Actualités : Autour du monde

Publié le 17 juin 2024 à 13:55
Article paru dans la revue « GÉNÉRATION S ENDOC » / Génération ENDOC N°2


Nous entreprenons un tour du monde endocrinologique ! Au gré des différentes escales, nous aurons un aperçu de la vie quotidienne et des pratiques de notre spécialité dans différents pays. Nous souhaitons explorer à la fois ce qui nous rapproche en tant qu'endocrinologue à travers le monde mais aussi les spécificités propres à chaque pays.
Si vous êtes à l'étranger, n'hésitez pas à nous écrire : nous serions ravi d'avoir votre point de vue.
Et c'est parti pour nos deux premières destinations : l'Italie et le Burkina Faso !

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Valerio Endocrinologue en Italie

Pouvez-vous nous parler un peu de vous ?

Valerio, je suis un homme de 41 ans. Je travaille dans une grande ville (plus d'un million d'habitants). J'ai choisi l'endocrinologie parce que j'ai été fasciné dès les premières leçons à l'université grâce à une excellente professeure. Ce qui me fascine en endocrinologie, c'est la puissance que des substances présentes en quantité d'un millionième ou d'un milliardième de gramme ont sur les fonctions biologiques et sur l'organisme en général.

Quelles études pour exercer l'endocrinologie dans votre pays ?

En Italie, le cursus d'études en médecine générale dure 6 ans et comprend environ 40 examens. Il est divisé en un premier cycle préclinique de trois ans et un second cycle clinique de trois ans. 

Pour devenir spécialiste en endocrinologie, il faut actuellement passer un examen national qui permet d'entrer dans un classement à partir duquel on sera assigné à une école sur tout le territoire national (on peut choisir de refuser ou d'accepter et de se déplacer dans le classement). La spécialisation dure actuellement 4 ans (de mon temps, elle durait 5 ans et le concours n'était pas national mais local au niveau universitaire), mais elle implique une activité clinique à part entière, y compris en autonomie partielle. La rémunération est d'environ 1600-1800 euros par mois, auxquels il faut soustraire les frais universitaires, mais cela inclut les contributions à la retraite.

L'école de spécialisation prévoit une période de médecine interne (souvent en service), des gardes en accompagnement des tuteurs et une rotation dans différents services cliniques. Après la spécialisation, il est possible d'accéder à un doctorat universitaire qui, malheureusement, est actuellement sous-payé (de mémoire, environ 1000 euros par mois). Cela freine considérablement l'accès aux doctorats, à la recherche clinique et aux carrières universitaires en Italie.

Pourriez-vous nous expliquer rapidement le système de santé ?

Le système de santé publique en Italie est universel et gratuit pour tous. Il n'y a pas de mutuelles, ni d'assurances obligatoires. Les prestations et les médicaments sont soumis à une très petite participation (appelée ticket) qui, dans la plupart des cas, est de quelques dizaines d'euros. Les interventions chirurgicales et les hospitalisations sont entièrement gratuites. Les traitements oncologiques sont entièrement gratuits. Les patients en-dessous d'un certain revenu ne paient rien, tout comme les patients atteints de maladies chroniques spécifiques ; ces derniers ne paient également pas les prestations de laboratoire, ambulatoires, d'imagerie, liées à leur maladie chronique. Les plus de 65 ans avec un faible revenu ne paient rien. Malheureusement, la santé publique en Italie traverse une période difficile, en raison du manque de personnel médical et infirmier et du faible financement de l'État (unique financeur direct du système), de sorte que les temps d'attente pour de nombreuses prestations, y compris urgentes, sont souvent très longs. En conséquence, une santé parallèle, privée mais soutenue par le système national (dite « conventionnée »), qui soutient la santé publique pour certaines prestations (à un coût non négligeable pour l'État), gagne du terrain. À ces deux formes de santé s'ajoute la santé complètement privée, entièrement à la charge du citoyen, à laquelle on peut cependant accéder également par le biais d'assurances privées (entièrement à la charge du citoyen) ou de fonds d'entreprise (à la charge des employeurs et en petite partie du travailleur) qui permettent l'accès à un coût très modéré à la santé privée, garantissant des temps d'attente très courts avec une qualité satisfaisante.

