Actualités : Aujourd’hui interne réserviste...

Publié le 06 févr. 2025 à 14:04
Article paru dans la revue « ISNAR - L'antidote . » / L'ANTIDOTE N°41

Un pas vers la médecine militaire

Je suis Johanna, interne en Médecine Générale et réserviste du service de santé des armées.

Tout a commencé lors de mon externat, quand j'ai choisi de suivre une unité d'enseignement optionnel (UEO) intitulée « Médecine des forces armées ». Bien plus qu'un simple cours (36 heures), c'est une fenêtre unique sur un univers méconnu qui m'a été offerte : celui des médecins militaires. Nous étions encouragés à découvrir les multiples facettes de ce métier, souvent perçu comme lointain, presque inaccessible. Mais pour moi, c'était plus qu'une curiosité, c'était un désir de comprendre un autre aspect de la médecine. Ces problématiques me semblaient importantes notamment dans un contexte d'attentats qui pesaient encore dans nos esprits.  La médecine de guerre ne se limitait plus aux théâtres d'opérations extérieurs mais pouvait s'inviter dans nos villes.

Un médecin militaire, c'est à la fois un médecin et un soldat. Il soigne en toutes circonstances, que ce soit en France ou sur les théâtres d'opération, lors de missions d'aide médicale aux populations ou en soutien médical d'activités à risque. Son rôle ne se limite pas aux urgences de guerre ; il accompagne, forme et protège ses camarades tout en veillant à leur santé physique et mentale dans les contextes les plus difficiles.

Véhicule de l'avant blindé, équivalent d'ambulance sur le terrain.

Ce qui m'a particulièrement marquée, c'est la manière dont la médecine militaire et civile peuvent s'enrichir mutuellement. La rigueur et la réactivité que l'on développe en situation militaire se révèlent être des atouts immenses dans la pratique civile. Face à l'urgence, les conditions extrêmes ou les ressources limitées, la médecine militaire nous pousse à faire preuve d'ingéniosité et de résilience, des compétences qui se transposent avec force dans les situations d'urgence hospitalière ou dans la gestion de crises sanitaires civiles.

À l'inverse, la médecine civile apporte à la pratique militaire une richesse de connaissances cliniques et un ancrage dans la diversité des pathologies que l'on rencontre au quotidien, loin des terrains de guerre. Cette complémentarité entre les deux univers permet de forger des médecins capables d'agir avec précision et humanité, quel que soit le contexte.

À l'issue de cette UEO, le Service de santé des armées (SSA) a proposé aux étudiants motivés de signer un contrat à servir dans la réserve. C'était une opportunité précieuse : intégrer la réserve opérationnelle, suivre des formations spécifiques, et se plonger dans la vie militaire. J'ai saisi cette chance. À la fin de ma troisième année de médecine, « j'ai signé ». Je suis devenue Johanna, aspirante médecin, « cadette de santé » du SSA.

-Médecine et Société 

Me voilà donc, fraîchement engagée, prête à affronter ma première formation militaire. Mon paquetage, plus grand et plus lourd que moi, était à la hauteur de mes émotions : tout semblait démesuré. Cette semaine de formation initiale a été une expérience intense. Entre découvertes et dépassements de soi. J'ai appris les bases de la vie militaire : la discipline, la topographie, le maniement des armes, le parcours d'obstacles… Mais surtout, j'ai compris que la cohésion, cette fraternité, était le cœur même de cette vie militaire.

Utilisation des transmissions radiofréquences militaires

De formation en formation, j'ai découvert bien plus que mes capacités physiques. J'ai été confrontée à mes propres limites mentales, et j'ai appris à les repousser. La résilience est devenue un maître-mot. J'ai compris que sortir de sa zone de confort, c'est aussi apprendre à se respecter et à se faire respecter, tout en restant profondément connectée à mes camarades de terrain.

Cette vie de réserviste m'a permis de mûrir, et mon caractère s'est affirmé encore davantage dans la droiture et la justice. La discipline acquise dans ce cadre fait aujourd'hui partie intégrante de ma vie civile ainsi que de mes activités annexes. Je suis « carrée » dans ce que j'entreprends, et cette rigueur me permet de donner le maximum de moi-même, quel que soit le contexte.

Ces formations intenses, où l'on partage à la fois l'effort et parfois la souffrance, ont créé des liens profonds. Certaines des personnes rencontrées lors de ces semaines éprouvantes sont devenues bien plus que des camarades : elles sont aujourd'hui des amis proches. Ensemble, nous avons traversé des moments de doute, de fatigue, et c'est dans ces épreuves que j'ai découvert de belles choses. Dans la difficulté, on trouve souvent la force, l'entraide et cette solidarité indéfectible qui nous porte tous.

Parlons des formations : entre cours de vie militaire, exercices physiques exigeants et initiation au maniement des armes, j'ai développé des compétences qui vont bien au-delà du domaine médical. J'ai appris à lire une carte, à utiliser les transmissions, à me repérer dans des environnements inconnus – des savoir-faire qui renforcent la confiance en soi et sa capacité à gérer des situations complexes. Ces apprentissages nous ouvrent l'esprit et améliorent notre adaptabilité face à des environnements variés et souvent imprévus.

Réalisation de parcours du combattant

-Médecine et Société

Mais l'un des aspects les plus marquants reste la partie spécifique au SSA : le sauvetage au combat. Nous y apprenons les règles de triage et les protocoles de médecine de guerre, essentiels pour intervenir en milieu hostile ou lors de situations sanitaires exceptionnelles. Ces enseignements ne sont pas uniquement techniques ; ils nous forgent également mentalement, en nous préparant à prendre des décisions cruciales sous pression.

Peut-être qu'une formation complémentaire en médecine de guerre ou en gestion de crises sanitaires viendra enrichir encore mon parcours. Qui sait ? Ce chemin, entre médecine civile et militaire, continue de m'ouvrir des perspectives nouvelles, toujours guidées par l'envie d'apporter le meilleur soin, quel que soit le contexte.

Puis un jour les rôles se sont inversés. J'ai rejoint l'équipe encadrante des formations que j'avais moi même suivies. Cette bascule de l'autre côté du miroir a été l'une des plus grandes fiertés de mon parcours. Aujourd'hui, j'éprouve un immense plaisir à transmettre ce que l'on m'a si patiemment enseigné lors de mes débuts. Je guide, j'écoute, je soutiens, mais je forme aussi. Je transmets ces valeurs qui m'ont donné envie de m'engager, espérant, à mon tour, susciter des vocations.

Mon aventure ne s'arrête pas là. J'ai eu l'honneur de participer à de nombreux soutiens médicaux, à des visites d'aptitudes en antenne médicale, et même à des opérations de rayonnement et de recrutement. J'ai défilé lors de commémorations et chaque jour je continue d'accompagner les générations futures qui, je l'espère, trouveront dans cet engagement la même passion qui m'a animée.

Aujourd'hui, je suis interne en Médecine Générale à Dijon, interne des hôpitaux des armées (lieutenant) cumulant les fonctions de formatrice pour le SSA et référente des Cadets de santé de Marseille, ma ville d'origine.

Et demain ? Je rêve d'aller plus loin. De partir en opérations extérieures, de me former davantage, et pourquoi pas, un jour, intégrer pleinement cette armée qui m'a tant apporté.

Publié le 06 févr. 2025 à 14:04