Actualité réforme : Lettre ouverte du syndicat à charlotte LECOCQ

Publié le 30 May 2022 à 16:17

Madame la Députée

Mesdames et Messieurs les députés porteurs de la résolution nº 3090 appelant à faire de la France l’un des pays les plus performants en matière de santé au travail.

Madame Charlotte Lecocq et les députés signataires de la résolution n°3090 appellent à moderniser notre système de prévention de la santé au travail.

Cette résolution réveille les projets de réforme de la santé au travail en France que Madame Lecocq a elle-même portés dans un rapport remis il y a bientôt 2 ans.

Ses préconisations étaient au sens propre révolutionnaires bouleversant l’ordre établi.

Ce projet de réforme a fait l’objet d’intenses négociations entre les partenaires sociaux au sein du Groupement Permanent d’Orientation du CNOCT. Cette négociation n’a pas abouti.

Un rapport de l’IGAS concernant l’évaluation des services rendus par les services de santé au travail associé au constat de l’implication « contrastée » des mêmes Services de Santé au Travail dans la gestion de la crise sanitaire majeure induite par la COVID 19 (certains Services de Santé au Travail ont dû se faire tirer l’oreille par la DIRECCTE pour sortir de la torpeur du chômage partiel imposé à leurs propres équipes médico-professionnelles) ont remis la réforme de la santé au travail sur les rails.

Ces événements ont remis en réalité le SPECTRE de la réforme de la santé au travail pour PRESANSE (structure non paritaire qui représente la partie patronale de la branche des Services Interentreprises de Santé au travail.).

PRESANSE développe un intense lobbying depuis la sortie du Rapport LECOCQ pour empêcher la mise en œuvre de ses préconisations « bouleversantes ». Lobbying qui cible les parlementaires et développé dans la presse nationale et dans la presse locale. Le message est très clair : les services de santé au travail sont au summum de leur efficacité, les services rendus sont irréprochables et les Services de Santé au travail sont sortis des tranchées la baïonnette au canon pour courir sus à la Covid 19.

« Il est donc urgent de ne rien changer à une équipe qui gagne, en particulier il faut écarter tout projet de loi structurant la santé au travail pour développer une politique de santé au travail (il ne faut surtout pas réformer le financement) et peut être réformer le système à la marge ». C’est le sens de la question écrite n°16850 de Mr JOEL BIGOT Sénateur de Maine et Loire.

La réalité est toute autre.

Les Services de Santé au Travail constituent un patchwork de féodalités au sein desquelles le contrôle social est très insuffisant comme le souligne le rapport IGAS. Le contrôle par la politique de l’agrément des DIRECCTE s’étiole également faute de forces suffisantes dans le réseau (un grand nombre de médecins inspecteurs du travail ont quitté le navire).

Depuis plusieurs années un certain nombre de Services de Santé au Travail s’affranchissent des règles issues de la réglementation du travail et du code de santé publique au titre d’expérimentations (sans qu’aucune loi d’expérimentation ne le permette) et n’hésitent pas à produire ces violations manifestes de la loi dans le cadre des projets pluriannuels de services.

Ces projets censés être issus des travaux des Commissions Médico-Techniques réunissant les équipes pluridisciplinaires sont parfois élaborés par les directions avec la coopération de certains « volontaires ».

Nous avons eu connaissance de certains projets pluriannuels où les infirmiers en santé au travail se voyaient dotés de prérogatives réservées aux médecins du travail tout en leur refusant « mordicus » le statut de cadres et des formations solides en santé au travail encadrées par des référentiels contraignants.

Dans certains services de santé au travail des logiciels médicaux, avec des sommes significatives en jeu, ont été « imposés » aux professionnels de santé sans que leurs contenus n’aient été validés par un quelconque consensus scientifique ou label HAS, au mépris de l’indépendance technique des médecins du travail.

Certaines directions n’ont de cesse de vouloir nier le rôle d’animateur et de coordinateur des équipes pluridisciplinaires des médecins du travail. Une tribune iconoclaste publiée par un directeur de service de santé au travail d’Île-de-France considère que les médecins du travail sont des ignares en matière d’animation des équipes, ignares paresseux qui devraient basculer dans des contrats de mission soumis à rendement pendant que la direction ferait-elle tourner les équipes (sur le mode lucratif pour certaines actions). Cette tribune ferait fuir tout jeune interne qui serait encore pris par le désir insensé d’embrasser la carrière de médecin du travail. On se demande également comment décliner une politique de prévention de la désinsertion professionnelle, enjeu majeur porté par tous, sans conforter l’association de la clinique médicale et l’étude des conditions de travail qui est le levier majeur de la médecine du travail si les médecins du travail ne sont relégués qu’à un rôle de tâcherons de la visite médicale.

Les médecins du travail sont des empêcheurs de tourner en rond et sont les seuls pour les plus courageux à s’opposer à ces tentatives dictatoriales. Ils en paient parfois le prix fort tant la volonté hégémonique de certaines directions est forte.

Il n’y a plus de politique de santé au travail. Les PST3 et PRST3, les CPOM s’enlisent dans les sables mouvants de la dérive anarchique de certains Services qui jettent aux orties toute velléité de renforcement du contrôle de partenaires sociaux et vouent aux gémonies toute intrusion de l’Etat dans la gestion et surtout le financement en diabolisant la collecte URSSAF.

Madame LECOCQ, la santé au travail va mal, il n’y a plus de politique de santé au travail et l’ambition portée par vous et vos collègues parlementaires est en train d’être sapée par les contrevérités portées par les lobbyistes et comme les calomnies, si elles sont répétées inlassablement, celles-ci deviendront réalité…

Les négociations en cours pilotées par le MEDEF n’ont pas plus d’ambition.

Elles portent sur des détails et non sur la structuration et la gouvernance. En quelque sorte plutôt que des travaux de rénovation profonde nous avons le sentiment qu’il s’agit plutôt d’un simple rafraichissement des peintures.

Nous vous alertons sur ce constat et sur les chants hypnotisants des sirènes qui selon Homère ne visent qu’à couler les navires.

30 juin 2020

Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°63

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