Actualité réforme : En réponse à Monsieur RABEC

Publié le 30 May 2022 à 16:22


L’interview de M. RABEC publiée le 09 juin 2020 par Liaisons sociales par son caractère décapant dans le contexte actuel de reprise des dialogues en vue d’une réforme de la santé au travail en France propulsée par le Rapport de la députée Charlotte LECOCQ il y a bientôt 2 ans, ne peut laisser indifférent.

Ces propositions sont-elles : iconoclastes ? ultra libérales ? provocatrices délibérées ?

Les constats de M. RABEC : la santé au travail se meurt d’être pilotées par des médecins du travail dilettantes voire paresseux, totalement incompétents dans leur rôle d’animation et de coordination des équipes pluridisciplinaires et ignorants des conditions de travail vers lesquelles pourtant ils devraient consacrer 1/3 de leur temps de travail.


Dr Christian EXPERT
Expert confédéral CFE-CGC – Santé – Travail et Handicap

Ses propositions pour sauver la santé au travail ?

  • Ubériser les médecins du travail, supprimant leurs statuts de salariés les transformant en vacataires sous-traitants, payés à la tâche sortes de stakhanovistes de la visite médicale rendus à la seule activité pour laquelle ils gardent (heureusement) une compétence, leur vision étant réduite à celle du bout de leur stéthoscope.
  • Supprimer par là, leur statut de salarié protégés dont la seule finalité est de leur garantir leur indépendance vis-àvis des employeurs.
  • Leur ôter toute velléité d’intervenir dans l’organisation des Services de Santé au Travail au sein des Commissions Médico-techniques.
  • Evidemment mettre fin aux contrats de sous-traitance pour ceux qui secoueraient le joug directorial.

Cette position très libérale n’est heureusement pas partagée par toutes les directions de service.

Nous ne sentons pas d’ailleurs dans ces propos une volonté particulière de dialogue social épanoui et fédérateur. Gageons que cette main de fer dans un gant de fer ne participera pas outre mesure à améliorer l’attractivité du métier de médecin du travail par les jeunes internes.

Que souhaite ce directeur en réalité ?

  • Mettre en œuvre le même fantasme que l’ancien directeur de feu ALCATEL, Serge TCHURUK qui prônait une entreprise sans usines dans les années 2000. Cette idée révolutionnaire a entraîné la disparition d’un de nos fleurons nationaux. Là M. RABEC rêve d’une santé au travail débarrassée de ces médecins du travail empêcheurs de prévenir en paix.
  • Octroyer tous pouvoirs aux vrais professionnels, les directeurs et renvoyer les médecins à leurs chères visites médicales.
  • Transformer les Services de Santé au Travail en « véritables » structures de prévention et de formation au service des entreprises et accessoirement de celui des salariés, par ricochet.

Ce qu’il oublie manifestement

  • La sous-traitance de type UBER n’est peut-être pas aussi aisée que cela à mettre en œuvre à l’aulne du code du travail qui bêtement assimile un sous-traitant soumis aux fourches caudines de liens de subordination étroits à un salarié.
  • Les services de santé au travail ne sont pas soumis aux marchés de la concurrence du fait de leur caractère médical ou médicosocial. Sans médecins, les services de santé au travail rentreraient dans le rang ordinaire du marché concurrentiel comme tout organisme de prévention ou de formation privé. Mais ces organismes privés auraient la clientèle captive que serait celle d’employeurs encore contraints d’adhérer à ces mêmes services de santé au travail selon la vieille loi de 1946 réduite alors à l’ombre d’elle-même il faut bien en convenir.
  • Gageons que les autres organismes de formation ou de prévention esteront pour combattre cette entrave à la libre concurrence.
  • D’ailleurs il faut bien d’ores et déjà s’interroger sur la nature de ces parastructures de formation « associées » au services de santé au travail avec utilisation de ressources humaines du SIST qui sont de plein droit dans le secteur dit concurrentiel visant une clientèle captive.

Il est fort possible que cette voie « dérivante » proposée dans cet interview ne reviendrait en fin de compte qu’à scier la branche sur laquelle est assis ce directeur avec un sort funeste similaire à celui de feu ALCATEL.

Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°63

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