Actualités : A la croisée des spécialités

Publié le 21 oct. 2024 à 16:11
Article paru dans la revue « AIGM / Gynéco Med » / AIGM N°3

Syndrome d'hyperstimulation ovarienne

Le syndrome d'hyperstimulation ovarienne (SHO) est une complication iatrogène de la stimulation ovarienne utilisée principalement dans les techniques d'Assistance Médicale à la Procréation (AMP). Il peut se manifester par différentes formes cliniques et se caractérise par différents degrés de gravité jusqu'à mettre en jeu le pronostic vital des patientes. Il est donc important que les cliniciens puissent l'évoquer aussi bien en gynécologie qu'en réanimation quand cela le nécessite.
Le SHO entraîne la constitution d'un troisième secteur (il est d'ailleurs classé dans les causes secondaires de syndrome de fuite capillaire) par la mise en jeu de cytokines qui vont augmenter anormalement la perméabilité vasculaire.
Il se manifeste donc par différents signes gastro-intestinaux, génito-urinaires, respiratoires et bien sûr systémiques.
Les évènements thrombo-emboliques sont la première cause de mortalité.
Selon les séries, la prévalence de cette affection, chez les femmes ayant recours à la stimulation ovarienne, est de 20 à 33 % pour les SHO légers à modérés. Les SHO sévères ne représentent eux que 0.1 à 2 % des cycles de stimulation ovarienne.

Physiopathologie

La physiopathologie du SHO est complexe et implique plusieurs mécanismes.

Le SHO survient quelques jours après une ponction ovocytaire. En effet, la stimulation entraîne une augmentation anormale du volume ovarien avec constitution de multiples corps jaunes.
Ces ovaires « hyperstimulés » sous l'influence de gonadotrophines exogènes (FSH, HcG) vont induire la sécrétion excessive d'hormones ovariennes, (oestradiol) et de substances vasoactives (cytokines, angiotensine, VEGF).
La perméabilité capillaire va donc augmenter et on assistera à une vasodilatation artérielle. Cela entraînant la fuite de liquide vers l'interstitium induisant donc une hypovolémie relative et la formation d'un troisième secteur (ascite, épanchements des séreuses…).

Critères cliniques

Le SHO peut donc être considéré comme une maladie systémique, puisqu'il peut atteindre plusieurs organes. On le classe en mineur, modéré et sévère.

• Le SHO mineur se manifeste par des signes aspécifiques : pesanteur abdominale, vomissements, diarrhées, augmentation du périmètre abdominal et augmentation du volume ovarien à l'échographie.

• Le SHO modéré peut se manifester par des épanchements des séreuses (pleural, péricardique.), le diamètre des ovaires est souvent supérieur à 12 cm, et on a une augmentation de l'hématocrite et donc une augmentation de la viscosité sanguine par fuite capillaire.

• Le SHO sévère engage le pronostic vital et peut-être responsable de défaillance d'organe avec hospitalisation en réanimation. Toutes les complications du syndrome de fuite capillaire peuvent-être retrouvées : évènements thrombo-emboliques par augmentation de la viscosité sanguine, insuffisance rénale aiguë fonctionnelle puis organique par hypovolémie relative et donc hypoperfusion rénale, complications respiratoires jusqu'au SDRA par les épanchements pleuraux, tamponnade cardiaque par un éventuel épanchement péricardique, collapsus, par hypovolémie et baisse des RVP, hyponatrémie, ascite jusqu'au syndrome du compartiment abdominal… Il semblerait qu'une immunodépression humorale relative soit plus élevée par fuite des immunoglobulines dans le troisième secteur.

Il existe plusieurs classifications ayant évoluées dans le temps pour classer les SHO en matière de gravité que je ne ferai qu'évoquer ici : OMS (1973), Golan (1989), Jenkins et Mathur (2007).

Facteurs de risque

Au-delà des doses de gonadotrophines administrées, la littérature site plusieurs facteurs de risque favorisant le SHO avant la stimulation :

• Âge < 35 ans.

• IMC < 18 ou > 30.

• Antécédent de SOPK.

• Atopie ou antécédent d'anaphylaxie.

Les facteurs de risque après la stimulation sont essentiellement échographiques et biologiques :

• Taux d'oestradiol élevé.

• Nombres de follicules > 14 par ovaire.

Surveillance et principe de prise en charge thérapeutique

Le traitement du SHO dépend de la gravité des symptômes mais est essentiellement symptomatique et préventif.

• Pour le SHO mineur, la surveillance peut être effectuée en ambulatoire, par surveillance du poids, du périmètre abdominal, des taux de Beta-HcG et éventuellement par des échographies pelviennes pour suivre le volume ovarien. Souvent, une simple prescription d'antalgiques usuels et d'anti-émétiques suffit.

• Pour le SHO modéré, une hospitalisation peut se discuter au cas par cas. La surveillance biologique s'effectuera essentiellement par le dosage de l'hématocrite, plaquettes, ionogramme et créatitine, le calcul du bilan entré sortie et la surveillance du poids. L'échographie pelvienne sera utile pour mesurer le diamètre des ovaires et le nombre de follicules. La thromboprophylaxie a une importance majeure par HBPM et basse de contention. L'utilisation de compléments alimentaires riches en protéines peuvent-être utilisés.

