Chers adhérents,
Nous avons le plaisir de partager avec vous une nouvelle scientifique, rédigée par Laura JIMENEZ, étudiante du Master 2 Biologie de la Peau, à l'université Claude Bernard Lyon 1.
Qu'est-ce qu'une nouvelle scientifique ?
Ce format de communication original permet de discuter des avancées scientifiques de manière narrative et, ici, en français. La nouvelle qui vous est présentée aborde des approches innovantes des thérapies à ARNm dans la lutte contre le photovieillissement ouvrant de nouvelles perspectives.
Présentation du Master
Le Master 2 Biologie de la Peau de l'université Claude Bernard Lyon 1 est une formation unique en France, accessible à divers profils professionnels, y compris les internes en dermatologie. Il prépare les étudiants à intégrer des équipes scientifiques spécialisées en biologie moléculaire et cellulaire appliquée au modèle cutané. Le premier semestre se déroule de mi-septembre à mi-décembre, en présentiel. Durant cette courte mais intense période (cours 4 à 5 jours par semaine en moyenne) sont balayées des notions de modèles cutanés, d'imagerie cutanée, d'immunologie et de physiopathologie cutanées, ainsi que des biostatistiques et de la bioinformatique. Des sessions de TP vous permettront d'apprendre ou de réapprendre les bases du travail à la paillasse. Enfin, l'UE d'écriture scientifique a pour objet la rédaction d'une Nouvelle Scientifique, comme celle que nous vous présentons ici. À partir de janvier, vous réaliserez un stage de 6 mois au sein d'un laboratoire d'accueil de votre choix, en France ou à l'étranger, à l'issue duquel il vous faudra présenter un mémoire de Master 2.
Notre expérience
Réaliser ce M2 nous a permis d'approfondir certaines notions théoriques de biologie de la peau, survolées au cours de notre cursus médical. Nous avons particulièrement apprécié l'enseignement d'immunologie cutanéo-muqueuse, champ moins obscur dorénavant. Le stage nous a offert une expérience concrète du travail en laboratoire, bien plus immersive que celle du Master 1, et a affiné nos réflexions sur la pluralité des futurs professionnels s'offrant à nous. Il est important néanmoins de noter que suivre ce Master 2 reporte la fi n de votre internat, et peut modifier votre situation financière par rapport à celle durant l'internat.
Nous remercions Mesdames Béatrice Horard et Ludivine Walter pour l'encadrement prodigué dans le cadre de cette UE d'écriture scientifique.
Nous nous tenons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et espérons que cette nouvelle scientifique éveillera votre curiosité !
Bonne lecture.
Lucas KLEPFISCH
Interne de Dermatologie à Lyon
Membre du bureau FDVF
2022-2024
Edouard MASSIP
Interne de Dermatologie à Lille
Membre du bureau FDVF
2022-2024
Thérapie à ARNM : Approche innovante contre le photovieillissement
MRNA therapy: Innovative approach against photoaging
Laura JIMENEZ
Biologie de la peau
Mots Clés : Thérapie à ARNm, collagène, photovieillissement, vésicules extracellulaires, micro-aiguilles
Key words : mRNA therapy, collagen, photoaging, extracellular vesicles, microneedles
Soleil et peau : Les dessous du photovieillissement
Le soleil émet de la lumière ultraviolette (UV), notamment des UVA et UVB. La peau est agressée quotidiennement par ce rayonnement, entraînant le phénomène de photovieillissement. Ce processus entraîne un vieillissement prématuré de la peau, se caractérisant principalement par des changements morphologiques, avec la formation de rides, la perte d'élasticité mais également des modifications pigmentaires dont les tâches de vieillesse [1, 2]. D'un point de vu moléculaire, les UV induisent des dommages à l'ADN, activent des voies de signalisation inflammatoires et génèrent des espèces réactives de l'oxygène. L'ensemble de ces altérations entraînent une dégradation accélérée du collagène, protéine clé de la fermeté cutanée. Ces agressions altèrent également les fibroblastes cutanés, responsables de la synthèse du collagène, et compromettent ainsi la structure de soutien de la peau. Trouver une solution pour restaurer le collagène dermique sur le long terme représente un défi majeur pour l'industrie des produits anti-âge. En effet, il n'existe actuellement aucune technique de remplacement du collagène à long terme [1, 2].