Quels sont les modèles d'exercice pour un endocrinologue dans votre pays ?

Les endocrinologues en Italie peuvent travailler dans différentes structures. Dans les hôpitaux publics, il existe très peu de services d'hospitalisation en endocrinologie, mais dans la plupart des cas, il y a des structures ambulatoires. Dans les hôpitaux universitaires, il y a souvent une hyperspécialisation avec des cliniques dédiées aux pathologies thyroïdiennes, hypophysaires, au diabète, à l'andrologie. Dans les petits hôpitaux et les cliniques sur le territoire, la seule division est entre l'endocrinologie générale et la diabétologie. Les endocrinologues peuvent également travailler dans des structures privées "conventionnées" et purement privées, toujours principalement en ambulatoire.

Comment exercez-vous ?

Personnellement, je travaille uniquement dans le secteur privé pur, dans deux cabinets multi-spécialités où travaillent également de nombreux autres spécialistes de différentes disciplines. Je m'occupe à la fois d'endocrinologie générale, de diabète et d'obésité. Je réalise des consultations d'environ 30-40 minutes, j'utilise une échographie principalement pour les échographies de la thyroïde, mais aussi pour une évaluation générale des carotides, des vaisseaux périphériques des membres inférieurs (chez les diabétiques) et du foie et de la vésicule biliaire en cas de suspicion de NASH et/ou de cholélithiase. Actuellement, je consacre une petite partie de mon temps à l'activité clinique car je travaille dans une CRO et je m'occupe de recherche clinique pharmaceutique dans le domaine endocrino-métabolique.

Quelles pathologies prenez-vous en charge ? Qu'est-ce qui est le plus fréquent ?

Je m'occupe principalement des maladies de la thyroïde et des parathyroïdes, du diabète de type 2, de l'obésité et du syndrome métabolique. Dans ce dernier domaine, je gère également les thérapies antihypertensives et hypolipémiantes en évaluant globalement le risque cardiovasculaire.

Y a-t-il des spécificités pour la prise en charge / remboursements des patients ?
Les patients peuvent-ils venir en consultation directement ou est-ce qu'il faut qu'il soit adressé ?

Les patients viennent me voir avec une prise directe de rendez-vous auprès du cabinet où je travaille. Dans la plupart des cas, ils sont orientés par les médecins de médecine générale ou par d'autres spécialistes (par exemple, cardiologues, diététiciens, néphrologues...). Pour les structures publiques, les patients doivent nécessairement accéder avec une demande formelle du médecin de médecine générale ou d'un autre spécialiste travaillant dans une structure publique. Si la demande est faite par un autre spécialiste privé, le patient doit quand même faire formaliser la demande par son médecin de médecine générale. L'accès direct du patient aux prestations publiques sans cette demande formelle n'est pas possible. Le patient peut accéder directement à la santé publique uniquement en cas d'urgence dans les services d'urgence (et même dans ce cas, en général, tout est totalement gratuit). Une fois le parcours diagnostique et thérapeutique établi, le patient est pris en charge par le médecin de famille avec des contrôles spécialisés à fréquence variable (dans la plupart des cas tous les 6-12 mois).

Quelles sont vos relations avec les autres spécialités ? et avec les autres endocrinologues ? (dans votre pays ou ailleurs)

Je travaille en étroite collaboration avec des diététiciens, des chirurgiens bariatriques, des endocrino-chirurgiens, des gynécologues (surtout dans le domaine du SOPK). Malheureusement, je n'ai pas de relations significatives avec des endocrinologues dans d'autres pays et je ne participe pas à des réunions périodiques qui ne sont pas obligatoires. En Italie, il est obligatoire de se mettre à jour en continu  ; chaque congrès et cours donne des crédits de formation et il y a un nombre minimum obligatoire de crédits à acquérir chaque année. Les cours qui attribuent des crédits sont à la fois des congrès nationaux et locaux, en présence ou à distance, et des cours de mise à jour (toujours en présence ou en ligne). La quantité de crédits est surtout liée à la durée du cours/congrès.

