Présentation clinique
Une patiente de 37 ans, caucasienne, consulte aux urgences pour une douleur thoracique typique d’angor, peu intense et fluctuante, au repos. L’anamnèse rapporte un tabagisme actif et une obésité (IMC à 31 kg/m2 ), un ECG modifié avec sous-décalage ST minime en antérieur, une troponinémie positive à 380 ng/l, et une CRP à 60 mg/dl.
La coronarographie et l’échocardiographie sont décrites normales. Le diagnostic retenu est celui d’une myocardite aiguë, probablement virale.
Sortie le surlendemain sous antalgiques, la douleur récidive rapidement, de façon encore plus intense. Prise en charge par le SAMU, la patiente est transférée en USIC.
En la réinterrogeant, les antécédents révèlent une pré-éclampsie en 2000, une uvéite antérieure en 2004, un érythème noueux ainsi qu’une baisse d’acuité visuelle transitoire en 2015, non étiquetés. Elle décrit également depuis 2 semaines un fébricule et des hémorragies sous-unguéales diffuses et douloureuses.
Résultats des principaux examens réalisés en USIC
ECG : Absence d’onde Q. Sous-décalage ST minime en antérieur, ondes T négatives en antéro-latéral.
Biologie : Troponinémie 1536 ng/l, CPK normaux, CRP 99 mg/dl, NT-pro-BNP 5600 ng/l, hyperleucocytose à 30 G/l avec hyperéosinophilie majeure à 13,8 G/L.
ETT : FEVG conservée, sans troubles de la cinétique segmentaire. Altération modérée du strain longitudinal sur les parois antérieures et antéro-latérales. Pas d’autres anomalies.
IRM cardiaque (Figure 1) : Hypertrophie VG antérieure, latérale et apicale. Défaut de réhaussement précoce, et réhaussement tardif sous-endocardique en faveur de fibrose dans ces territoires.
En conclusion, aspect évocateur de fibrose endo-myocardique VG sans signe de myocardite.
Conclusion
Le diagnostic retenu est donc celui d’une fibrose endo-myocardique, associé à une myocardite à éosinophiles, entrant dans le cadre du syndrome hyperéosinophilique idiopathique (s’apparentant à une leucémie à éosinophiles).
Prise en charge thérapeutique
La prise en charge initiale a eu pour but de contrôler l’hyperéosinophilie afin de diminuer l’activité « myocarditique » de cette dernière. Après un traitement antiparasitaire, une corticothérapie IV (1 mg/kg/j), précédée de trois bolus de 500 mg/j de Solumédrol IV a permis de diminuer l’hyperéosinophilie et les symptômes en quelques jours.
Des bétabloquants à visée anti-arythmique et une anticoagulation curative ont été associés.
Focus : Myocardite à éosinophiles ou Fibrose endomyocardique ?
Myocardite à éosinophiles :
• Correspond à la phase « aiguë » d’une hyperéosinophilie, en rapport avec la toxicité de ces derniers sur le myocarde.
• Peut survenir en l’absence d’hyperéosinophilie, surtout dans les causes médicamenteuses.
• Faible sensibilité de l’IRM, contrairement à l’histologie, très sensible.
• L’association clinique, biologique et électrique signe souvent le diagnostic.
Fibrose endomyocardique :
• Survient plus tardivement, parfois sans myocardite (si hyperéosinophilie faible mais prolongée).
• Anomalies du strain en ETT (fibrose détectée comme du myocarde).
• Forte sensibilité et spécificité de l’IRM.
• Risque thrombotique majeur. L’anticoagulation curative est indispensable !
• Le bilan étiologique est celui d’une hyperéosinophilie, avec la recherche de parasites en premier lieu, puis des causes médicamenteuses et hématologiques ensuite
Figure 1 :
IRM myocardique évocatrice de Fibrose endomyocardique avec l’aspect typique en 3 couches :
1) myocarde sain à l’extérieur,
2) couche de fibrose endocardique intermédiaire et de manière plus ou moins nette,
3) structures thrombotiques internes dans la cavité ventriculaire gauche.
Par Paul-Matthieu CHIARONI
Interne
Paris
Article paru dans la revue “ Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF n°01