Association between wait time and 30-day mortality in adults undergoing hip fracture surgery

Publié le 17 May 2022 à 12:54


Intérêt de l’article : Alors que le délai de prise en charge chirurgicale d’une fracture du fémur a été relié à la mortalité et qu’il est utilisé comme un indicateur de qualité des soins par tous, des controverses existent quant au temps d’attente qui conduit à la survenue de complications.

Introduction
Prendre en charge rapidement une fracture de l’extrémité supérieure du fémur par chirurgie, dans un contexte d’incidence croissante, nécessite une organisation complexe avec des horaires d’ouverture de bloc opératoire étendus, y compris nocturnes. Pourtant, le délai chirurgical à une morbi-mortalité optimale reste sujet à controverse et aucun délai « seuil » empirique n’a été retenu pour l’heure de façon formelle. Les guidelines canadiennes recommandent un délai de chirurgie dans les 48 heures, l’indicateur de qualité des soins au Royaume Uni est fixé à 36h avec une adhésion variant de 14,7 à 95,3 % selon les hôpitaux. De plus, le délai moyen d’attente est estimé dans les études en jour et non en heures ne permettant pas d’apprécier quel délai est précisément acceptable.

L’objectif de ce travail de recherche était d’établir un seuil d’attente chirurgical en heures au-delà duquel le risque de complications augmente.

Méthodes
Critères d’inclusion : tout adulte bénéficiant d’une chirurgie de fracture de hanche dans la province de l’Ontario au Canada, entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2014.

Cette cohorte a été issue de bases de données administratives canadiennes où sont collectées différentes informations sociodémographiques.

Critères d’exclusion : patients ne résidant pas en Ontorio, décès survenant pendant l’hospitalisation, patients ayant déjà présenté une fracture fémorale (après 2002) et patients dont l’heure exacte d’arrivée aux urgences était inconnue. Les fractures survenant chez l’adulte de moins de 45 ans, celles opérées par un chirurgien autre qu’orthopédique et celles survenues durant le séjour hospitalier ont été exclues car considérées non représentatives

Données recueillies :

  • Temps d’attente avant chirurgie défini par le temps total en heure entre l’admission aux urgences et l’entrée au bloc opératoire.
  • Recueil des caractéristiques pouvant expliquer les variations de mortalité après fracture de hanche : âge, sexe, comorbidités (évalués par 3 échelles : score de Charlson, John Hopkins CADG et relevé de comorbidités spécifiques telles que la fragilité, le diabète…).
  • Considération des pathologies possiblement associées au délai de consultation hospitalière : cancer osseux, fractures multiples…
  • Type de fracture, type de prothèse, temps d’intervention, caractéristiques du centre hospitalier (universitaire ou non, nombre de lits) et du chirurgien (nombre d’intervention annuelle…).

Critère de jugement principal : mortalité dans les 30 jours suivant l’admission aux urgences.

Critères de jugement secondaires :

  • Mortalité dans les 90 jours et dans l’année suivant l’admission aux urgences.
  • Survenue de complications médicales (infarctus, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, pneumopathie) et chirurgicales (descellement ou retrait de matériel) dans les 30, 90 et 365 jours.

Résultats

  • 42 230 patients inclus, opérés par 522 chirurgiens orthopédiques dans 72 hôpitaux différents.
    • Moyenne d’âge 80,1 ans (± 10,7), 70,5 % de femmes, délai chirurgical moyen 38,8 heures (± 28,8).
  • Les différents modèles ajustés modélisent un délai de 24 heures au-delà duquel le risque de complication médicale commence à augmenter. Le délai d’attente ne semble pas importer en revanche dans la survenue de complications chirurgicales.
    Considérant ce délai, le seuil de 24 heures a été choisi pour constituer un groupe « chirurgie précoce » (< 24 heures) et un groupe « chirurgie tardive » (> 24 heures).
  • Les patients ayant bénéficié d’une « chirurgie tardive » (n = 28 056 patients, 66,4 %) :
    - Étaient significativement plus fréquemment des hommes, présentaient plusieurs comorbidités, provenaient d’un EHPAD et étaient opérés au sein d’un centre hospitalier universitaire ou d’un centre hospitalier réalisant beaucoup d’actes.
  • Comparaison des deux groupes après appariement (13 731 patients dans chaque groupe) afin d’en extraire les facteurs de risque associés à un délai chirurgical supérieur à 24h :

Une chirurgie tardive au-delà de 24 heures augmenterait la mortalité à 30 jours avec une augmentation du risque absolu de 0.79 % (6.5 % vs 5.8 %).
Plusieurs variables analysées comme critères secondaires sont ressorties avec une différence statistiquement significative entre les deux groupes : la chirurgie tardive s’accompagne d’un excès de pneumonie, d’infarctus du myocarde, d’embolie pulmonaire…

Conclusion
Après survenue d’une fracture du col fémoral, le délai d’accès à une chirurgie orthopédique est associé à un excès de risque de mortalité à 30 jours et à d’autres complications. Un seuil de 24 heures semble pouvoir être défini comme à haut risque de complications.

Considérant que 2/3 des patients ne bénéficient pas d’une chirurgie de fracture de col dans les 24 heures, une amélioration des performances est à travailler

L’avis du jeune gériatre
Ce travail de recherche a inclus des patients d’une moyenne d’âge de 80 ans, poly pathologiques pour la plupart (20 % avaient un Charlson > 3), rendant les résultats transposables aux personnes que nous voyons chaque jour dans nos services. Les données de mortalité sont recueillies jusqu’à 1 an, nous donnant des résultats de pronostic à long terme d’une chirurgie précoce.

Il manque cependant des données sur la récupération fonctionnelle selon le délai chirurgical ou encore la fréquence des confusions post-opératoires dans les deux groupes, qui intéresseraient fortement le gériatre. De plus, il serait intéressant de savoir quel profil bénéficie le plus d’une chirurgie précoce : la personne âgée fragile ne gagnerait-elle pas à une chirurgie un peu plus préparée (correction d’une dénutrition, de désordres métaboliques …) donc avec un peu plus de délai, par rapport à la personne âgée robuste ? Le design de l’étude, avec recueil rétrospectif de données, ne se prêtait pas à un tel objectif mais une recherche de ce type aurait tout son sens.

Quelles recommandations actuellement en France ?
Les recommandations émises dans le document édité par la HAS intitulé « Orthogériatrie et fracture de la hanche », mis au point par la SOFCOT (Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique) et la SFGG (Société Française de Gériatrie et Gérontologie), sont probablement les plus intéressantes à lire. Le délai d’intervention chirurgical recommandé, en situation stable, est fixé à 24-48h.

Ce guide est aussi très intéressant à lire pour les recommandations pré et post-opératoires qu’il fournit.

> https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-10/orthogeriatrie_et_fracture_de_la_hanche_-_note_methodologique.pdf

Guillaume DUCHER
Pour l’Association des Jeunes Gériatres

Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°20

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