À travers la peau - Vignette dermato-pathologie

Publié le 30 Sep 2024 à 17:39
Article paru dans la revue « FDVF-RJD - La Revue des Jeunes Dermatologue » / FDVF N°1


Lymphadénome cutané (trichoblastome adamantinoïde)

Un homme de 67 ans sans antécédents cutanés a développé une lésion nodulaire ferme de 2x1.5 cm, à large pédicule, à surface rosée, asymptomatique, sur la face postérieure de l'épaule droite. Cette lésion évoluait depuis plusieurs années et était de croissance lente. L'examen dermatoscopique a révélé des télangiectasies arborescentes et quelques zones pigmentées. La lésion a été excisée sous anesthésie locale avec un diagnostic suspecté de tumeur fibroépithéliale (de Pinkus).

L'examen histologique a montré une tumeur dermique endo-exophytique bien limitée, en dôme, faite de lobules cellulaires bien limités, confluents, non connectés à l'épiderme, comportant une assise cellulaire périphérique palissadique faite de cellules basaloïdes. Le centre des lobules était constitué de cellules à cytoplasme plus clair. Au sein des lobules tumoraux on retrouvait de nombreuses cellules lymphoïdes (surtout de phénotype T CD3+) avec de rares lymphocytes B (CD20+), ainsi que de nombreuses cellules de Langerhans CD1a+/CD207(langérine)+. Il n'y avait pas de fentes péritumorales. Le derme voisin était fibreux et contenait un infiltrat réactionnel lymphocytaire dense. Par immunohistochimie, les cellules tumorales exprimaient de façon diffuse les kératines (AE1/AE3) et (surtout en périphérie des lobules tumoraux) les antigènes bcl-2 et PHLDA-1,  mais n'exprimaient pas l'Antigène Carcinoembryonnaire ou la kératine n° 7. Quelques cellules basales périphériques exprimaient l'antigène CD326 (Ber-EP4). 

 

Diagnostic : Lymphadénome cutané (ou trichoblastome adamantinoïde) 

Il s'agit d'une entité rare (une centaine de cas publiés) décrite en 1987 sous le terme de « tumeur lymphoépithéliale cutanée » et rebaptisée en 1991 « lymphadénome cutané ». Il s'agit d'une tumeur annexielle bénigne biphasique, considérée souvent comme une variété adamantinoïde de trichoblastome, à côté des formes micro- et macro-nodulaires, rétiformes, racémeuses, cribriformes et colonnaires (ou trichoépithéliome desmoplastique) du trichoblastome. Le lymphadénome cutané (ou trichoblastome adamantinoïde selon la terminologie recommandée par l'édition 2023 de la classification des tumeurs cutanées de l'OMS) se présente cliniquement comme un nodule asymptomatique d'aspect peu spécifique, mesurant < 1 cm, de couleur chair ou rosé, parfois polylobé, à surface télangiectasique. Il atteint habituellement des sujets adultes (au cours de la 4e -6e décennie de la vie, bien que d'exceptionnels cas congénitaux existent), sans prédominance de sexe. La localisation préférentielle est l'extrémité céphalique (oreilles, paupières, front, nez joue), mais la tumeur peut se voir sur d'autres territoires cutanés (tronc, abdomen, membres). La lésion est souvent prise pour un carcinome basocellulaire, une tumeur fibroépithéliale de Pinkus ou un naevus naevocellulaire. Il s'agit d'une lésion bénigne dont le traitement repose sur l'exérèse chirurgicale. 

Sur le plan histologique, le lymphadénome est constitué d'une prolifération de nodules épithéliomateux envahissant le derme, sans connexion avec l'épiderme. Les lobules tumoraux comportent une assise cellulaire périphérique palissadique faite de cellules basaloïdes, et contiennent au centre des cellules plus volumineuses, à noyaux vésiculeux, nucléolés, à cytoplasme abondant, faiblement éosinophile, amphiphile ou clair. Les lobules tumoraux sont infiltrés par de nombreux petits lymphocytes (surtout T) et parfois de cellules multinucléées ressemblant à des cellules de Reed–Sternberg ; ils contiennent également de nombreuses cellules de Langerhans CD1a+/CD207 (langérine)+. Le stroma péritumoral est densifié, fibroblastique. 

Par immunohistochimie, la composante épithéliale du lymphadénome exprime à des degrés variables la kératine 15, l'antigène bcl-2, l'antigène des cellules souches folliculaires PHLDA1 et les récepteurs aux androgènes. Des mutations somatiques des gènes EGFR, PIK3CA, et FGFR3 sont retrouvées dans un peu plus de la moitié des cas. Sur le plan histologique, les diagnostics différentiels du lymphadénome sont le carcinome basocellulaire, les autres formes de trichoblastome, et surtout le carcinome cutané lymphoépithélial-like.

Jean KANITAKIS
Clinique Dermatologique/CliMA, 
Hôp. Ed. Herriot (pav. R), 69437 
Lyon cedex 03

Laurène HUPPERT
Clinique Dermatologique/CliMA, 
Hôp. Ed. Herriot (pav. R), 69437 
Lyon cedex 03

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