• Enfin, le SHO sévère est une urgence diagnostique et thérapeutique. La patiente doit être hospitalisée en unité de soins intensifs ou en réanimation. Le traitement sera celui des défaillances d'organes. Une réanimation hydro-électrolytique agressive peut-être nécessaire pour maintenir une diurèse > 20 mL/h. Les épanchements pleuraux, péricardiques et l'ascite peuvent nécessiter la pose de drains évacuateurs en fonction de la tolérance clinique respiratoire, hémodynamique et abdominale (penser à monitorer les pressions intra-vésicales). Les diurétiques sont plutôt à proscrire car ils majorent l'hypovolémie et l'hémoconcentration.

Les glucocorticoïdes sont parfois utilisés pour limiter le phénomène de fuite capillaire. Aussi, l'utilisation d'anticorps monoclonal type inhibiteur du VEGF (Bevacizumab) semblent montrer une réduction de la perméabilité vasculaire.

Enfin, les mesures préventives sont très importantes mais s'adressent plutôt aux professionnels de l'AMP :

• Il semblerait que l'utilisation d'agonistes de la GnRH au lieu de l'hcG réduirait le risque de SHO sévère (associé à un support lutéal par progestérone).

• Des doses plus faibles de gonadotrophines doivent être préconisées pour minimiser la réponse ovarienne.

• Des essais cliniques sur l'utilisation de dexaméthasone en prophylaxie pour réduire le risque de SO sont en cours avec des résultats prometteurs.

• Les taux d'oestradiol et le nombre de follicules doivent être monitorés pendant le traitement.

• La thromboprophylaxie a une importance majeure. Une anticoagulation curative d'emblée pendant la stimulation est parfois préconisée si la patiente cumule les facteurs de risque. Les anti-agrégants plaquettaires pour limiter les thromboses artérielles sont à l'étude.

• Enfin, le SHO semble plus sévère quand la stimulation ovocytaire est suivie d'une grossesse. La vitrification embryonnaire permet de différer le transfert embryonnaire afin de prévenir l'agravation du SHO pendant la grossesse.

L'évolution est souvent favorable en 10 à 14 jours, à la baisse de l'HcG. Les formes sévères peuvent persister 2 à 4 semaines surtout en cas de grossesse.

 

Thomas HENRY
Interne en 4ème semestre du D.E.S d'anesthésie réanimation
Marseille

Mohamed-Fadel KORAICHI
Praticien hospitalier à l'hôpital
Antoine Béclère
Clamart

Bibliographie

• https://doi.org/10.1016/j.annfar.2010.11.026

• https://www.srlf.org/wp-content/uploads/2017/06/10.1007-s13546-017-1275-y.pdf

• Prévention du SHSO : Directives cliniques de la SGOC 2014.

• Prévention du SHSO : Cochrane database of systematic reviews 2011.

• SHSO : pathophysiologie, facteurs de risque, prévention et PEC : Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction 2011.

• Review of the evidence base strategies to prevent ovarian hyperstimulation syndrome (ACOG) : Hum Fertil 2007.

• Ovarian hyperstimulation syndrome: Royal College Of Obstetricians and gynecologists 2007.

• Ovarian hyperstimulation syndrome: The Practice Committee of the American Society for Reproductive Medicine Fertil Steril 2006.

• Prévention and management of ovarien hyperstimulation syndrome: Ann Acad Sci 2006.

• Epidemiology and prevention of ovarian hyperstimulation syndrome (OHSS) : à review : Hum Reprod Update 2002. Delvigne A, Rozenberg S.

• Golan A, Ron-el R, Herman A, Soffer Y, Weinraub Z, Caspi E. Ovarian hyperstimulation syndrome : an update review.Obstet Gynecol Surv 1989, 44 : 430- 440

• Dopamine agonist cabergoline reduces hemoconcentration and ascites in hyperstimulated women undergoing assisted Alvarez C, Marti-Bonmati L, Novella-Maestre E, Sanz R, Gomez R, Fernandez Sanchez M et al. Reproduction. J Clin Endocrinol Metab 2007, 92 (8) : 2931-2937.

• A clinically useful classification of OHSS Mathur R, Jenkins J. Towards. Reprod Biomed Online 2009 ; 19:434.

• Patient undergoing IVF: case report and review of literature. Fertil Steril 2007 ; 88:705.e9—14.Bartkova A, Sanak D, Dostal J, Herzig R, Otruba P, Vlachova I, et al. Acute ischaemic stroke in pregnancy: à severe complication of ovarian hyperstimulation syndrome. Neurol Sci 2008; 29:463-6. 13. Carotid thrombosis after in vitro fertilization: à relatively new thrombotic complication in women Martí E, Santamaría A, Mateo J, Tolosa A, Querol L, Viscasillas P, et al.. Br J Haematol 2008 ; 141:897—9.

 

Publié le 1729519870000