Alexis savigny, médecin du stade français rugby

Publié le 11 May 2022 à 15:35

« Rendre des comptes aux joueurs, à l’entraîneur »

INTERVIEW

H.- Comment êtes-vous devenu le médecin du Stade français ?
Alexis Savigny.- Je connaissais le milieu du rugby car j’étais joueur. Je n’ai jamais arrêté de jouer y compris pendant mes études de médecine, en 1ère division au Racing club de France puis au PUC, Paris Université Club, jusqu’en 1998. En 1999, ce fut mon premier poste en tant que PH médecin urgentiste. En 2000 et 2001, j’ai passé une capacité de médecine du sport et un DU en traumatologie du sport puis en nutrition du sportif et je me suis installé en libéral en médecine du sport en 2001, tout en continuant les urgences. La même année, j’ai eu une opportunité : le médecin du Stade français partait au PSG foot. Comme je connaissais déjà l’équipe, ils ont fait appel à moi. C’est ainsi que suis médecin responsable du staff médical du Stade français rugby depuis juillet 2001.

H.- Vous êtes-vous alors entièrement consacré au Stade français ?
A.S.- Non, je suis resté à mi-temps aux urgences jusqu’en 2005 mais cela devenait compliqué. Aujourd’hui, je consacre deux tiers de mon temps au Stade en préservant quatre demi-journées en semaine pour des consultations en médecine et traumatologie du sport sur Paris.

H.- Est-ce facile de rentrer comme médecin du sport au sein d’équipes de haut niveau ?
A.S.- Non, les places sont chères et la rémunération n’est pas toujours très élevée, cela dépend beaucoup du niveau de l’équipe. Il y a aussi beaucoup de turn-over dans le métier liés à des conditions de travail très exigeantes. Car il ne suffit pas d’être compétent, et il faut l’être, en tant que médecin nous avons des comptes à rendre aux joueurs, à l’entraîneur, au président du club…

H.- Quel est votre quotidien ?
A.S.- Les lundis je consulte les rugbymen qui ont joué le match de la veille. En cas de blessures, je prends rendez-vous pour les examens complémentaires puis je les vois et je définis la période d’arrêt en fonction de la blessure avec le joueur. J’en avertis le coach autour d’une réunion bihebdomadaire afin qu’il puisse organiser son équipe. Toutes les semaines, je fais aussi le point sur les « anciens » blessés avec le reste de l’équipe médicale et j’organise tous les rendez-vous de santé des joueurs pour leur suivi « ordinaire » en dermato, en ophtalmo, en ORL, etc. Nous nous réunissons également avec les entraîneurs pour optimiser les performances en ciblant tel ou tel exercice pour gagner en vitesse, en puissance ou en précision selon les blessures.

H.- Quels sont les traumatismes auxquels les joueurs du Stade français sont exposés ?
A.S.- Les blessures en rugby sont multiples car ils pratiquent beaucoup de sports différents au sein du seul rugby : des micro traumatismes comme en athlétisme ou en musculation et des macro traumatismes type AVP dans le sens où l’on voit à la fois des traumas facials, des commotions cérébrales ou des fractures. Au vu du rythme imposé à l’organisme, nous sommes aussi face à des risques de surmenage. En pleine saison, par exemple, la prise de sang de certains joueurs est proche de celle d’un enfant, déficitaire au niveau des défenses immunitaires… 

H.- Qu’en est-il de la prévention des commotions cérébrales ?
A.S.- Avec le docteur Chermann, nous avons été les premiers à tirer la sonnette d’alarme en mettant en place un protocole médical actualisé, les dernières règles datant de 1972. Le premier a en avoir bénéficié fut Christophe Dominici en 2004. Je m’en souviendrai toujours. Il avait reçu un coup de poing à l’arrière de la nuque lors d’un match en Italie. Il était K.O pendant deux minutes trente. Les examens passés en Italie n’avaient rien montré. De retour en France, nous lui avons fait passer des tests pour conclure à une commotion cérébrale avec un temps de repos imposé puis un protocole de reprise du sport : c’était les débuts des protocoles commotion. Aujourd’hui, nous faisons systématiquement passer des tests psycho- cognitifs à nos joueurs en début de saison. En cas de commotion cérébrale, tant que les tests ne sont pas équivalents, ils ne repartent pas sur le terrain.

