Article thématique - BPCO GOLD 2023 - quels changements en pratique dans la prise en charge de nos patients âgés avec une BPCO ?

Publié le 30 Aug 2024 à 07:01
Article paru dans la revue « AJG / La Gazette du jeune gériatre » / AJG N°36


En 2023, une mise au point sur le traitement de fond de la BPCO a été réalisée par le rapport Global initiative for chronic Obstructive Lung Disease (GOLD).
Nous vous proposons de présenter les évolutions thérapeutiques grâce à l'interview d'Antoine Moui, chef de clinique en pneumologie au CHU de Nantes, par Jérémie HUET, gériatre.
Le rapport est disponible à l'adresse suivante : https://goldcopd.org/2023-gold-report-2/

JH : Bonjour Antoine, veux-tu te présenter ?
AM : Bonjour Jérémie ! Je suis le Dr Antoine Moui, un des pneumologues au CHU de Nantes, j'en suis actuellement à ma quatrième année de clinicat. 

JH : On va évoquer la BPCO et les changements apportés par les récentes recommandations GOLD. Celles-ci ont été beaucoup commentées récemment, quel a été l'impact réel dans votre pratique. As-tu une remarque de préambule déjà ? 
AM : Oui, déjà il faut faire attention : ce ne sont pas des recommandations, c'est un rapport fait par des experts internationaux. Mais la confusion est en effet vite faite. 

Il y a la même chose dans l'asthme avec le GINA. 

Chaque année, le groupe GOLD («  Global Initiative for chronic Obstructive Lung Disease ») fait des propositions de prise en charge basées sur un rationnel scientifique qui est assez solide, généralement, mais qui peut être biaisé par certaines études financées par des laboratoires. C'est pour ça que parfois on peut voir des distinctions entre le rapport GOLD et les recommandations françaises ou un décalage temporel dans l'adoption du nouveau rationnel. 

JH : Merci pour cette précision. Si je comprends bien, historiquement dans la BPCO au départ, le traitement était surtout classé sur la sévérité en lien avec le VEMS. Et progressivement ça s'est décalé à deux phénotypes différents entre les exacerbateurs et les dyspnéiques. 
AM : Oui, ce qui a changé là en 2023 c'est surtout qu'il y a eu une simplification aussi de la classification des groupes de patients. Avec la disparition des phénotypes C et D (exacerbateurs) au profit d'un seul profil E. Je trouve que ça simplifie la ligne de conduite.

Maintenant, c'est vrai que dans ces classifications-là, on ne parle même plus du VEMS, tu as raison. Nous, en pratique, on continue quand même à y prêter attention. Quand on parle de BPCO, on aime bien dire si le trouble ventilatoire est léger ou très sévère. 

Et puis, ils ré-insistent sur une notion qui est assez importante et qu'on retrouve aussi dans les rapports du GINA, c'est la notion de ne pas hésiter à décroître le traitement inhalé. 

Et justement, si on part vraiment plus sur l'aspect gériatrie, ce que je trouve surtout intéressant, c'est de s'intéresser un peu aux dispositifs de traitement. Il faut vraiment évaluer la prise de nos patients et choisir la forme la plus adaptée : par exemple, en une seule prise par jour c'est le mieux. 

JH : En gériatrie, on a souvent des patients qui viennent pour une exacerbation de BPCO. Les autres sont plus des patients de consultation de pneumologie j'imagine. Quel traitement faut-il leur proposer à la sortie ? 
AM : Oui en effet, le plus important à retenir pour les patients gériatriques, c'est d'évoquer la question suivante : « que proposer comme traitement à un patient non traité faisant une exacerbation de BPCO ? ».

Pour ça, les recommandations sont assez simplifiées. Ils nous disent bien qu'il faut vraiment une double bronchodilatation d'emblée. Il ne faut pas avoir peur d'initier d'emblée un traitement assez coriace, on va dire, avec d'emblée deux bronchodilatateurs. Dans le passé, on disait de faire un, puis deux, puis peut-être un corticoïde en plus. Ce rapport simplifie cette donnée : double bronchodilatateur d'emblée.

JH : Cela correspond au « LABA-LAMA » évoqué dans le rapport ? 
AM : Oui, c'est classiquement l'Ultibro®, qu'on prescrit beaucoup. Attention chez la personne âgée, il faut surveiller la technique de prise. L'avantage de ce traitement est la prise en une fois par jour qui sécurise l'adhésion au traitement. 