ARNm : L'allié anti-âge contre le photovieillissement
Avec l'avènement des thérapies ARN messager (ARNm), une lueur d'espoir émerge. La crise du COVID-19 a joué un rôle important dans l'avancement des thérapies ARNm, mettant en lumière la rapidité et l'efficacité de cette méthode dans le développement de vaccins. Les thérapies à ARNm sont également de plus en plus utilisées pour leur capacité à pouvoir remplacer des protéines manquantes ou dysfonctionnelles. En effet, cette approche novatrice exploite la capacité naturelle de l'ARN messager à transmettre des instructions spécifiques aux cellules, permettant ainsi la synthèse de protéines ciblées [3]. Dans ce contexte, You et al. (2023) ont développé une nouvelle thérapie innovante à base d'ARNm codant pour le collagène de type 1 (COL1A1), afin de restaurer le collagène dermique dégradé après photo exposition [4]. L'ARN messager (ARNm) doit être encapsulé avant injection pour le protéger contre la dégradation rapide par les enzymes présentes dans le corps et pour faciliter son entrée dans les cellules. Cette encapsulation améliore également la stabilité chimique de l'ARNm et réduit la réponse immunitaire non spécifique qui pourrait nuire à son efficacité. Pour l'heure,
l'ARNm est le plus souvent encapsulé dans des nanoparticules lipidiques (NPL) afin de pouvoir être transporté au sein de l'organisme [2]. Néanmoins, l'utilisation de NPL ne semble pas une solution optimale. En effet, certains problèmes majeurs persistent tels que la cytotoxicité, la mauvaise bio distribution, le manque de spécificité de la cible et l'immunogénicité au sein de l'organisme. C'est pourquoi, les recherches se tournent désormais vers l'utilisation de vésicules extracellulaires (VE) pour transporter l'ARNm.
Vésicules et jeunesse : ARNm en transit contre le photovieillissement
Les vésicules extracellulaires (VE) émergent comme des vecteurs prometteurs dans le domaine des thérapies à base d'ARNm, offrant un moyen novateur pour délivrer de l'ARNm aux cellules cibles. Ces petites vésicules sont naturellement sécrétées par notre organisme, où elles jouent un rôle majeur dans le transport des biomolécules comme l'ARNm. Leur biocompatibilité et leur faible immunogénicité en font des vecteurs idéaux. De plus, il est possible de produire une quantité significative de ces vésicules extracellulaires de manière rentable in vitro [5]. Ainsi, You et al. (2023) ont décidé d'encapsuler l'ARNm COL1A1 dans des vésicules extracellulaires. L'encapsulation de l'ARNm COL1A1 a été possible en utilisant une méthode de nanoporation cellulaire (CNP). La création de pores nanométriques transitoires à la surface des cellules permet le chargement de l'ARNm entièrement transcrit. L'avantage de la méthode de CNP est que le nombre de VE obtenu est dix fois plus important que les cellules traitées par électroporation en masse standard (BEP) [6]. Une étude du potentiel thérapeutique, in vitro et in vivo des VE d'ARNm COL1A1 a été menée par You et al. (2023).
Restauration collagénique : L'ère de l'ARNm thérapeutique
L'approche innovante proposée par You et al. (2023) a permis de mettre en évidence in vitro que les VE d'ARNm COL1A1 favorisait la prolifération et la sécrétion de collagène par les fibroblastes de manière dose dépendante. En effet, les VE COL1A1 sont capables de pénétrer dans les fibroblastes par endocytose médiée par la clathrine puis de délivrer l'ARNm dans le cytoplasme afin que celui-ci puisse être traduit en protéine de collagène. Ces découvertes ont permis de mettre en évidence que l'ARNm était transporté de manière stable dans les VE et que celui-ci était capable d'être traduit en protéine fonctionnelle.
