), et non pas sur la FFR (classe III).
En cas de SCA hors STEMI, une revascularisation complète doit être discuté lors de la procédure initiale (classe IIa) et peut être guidé par la physiologie coronaire (classe IIb).
Figure 8. Algorithme de prise en charge des MINOCA, source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
En cas d’infarctus du myocarde sans lésion coronaire obstructive (MINOCA), il est recommandé de suivre l’algorithme de prise en charge présenté dans la Figure 8. Celui-ci comprend une première étape lors de la prise en charge invasive qui peut comprendre notamment l’utilisation de l’imagerie endocoronaire. La deuxième étape lors de l’hospitalisation doit comprendre la réalisation d’une IRM (classe I). Enfin, la troisième étape correspond à une phase de suivi. Selon la cause identifiée, un traitement spécifique doit être mis en place.
Figure 9. Stratégies antithrombotiques alternatives selon la situation clinique, source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
Concernant le traitement anti-thrombotique, la stratégie par défaut comprend l’aspirine et un inhibiteur de P2Y12 (prasugrel ou ticagrélor en première intention, clopidogrel si contre-indication aux deux autres) pour une durée de 12 mois (Figure 5). Ces nouvelles recommandations ouvrent la porte à des stratégies alternatives (Figure 9) qui doivent être adaptées à la situation clinique :
- Chez les patients sans événement après 3 à 6 mois et en l’absence de haut risque ischémique, une monothérapie avec un inhibiteur de P2Y12 peut être prescrite (classe IIa) ;
- Chez les patients à haut risque hémorragique, une monothérapie par aspirine ou inhibiteur de P2Y12 peut être proposée après 1 mois de bithérapie classe IIb) ;
- Chez les patients à haut risque ischémique et en l’absence de risque hémorragique, une prolongation de la bithérapie au-delà des 12 premiers mois ou la prolongation d’une monothérapie par un inhibiteur de P2Y12 peuvent être discutées (classe IIb).
Chez les patients avec une indication d’anticoagulation, la stratégie par défaut correspond à une trithérapie par un anticoagulant oral associé à l’aspirine et au clopidogrel pendant 1 semaine, puis une bithérapie par l’anticoagulation et un antiagrégant plaquettaire (de préférence le clopidogrel) pendant 12 mois puis une monothérapie par l’anticoagulant au long cours (classe I) (Figure 10). Si le risque ischémique est important et le risque hémorragique faible, la trithérapie peut être allongée à 1 mois (classe IIa).
Figure 10. Stratégie antithrombotique en cas de SCA chez un patient avec indication d’anticoagulation,
source Byrne R.A et al, EHJ 2023.
La réadaptation cardiaque reste recommandée chez tous les patients après un SCA (classe I). La prise en charge des facteurs de risque doit être rigoureuse avec notamment l’arrêt du tabac et une activité physique régulière. Une statine de forte intensité à dose maximale doit être introduite dès que possible lors d’une SCA quel que soit le taux de LDL-C (classe I) avec un objectif de LDL-C <0.55 g/L et une réduction d’au-moins 50 % par rapport à la valeur de base (classe I). Si cet objectif n’est pas atteint après 4 à 6 semaines de traitement, il est recommandé d’ajouter de l’ézétimibe (classe I), puis si l’objectif n’est toujours pas atteint 4 à 6 semaines plus tard, un inhibiteur de PCSK9 (classe I). Un bétabloquant, un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et un antagoniste des récepteurs aux minéralocorticoïdes doivent être prescrit en cas de FEVG ≤ 40 % (classe I). La prescription d’un bétabloquant et d’un IEC pour les FEVG préservées est recommandée en classe IIa. Suite aux résultats de l’étude SECURE (5), la polypill fait son apparition dans les recommandations pour favoriser l’adhérence thérapeutique (classe IIa).
La plupart des essais cliniques randomisés portent sur des hommes, qui représentent près de 70 % de la population des patients participant à l’essai. Il est donc nécessaire de disposer de davantage de données sur les meilleurs soins à apporter aux femmes atteintes d’un SCA. Une représentation accrue des femmes dans les futurs essais cliniques est nécessaire pour mieux informer sur la prise en charge optimale des femmes atteintes d’un SCA.
Les personnes âgées sont aussi sous-représentées dans les essais cliniques. Il est donc nécessaire de disposer de davantage de données concernant les personnes âgées atteintes d’un SCA.
Références
Eur Heart J 2023;ehad191.
Circulation 2018;138:e618–51.
Percutaneous Coronary Intervention. Circ Cardiovasc Interv 2018;11:e005528.
Dr Antonin TRIMAILLE
CHU de Strasbourg
Auteur
Dr Guillaume BONNET
CRF, New York
Relecteur
Article paru dans la revue « Le magazine des jeunes cardiologues - Collège des Cardiologues en Formation » / CCF N° 19