JH : On a l'impression que les corticostéroïdes inhalés (CSI) ont moins de place dans ce nouveau rapport ? 
AM : Oui, effectivement, parce qu'on sait surtout que les prescrire à tort augmente quand même le risque de pneumopathie. Donc attention, surtout chez les personnes âgées. 

Néanmoins, il a été démontré que chez les patients avec, en revanche, un phénotype d'inflammation plutôt T2, représenté par des éosinophiles à plus de 300 dans le sang, l'ajout d'un CSI avait un impact vraiment très bénéfique sur la réduction des risques d'hospitalisation et d'exacerbation. Et ça c'est quelque chose qui est repris aussi par les recommandations françaises.

JH : Donc, pour ces patients-là, c'est une tri-thérapie d'emblée qui est recommandée ?
AM : Oui. Et si on reparle de dispositif, c'est vrai qu'à Nantes on utilise beaucoup le Trimbow®, encore plus chez les personnes âgées puisqu'il a pour avantage de pouvoir se prendre avec une chambre d'inhalation et de faciliter la technique de prise. Donc même si c'est 2 fois par jour matin et soir, le traitement est correctement pris. 

L'autre trithérapie qui peut être utilisée chez la personne âgée, vous en entendrez parler, c'est le Trixeo® qui a l'avantage de se prendre en une fois par jour. Il peut aussi être pris en chambre d'inhalation.

Enfin, vous pouvez entendre parler du Trelegy® qui est plutôt une poudre, plus difficile à prendre.

JH : Donc, ce rapport-là sonne quand même un peu le glas du SERETIDE® (LABA + CSI) largement répandu chez nos patients âgés ? 
AM : C'est sûr que dans les recommandations françaises et dans le rapport, ils disent bien que l'association corticostéroïde inhalé + bronchodilatateur de longue durée d'action n'a plus sa place. L'accent est mis sur la double bronchodilatation d'emblée +/- CSI.

C'est la grosse différence avec tous les patients asthmatiques. 

JH : Et donc tu recommanderais d'arrêter complètement le SERETIDE® chez nos patients gériatriques ?
AM : Alors, déjà, il faut vraiment être sûr du diagnostic respiratoire parce que parfois, surtout chez la personne âgée, avoir des EFR interprétables, ce n'est pas facile. Est-ce que c'est un asthme qui récidive ou est-ce que c'est vraiment une BPCO ? Ce n'est pas toujours simple. Pour ces formes un peu frontières, on est quand même assez tenté parfois de mettre corticoïde inhalé + bronchodilatateur dans le doute, on va dire. Donc parfois, on laisse ça si on n'est pas sûr de nous. Mais si on est sûr que c'est un patient uniquement BPCO, oui, à mon sens, il est plus légitime de remplacer par une double bronchodilatation avec cette arrière-pensée de diminuer le risque de pneumopathie. 

JH : Merci pour cette clarification. En parlant de co-pathologies, j'ai lu qu'il y avait 30 % de bronchectasies tout de même chez les patients BPCO, est-ce que ça change quelque chose concrètement au traitement ? 
AM : Alors, au traitement inhalé, non. Mais sur l'importance de la kinésithérapie respiratoire, oui. Celle-ci doit être intensive pour favoriser le désencombrement bronchique en cas de dilatation de bronche surajoutées. 

Chez ces patients-là aussi, on donne un peu plus d'importance à l'examen des crachats pour rechercher des bactéries courantes mais également des mycobactéries. Et puis vaccin pour tous bien sûr.

JH : Of course ! Pour finir, quelle place du scanner thoracique en dépistage ? 
AM : Bonne question ! En effet, le rapport du GOLD recommande un scanner thoracique tous les ans pour dépister le cancer du poumon. En France, ce n'est pas du tout acté. 

En revanche, effectivement, un scanner thoracique est réalisé d'emblée initialement à tous les patients BPCO récemment diagnostiqués. Le but est de rechercher des dilatations de bronches passées inaperçues. Et surtout, éliminer une néoplasie sous-jacente débutante. Le scanner thoracique a sa place dans le début de la prise en charge ; mais dans le suivi, il est probablement plus raisonnable d'adapter au cas par cas. Si les patients exacerbent beaucoup, on va quand même se poser la question de quelque chose en plus. 

JH : Ok, c'est très clair. Merci beaucoup pour toutes ces réponses Antoine et à bientôt !
AM : À plus !

Pour l'Association des Jeunes Gériatres 
Dr Antoine MOUI 
Chef de clinique en pneumologie 
CHU de Nantes

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