 

Une anecdote ou une spécificité ?

Une fois, lorsque je travaillais dans un centre pour l'obésité, j'ai examiné une patiente et, pendant que je recueillais son histoire clinique, elle m'a dit qu'elle avait eu une pancréatite aiguë quelques années auparavant. En enquêtant sur les causes de la pancréatite, elle m'a indiqué que la cause avait été d'avoir mangé jusqu'à un kilogramme de « porchetta » (un célèbre saucisson de porc très gras typique d'un pays proche de Rome) ! C'était le premier cas de pancréatite due à la « porchetta » de ma carrière.

 

 

YEMPABOU, endocrinologue au BURKINA FASO


Yempabou
Endocrinologue au Burkina Faso

Pouvez-vous nous parler un peu de vous ?

Yempabou, j'ai 41 ans. J'exerce au Burkina Faso, à Bobo-Dioulasso dans la 2ème ville du pays avec environ 900 000 habitants.

J'ai aimé l'endocrinologie à partir du cours sur la pathologie endocrinienne qui se faisait en 5ème année de médecine. Le cours était assuré par un médecin interniste car il n'y avait pas encore d'endocrinologue dans mon pays.

Quelles études pour exercer l'endocrinologie dans votre pays ?

Au Burkina Faso il y a 2 voies d'accès à la spécialité médicale (pour toutes les spécialités).

Pour la 1ère il faut d'abord valider 7 années d'études médicales générales sanctionnées par une soutenance de thèse de doctorat, puis exercer au moins 3 ans comme médecin généraliste dans la fonction publique avant d'être autorisé à passer le concours d'admission en 1ère année de spécialisation organisé par le ministère de la Santé et celui de la Fonction Publique. Dans ce cas la formation est entièrement prise en charge par le ministère pendant les 4 ans de spécialisation. L'alternative est de payer soi-même ses 4 ans de formation spécialisée après le doctorat.

La 2ème voie est de passer par le concours d'internat des hôpitaux à partir de la 6ème année de médecine et avant de soutenir sa thèse de doctorat. Ce concours permet de recruter chaque année 30 internes qui choisiront leur spécialité pour 4 ans. C'est cette 2ème voie que j'ai utilisé.

Mais la spécialisation en endocrinologie n'étant pas disponible dans mon pays, j'ai d'abord commencé par la médecine interne qui était disponible puis avec l'ouverture de la formation dans un pays voisin (le Mali) j'y suis allé faire mes 4 années d'études en endocrinologie. Puis après l'obtention du diplôme j'ai fait une année complémentaire à Paris en France.

J'ai néanmoins complété aussi parallèlement ma formation de 4 ans de spécialité en Médecine interne et obtenu le diplôme 1 an après l'endocrinologie.

Pourriez-vous nous expliquer rapidement le système de santé ?

Au Burkina Faso le système public de santé est organisé en 3 niveaux sous une forme pyramidale par le ministère de la Santé :

  • Le 1er niveau est le niveau de base avec des centres de santé primaire disponibles dans toutes les villes et villages. C'est la porte d'accès au système pour tout patient. Il n'y a pas de médecin dans ces centres qui sont gérés par des paramédicaux. Quand un patient nécessite des soins plus importants il est référé au niveau supérieur.
  • Le 2ème niveau est celui des centres médicaux et hôpitaux de district qui ne sont disponibles que dans les villes chefs lieu de provinces. Dans ces centres il y a des médecins généralistes et quelques spécialistes.
  • Le 3ème niveau est celui des centres hospitaliers régionaux qui sont implantés dans les chefs lieu de régions. Dans ces centres il y a beaucoup plus de spécialistes. Dans ce 3ème niveau se trouve aussi les hôpitaux universitaires qui ont vocation d'enseignement et de recherche.