La cinétique de délivrance de l'ARNm COL1A1 et la formation de protéines post-injection ont été étudiées cette fois-ci dans un modèle murin. Pour ce faire les VE COL1A1 ont été injectées en intradermique dans de la peau dorsale de souris à l'aide d'une seringue à insuline. L'analyse histologique a permis de démontrer une forte expression du COL1A1 12h post-injection, avec une diminution notable de celle-ci après 24 heures et 48 heures. L'analyse de la traduction in vivo de l'ARNm COL1A1 en protéine a montré que les protéines COL1A1 ont diminué en fonction du temps entre le quatrième et le trentième jour après l'injection. Les VE de COL1A1 se sont également montrées efficaces dans la restauration du collagène sur des modèles de souris photovieillis. En effet, l'injection intradermique des VE COL1A1 dans la peau dorsale de souris photo exposée a mené à une diminution du nombre de rides, une augmentation de l'épaisseur du derme ainsi qu'une augmentation de l'élasticité cutanée. Ceci suggère donc qu'il y a une restauration du collagène dermique. Toutefois, cette restauration collagénique n'est que transitoire puisque 1 mois post injection, des rides sont à nouveaux observées sur la peau dorsale des souris [4].
Micro-needles : Méthode innovante d'injection de collagènes
Une nouvelle approche d'administration des vésicules extracellulaires d'ARNm COL1A1 a été investiguée par You et al. (2023) afin de restaurer le collagène sur le long terme. Cette approche implique l'injection locale des vésicules extracellulaires COL1A1 à travers un patch de micro-aiguilles d'acide hyaluronique (micro-needles). Des études antérieures ont déjà démontré que l'utilisation de micro-aiguilles facilite la distribution et améliore la biodisponibilité des molécules dans l'organisme [7]. Par cette méthode d'injection, une distribution uniforme et une persistance prolongée des VE d'ARNm COL1A1 dans le derme et en sous-cutanée ont été constatées, ce qui s'est traduit par une augmentation de son épaisseur. Enfin, l'injection des VE, à l'aide de cette méthode, a conduit à une réduction du nombre et de la surface des rides sur une période d'environ 60 jours (Figure 1).
Figure 1 : Restauration du collagène dermique via injection de VE d'ARNm COL1A1 à l'aide d'un patch de micro-aiguilles d'acide hyaluronique. 1) Injection en sous-cutanée à l'aide d'un patch de micro-aiguilles d'acide hyaluronique chargée en VE contenant de l'ARNm codant pour le COL1A1. 2) Endocytose de la VE et traduction intracytoplasmique d'ARNm COL1A1 en protéine de collagène de type I. 3) Effet de la restauration du collagène dermique.
ARNm : Une révolution dans le remplacement de collagène
Le remplacement du collagène dermique par des VE contenant de l'ARNm codant pour le collagène ouvre de nouvelles perspectives passionnantes dans le domaine de la dermatologie régénérative. Les résultats positifs de cette méthode innovante démontrent non seulement la faisabilité, mais aussi l'efficacité potentielle de la régénération du collagène cutané. L'utilisation d'un patch de micro-aiguilles d'AH pour délivrer les VE a permis d'observer : une distribution homogène et une persistance prolongée du collagène, une augmentation de l'épaisseur du derme et une réduction des signes visibles du vieillissement cutané. Cela suggère des résultats prometteurs pour la création de traitements anti-âge. Cette découverte ouvre la voie à d'autres traitements potentiels, tels que l'administration de collagène VII via des VE pour remplacer les protéines défectueuses chez les patients atteints d'épidermolyse bulleuse dystrophique récessive (RDEB) [8, 9].
RÉFÉRENCES
1. Salminen A, Kaarniranta K, Kauppinen A. Photoaging: UV radiation-induced inflammation and immunosuppression accelerate the aging process in the skin. Inflamm Res 2022 ; 71 : 817–831.
2. Gonzaga ER. Role of UV Light in Photodamage, Skin Aging, and Skin Cancer: Importance of Photoprotection. American Journal of Clinical Dermatology 2009 ; 10 : 19–24.
3. Sahin U, Karikó K, Türeci Ö. mRNA-based therapeutics — developing a new class of drugs. Nat Rev Drug Discov 2014 ; 13 : 759–780.
4. You Y, Tian Y, Yang Z, et al. Intradermally delivered mRNA-encapsulating extracellular vesicles for collagen-replacement therapy. Nat. Biomed. Eng 2023 ; 7 : 887–900.
