Améliorer la qualité de vie des patients en les aidant à grandir le plus droit possible

Publié le 15 Nov 2022 à 14:21

Interview

Dr Eric Nectoux, 41 ans, est maître de conférences et praticien hospitalier au CHU de Lille en chirurgie infantile, spécialisé en orthopédie et traumatologie de l’enfant. Il raconte son itinéraire à la revue du CNJC.

Êtes-vous tombé dans la chirurgie depuis tout petit ?

Eric Nectoux.Non. J’avais envisagé de faire de la médecine générale au début de mes études, à Strasbourg en 1997. Je n’ai pas de médecins dans ma famille et mon médecin traitant m’avait impressionné par ses qualités humaines, sa gentillesse et son écoute pendant mon adolescence.

Pourtant, à la faveur d’un stage en 4e année de médecine, ma rencontre avec le Pr Paul Sauvage et le Pr François Becmeur m’a ouvert les yeux : « c’est pas toi qui choisit la pédiatrie, c’est la pédiatrie qui te choisit ». Finalement, j’ai choisi la chirurgie infantile à l’ECN, ainsi que Lille comme ville de spécialité. Depuis, je constate tous les jours à quel point le courant passe bien avec les enfants !

Comment un interne choisit la chirurgie orthopédique ?

E.N.Durant mon internat, je me suis d’abord intéressé à la chirurgie infantile viscérale. Et puis finalement, j’ai adoré mon stage d’orthopédie, et je me suis progressiement tourné vers l’orthopédie infantile. Le choix de la chirurgie d’abord, de la pédiatrie ensuite, et de l’orthopédie au final s’est donc fait de manière progressive en fonction des belles rencontres humaines que j’ai eu la chance de faire. En revanche, je n’ai plus jamais douté de mon choix de spécialité par la suite. Améliorer la qualité de vie des patients en les aidant à grandir le plus droit possible, ça leur sauve tout le reste de leur vie et c’est extrêmement gratifiant.

Qu’est-ce qui est le plus difficile en pédiatrie ?

E.N.Beaucoup de gens me disent « ça doit être dur d’opérer des enfants ». Je trouve que la chirurgie ce n’est pas le plus compliqué. Acquérir un savoir être auprès de l’enfant et de sa famille, renseigner, informer les parents, ça c’est compliqué ! On comprend vite que contrairement aux spécialités d’adultes, ceux qui donnent leur accord pour l’intervention ne sont pas ceux qui vont en vivre les conséquences, et il faut apprendre à rassurer tout autant l’enfant que son environnement familial. Gérer la maltraitance infantile, c’est également très difficile car il faut apprendre à ne pas se laisser emporter par ses émotions, pour garder un œil médical, porter les bonnes indications, apporter le bon soin à l’enfant maltraité sans rentrer dans le jugement de la situation qui ne nous appartient pas.

Pourquoi vous tourner vers l’enseignement ?

E.N.Avant d’être MCU-PH, j’ai été praticien hospitalier universitaire en 2012. Mon chef de service le Pr Herbaux m’avait progressivement confié beaucoup de ses enseignements médicaux et paramédicaux et je me suis vite rendu compte que j’avais des bons retours, j’y ai alors pris de plus en plus de plaisir. J’étais surpris qu’on me remercie parfois pour tel ou tel enseignement, en général parce que c’était vécu comme un bon moment, animé, et parce que j’avais l’air d’aimer enseigner. J’ai eu la chance de pouvoir bénéficier d’enseignements de qualité, et c’est avec plaisir que je transmets cette chance aux plus jeunes. Que ce soit en amphi, ou au bloc pour apprendre le geste chirurgical aux plus jeunes, c’est toujours l’esprit du compagnonnage qui me guide, car je suis convaincu que c’est l’aspect le plus important de notre métier. Quand j’invite les externes au café, je leur explique toujours qu’ils ne me doivent rien, à eux de payer le café à leurs externes quand ils seront à ma place.

Que pensez-vous de l’évolution de la formation des internes ?

Cette évolution a permis enfin une bonne prise en compte des temps de repos. Je ne souhaite pas aux plus jeunes certaines situations que j’ai vécues pendant mon internat, à consulter 80 patients en lendemain de nuit blanche... Pour autant, leur expérience sera d’autant réduite à la fin de leur formation, ce qui nécessite d’autant plus de compagnonnage au début de leur parcours de Docteur Junior. Même si la formation s’oriente de plus en plus vers le virtuel, en webinaire comme sur mannequin, je suis persuadé qu’il reste encore (et qu’il doit rester !!!) une place énorme pour l’humain, le compagnonnage, ce qui fait de notre métier un métier si formidable et si riche !

3 questions à Antoine, en 4e années de médecine à Lille

Antoine est actuellement en stage en chirurgie infantile au CHU de Lille. Il se confie sur son désir de devenir chirurgien et la pression du choix de la spécialité aux ECN.

En chirurgie, quelle spécialité t’attire le plus ? Aujourd’hui, la spécialité qui m’intéresse le plus est la chirurgie orthopédique. C’est grâce à la rencontre d’un chirurgien qui, lors d’un stage, m’a ouvert les portes de sa spécialité. Il m’a accueilli même en dehors des horaires de stages, quand je le souhaitais et ça dès ma deuxième année. Ensuite, c’est en assistant à plusieurs blocs opératoires que j’ai été attiré par les techniques utilisées, les outils et surtout par l’ambiance. À côté de ça, la chirurgie pédiatrique m’intéresse aussi beaucoup tout simplement pour l’enfant.

Les externes sont-ils bien accompagnés dans le choix de leur spé ?

À Lille, nous avons surtout la chance d’avoir un CHU juste en face, il suffit de traverser la rue pour aller poser nos questions. Nous avons aussi un journal tenu par des étudiants avec des interviews de médecins concernant leur spécialité. En dehors de la faculté, de plus en plus de médecins sont présents sur les réseaux sociaux. Je pense par exemple à La Martingale sur Instagram qui organise des IgTV où les internes sont invités à discuter de leur spécialité.

Si le choix de la spé est avant tout un travail personnel, on n’accompagne jamais assez un étudiant, surtout en chirurgie dont les stages sont peu accessibles aux plus jeunes du fait de l’exigence attendue.

Comment vis-tu les ECN ?

C’est assez angoissant. On a peur de faire le mauvais choix, de prendre le mauvais chemin. Je sais que la spécialité que l’on désire n’est pas une fin en soi. Après avoir discuté avec plusieurs médecins, je me suis rendu compte que certains se sont complètement trouvés dans une spécialité qu’ils ne visaient pas initialement. Cela aide à prendre un peu de recul.

Propos recueillis par Marion CLAEYS

Article paru dans la revue “ Les Jeunes Chirurgiens” / CNJC n°1

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