Il y a également des cliniques privées qui sont classées dans le 2ème ou 3ème niveau.

Il n'y a pas encore de système de sécurité sociale pour tous, il est en train d'être mis en place. Pour le moment ce sont des assurances santé volontaires et des mutuelles. En dehors des affiliés, les patients payent pour avoir accès aux prestations de santé.

Quels sont les modèles d'exercice pour un endocrinologue dans votre pays ?

Les endocrinologues exercent dans les hôpitaux régionaux et universitaires et sont tous salariés. Certains exercent aussi en même temps dans des cliniques privées.

Comment exercez-vous ?

J'exerce dans un hôpital universitaire et j'enseigne en fac de médecine. Nous sommes 2 endocrinologues dans un service de médecine interne comprenant une dizaine de médecins.

Nous nous occupons à tour de rôle des patients hospitalisés (hospitalisation de semaine, il n'y a pas d'hospitalisation de jour). J'y ai 2 jours de consultation par semaine, le reste du temps est organisé entre les cours à la fac et les travaux de recherche. Les week-ends sont organisés des astreintes à tour de rôle avec les autres médecins du service.

Quelle pathologie prenez-vous en charge ? Qu'est-ce qui est le plus fréquent ?

Il s'agit le plus souvent du diabète et des pathologies thyroïdiennes, quelques fois hypophysaires et surrénaliennes. Nous prenons aussi en charge l'obésité avec un pool nutrition qui se met en place.

Le service dispose également d'un rhumatologue et d'un hématologue qui prennent en charge les pathologies concernées.

Y a-t-il des spécificités pour la prise en charge / remboursements des patients ?

Nous prenons en charge le diabète de l'enfant et de plus en plus de pathologies endocriniennes pédiatriques car il n'y a pas encore d'endocrinologue pédiatre. Pour combler le besoin je suis en train de terminer un master spécifique en endocrinologie pédiatrique.

Pour le diabète de l'enfant, l'insuline et le matériel de surveillance glycémique est offert gratuitement à tous les enfants et adolescents atteints et cela jusqu'à l'âge de 30 ans grâce à un partenariat avec l'ONG internationale Life For A Child.

Les patients peuvent-ils venir en consultation directement ou est-ce qu'il faut qu'il soit adressé ?

De façon générale les patients nous sont presque toujours adressés à partir des centres de santé de 1er ou 2ème niveau, ou alors à partir de la consultation de médecine générale disponible dans l'hôpital. Quelques fois ils sont adressés à partir d'un autre service de l'hôpital.

Quelles sont vos relations avec les autres spécialités ? et avec les autres endocrinologues ? (dans votre pays ou ailleurs)

Nous travaillons avec les autres spécialités car nous avons régulièrement des patients polypathologiques, essentiellement avec la médecine interne, la rhumatologie et l'hématologie car nous partageons le même service et les mêmes lits d'hospitalisation, mais aussi l'ORL, les urgences médicales, la chirurgie et l'imagerie.

Avec les autres endocrinologues nous avons les rencontres dans le cadre de la Société de Médecine Interne du Burkina Faso. De plus nous sommes régulièrement en contact pour certains avis médicaux ou certains travaux de recherche.

Avec les autres pays ce sont essentiellement les échanges lors des congrès scientifiques ou encore il m'arrive de leur adresser des patients qu'on ne peut pas prendre en charge au Burkina Faso ou encore des relations amicales.

 

Une anecdote ou une spécificité ?

L'endocrinologie est une spécialité encore peu connue au Burkina Faso et nous sommes le plus souvent assimilés aux médecins internistes ou même parfois nous sommes appelés diabétologues.

 

 

 

Publié le 17 juin 2024 à 13:55