5. Kim KM, Abdelmohsen K, Mustapic M, et al. RNA in extracellular vesicles. WIREs RNA 2017 ; 8 : e1413.
6. Yang Z, Shi J, Xie J, et al. Large-scale generation of functional mRNA-encapsulating exosomes via cellular nanoporation. Nat Biomed Eng 2020 ; 4 : 69–83.
7. Waghule T, Singhvi G, Dubey SK, et al. Microneedles: A smart approach and increasing potential for transdermal drug delivery system. Biomedicine & Pharmacotherapy 2019 ; 109 : 1249–1258.
8. Peking P, Koller U, Murauer EM. Functional therapies for cutaneous wound repair in epidermolysis bullosa. Advanced Drug Delivery Reviews 2018 ; 129 : 330–343.
9. Woodley DT, Keene DR, Atha T, et al. Injection of recombinant human type VII collagen restores collagen function in dystrophic epidermolysis bullosa. Nat Med 2004 ; 10 : 693– 695.
Figure 1 : Restauration du collagène dermique via injection de VE d'ARNm COL1A1 à l'aide d'un patch de micro-aiguilles d'acide hyaluronique. 1) Injection en sous-cutanée à l'aide d'un patch de micro-aiguilles d'acide hyaluronique chargée en VE contenant de l'ARNm codant pour le COL1A1. 2) Endocytose de la VE et traduction intracytoplasmique d'ARNm COL1A1 en protéine de collagène de type I. 3) Effet de la restauration du collagène dermique.
ARNm : Une révolution dans le remplacement de collagène
Le remplacement du collagène dermique par des VE contenant de l'ARNm codant pour le collagène ouvre de nouvelles perspectives passionnantes dans le domaine de la dermatologie régénérative. Les résultats positifs de cette méthode innovante démontrent non seulement la faisabilité, mais aussi l'efficacité potentielle de la régénération du collagène cutané. L'utilisation d'un patch de micro-aiguilles d'AH pour délivrer les VE a permis d'observer : une distribution homogène et une persistance prolongée du collagène, une augmentation de l'épaisseur du derme et une réduction des signes visibles du vieillissement cutané. Cela suggère des résultats prometteurs pour la création de traitements anti-âge. Cette découverte ouvre la voie à d'autres traitements potentiels, tels que l'administration de collagène VII via des VE pour remplacer les protéines défectueuses chez les patients atteints d'épidermolyse bulleuse dystrophique récessive (RDEB) [8, 9].
RÉFÉRENCES
1. Salminen A, Kaarniranta K, Kauppinen A. Photoaging: UV radiation-induced inflammation and immunosuppression accelerate the aging process in the skin. Inflamm Res 2022 ; 71 : 817–831.
2. Gonzaga ER. Role of UV Light in Photodamage, Skin Aging, and Skin Cancer: Importance of Photoprotection. American Journal of Clinical Dermatology 2009 ; 10 : 19–24.
3. Sahin U, Karikó K, Türeci Ö. mRNA-based therapeutics — developing a new class of drugs. Nat Rev Drug Discov 2014 ; 13 : 759–780.
4. You Y, Tian Y, Yang Z, et al. Intradermally delivered mRNA-encapsulating extracellular vesicles for collagen-replacement therapy. Nat. Biomed. Eng 2023 ; 7 : 887–900.
5. Kim KM, Abdelmohsen K, Mustapic M, et al. RNA in extracellular vesicles. WIREs RNA 2017 ; 8 : e1413.
6. Yang Z, Shi J, Xie J, et al. Large-scale generation of functional mRNA-encapsulating exosomes via cellular nanoporation. Nat Biomed Eng 2020 ; 4 : 69–83.
7. Waghule T, Singhvi G, Dubey SK, et al. Microneedles: A smart approach and increasing potential for transdermal drug delivery system. Biomedicine & Pharmacotherapy 2019 ; 109 : 1249–1258.
8. Peking P, Koller U, Murauer EM. Functional therapies for cutaneous wound repair in epidermolysis bullosa. Advanced Drug Delivery Reviews 2018 ; 129 : 330–343.
9. Woodley DT, Keene DR, Atha T, et al. Injection of recombinant human type VII collagen restores collagen function in dystrophic epidermolysis bullosa. Nat Med 2004 ; 10 : 693– 695.