Nous avons été les premiers à mettre en place un protocole médical actualisé.

Médecin hospitalier… chez le patient
Yann Barthélémy, jeune praticien, est médecin coordonnateur de l’HAD du CHU de Grenoble Alpes. Il fait équipe avec Virginie Broussoux, interne en médecine générale qui passe son stage de 5e semestre au sein de ce service hospitalier particulier qu’est l’hospitalisation à domicile.

Virginie Broussoux
Interne en médecine générale

H.- Comment avez-vous connu l’HAD ?
Virginie Broussoux.-
Un peu par hasard… Suite à ma grossesse, je ne pouvais pas faire un stage en médecine de ville car je devais être en surnombre sur un stage hospitalier.

H.- Connaissiez-vous l’HAD avant le stage ?
V.B.- Très peu ! Je ne me souviens pas de cours ou de mention de l’HAD lors de mes études médicales. Au cours de tous mes stages, en externat ou en internat, l’HAD n’a été évoquée qu’une seule fois. C’était en pédiatrie car je devais organiser le retour à domicile d’un enfant souffrant d’une pyélonéphrite chez qui il fallait poursuivre un traitement antibiotique intraveineux. Aujourd’hui, je me dis que nous manquons encore d’informations sur les possibilités qu’offre l’HAD, y compris les médecins traitants en activité ! Pourtant, ce dispositif pourrait les soulager dans le suivi des patients complexes.

H.- En quoi ce stage a-t-il fait évoluer votre pratique médicale ?
V.B.- J’ai appris à gérer les visites à domicile pour des patients aux pathologies complexes. J’ai découvert aussi le travail en équipe avec le médecin traitant et les autres professionnels de santé. De façon plus globale je connais désormais le fonctionnement de l’HAD, quelles prises en charge peuvent y être proposées mais aussi les limites, en particulier sur le plan psycho- social. En effet, j’ai été confronté à des prises en charge techniquement réalisables pour lesquelles le patient et/ou sa famille s’oppose au retour à domicile pour différents motifs (isolement, manque de ressources, appréhension…). Ces connaissances me seront utiles dans l’exercice de la médecine générale.

Yann Barthélémy
Médecin coordonnateur de l’HAD du CHU de Grenoble Alpes.

H.- Quel est votre rôle en tant que médecin coordonnateur de l’HAD ?
Yann Barthélémy.- Il n’y a pas de modèle unique de service d’hospitalisation à domicile. Le rôle du médecin coordonnateur peut donc être différent d’une HAD à une autre. En tant que médecin hospitalier, j’évalue le patient avant qu’il ne rentre en HAD et je définis son projet de soins avec le médecin traitant et avec le spécialiste si le patient était déjà hospitalisé. Je réalise un suivi du patient durant son séjour en HAD, conjointement avec son médecin traitant et les éventuels spécialistes. Je prononce les décisions de sortie.

H.- Quels sont les pathologies traitées en HAD ?
Y.B.- Elles sont très variées ! Il y a une grande part d’oncologie, que ce soient des chimiothérapies, des soins palliatifs ou une fin de vie à domicile. En HAD, nous réalisons aussi des pansements lourds et complexes ou avec aspiration active par pression négative, des alimentations artificielles, des traitements hospitaliers…

H.- Quelles sont les spécificités de l'HAD ?
Y.B.- Le rôle propre de l’HAD est de réaliser des prises en charge de nature hospitalières (complexité, technicité…) au domicile du patient. Pour cela, nous réalisons une prise en charge globale du patient. Nous travaillons en pluridisciplinarité avec notamment des assistantes sociales, des psychologues, des kinésithérapeutes, des diététiciennes… Les différents professionnels interviennent au domicile du patient et nous réalisons des staffs hebdomadaires pour le suivi.

H.- Pourquoi accueillir des internes en stage à l’HAD ?
Y.B.- C’est très enrichissant pour les internes en médecine générale qui découvrent ainsi les visites à domicile de patients aux pathologies lourdes et complexes. Il y a aussi le rapport au patient qui change. Si à l’hôpital le patient se retrouve seul face à une équipe médicale, là c’est l’inverse ! C’est nous qui sommes seul face au patient, à sa famille et à leur environnement.

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°18

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