Zoom sur... Pronostic du patient cirrhotique en réanimation

Publié le 21 Mar 2024 à 15:36
Article paru dans la revue « AFIHGE - Le journal des Jeunes gastro » / JJG N°4


Pronostic sombre, absence d’innovation thérapeutique… Le patient cirrhotique a mauvaise réputation dans les services de soins intensifs.
Or, le pronostic global a évolué et l’indication de greffe hépatique s’élargit aux patients les plus sévères. On précisera dans cet article les points clés pour proposer le projet thérapeutique le plus adapté à ces situations.

Données récentes

En 1980, les séries historiques estimaient à 80 % la mortalité du patient cirrhotique en réanimation. En 2017, on estime que cela concerne 43 % des patients.

Mortalité globale en réanimation = 20 %

Mortalité du cirrhotique en réanimation = 43 %

Cette diminution de la mortalité est en grande partie attribuable aux progrès thérapeutiques dans la prise en charge de l’hémorragie digestive : Sandostatine, antibioprophylaxie, ligature endoscopique et TIPS.

En effet, la mortalité dans cette sous-population est estimée à 15 %, un chiffre inférieur à la mortalité globale en soins intensifs.

À moyen terme, le pronostic s’assombrit avec 75 % de mortalité à 6 mois.

Les patients greffés présentent, eux, une survie bien supérieure, mais seuls 3.8 % des patients cirrhotiques admis en réanimation seront transplantés.

Scores pronostics

Parmi les scores spécifiques (CHILD-PUGH, MELD) et les scores généralistes (SOFA, CLIF-SOFA, APACHE), plusieurs études ont recherché lequel prédirait la mortalité du patient cirrhotique à l’admission le plus efficacement, et selon Levesque et al, ce sont les scores généralistes qui semblent les plus pertinents dans ce contexte (cf. courbes ci-dessous).

Cependant, ils restent peu discriminants et le seul critère robustement associé au décès est la présence de 5 défaillances d'organe.

Ainsi, en dehors de cette situation, aucun score ne pourrait justifier à lui seul d’une limitation des soins dès l’admission chez les patients cirrhotiques relevant de soins intensifs et de réanimation. En revanche, on observe un tournant pronostique à 72 heures de prise en charge.

La persistance de 3 défaillances, soit une ACLF (acute-on-chronic liver failure) de grade 3, après 72 heures de prise en charge est associé à 90 % de mortalité intra-hospitalière.

C'est pourquoi l’évaluation séquentielle est désormais l’attitude préconisée en soins intensifs, consistant en des soins maximalistes dès l'admission et une réévaluation à 72 heures pour guider l'attitude thérapeutique au décours (le score CLIF-SOFA semble être le plus adapté dans ce contexte car spécifiquement adapté au patient cirrhotique).

Ainsi, chez le patient cirrhotique sévère, tout retard de prise en charge peut se greffer d’une surmortalité et il ne faut pas retarder le transfert en réanimation dès les premiers signes de sévérité et notamment dès les premières défaillances d’organes associées à la décompensation pour débuter au plus vite les soins maximalistes réanimatoires.

Greffe hépatique

La greffe hépatique est l’unique traitement spécifique et potentiellement curatif dans ce contexte. La survie à 1 an varie de 80 % à 90 %.

Elle doit ainsi être envisagée chez tout patient admis en réanimation après avoir recherché des critères d’inéligibilité : âge, néoplasie extra-hépatique, insuffisance cardiaque ou pulmonaire, addiction ou pathologie psychiatrique non compensée.

Les patients les plus sévères (ACLF-3) sont également éligibles à une greffe hépatique, avec un bénéfice majeur sur la survie (43 % à 84 % de survie à 1 an). Cependant, cette indication reste marginale (5 % des greffes) et impose une sélection précise des patients devant le manque de greffon.

On voit sur le diagramme ci-dessous que pour un même sous-groupe (patients greffés en ACLF-3, diagramme bleu), le pronostic est significativement différent pour les différents quartiles qui forment cette population. Il dépend des facteurs de gravité et des comorbidités associées, d’où l’importance d’identifier des facteurs pronostics d’éligibilité.

C’est l’objet du score TAM (Transplantation for ACLF-3 Model) qui a identifié 4 facteurs pronostics majeurs :

  • La nécessité d’une ventilation mécanique.
  • Le taux de lactates artériels.
  • L’âge.
  • Le nombre de leucocytes (pour les patients septiques).

Algorithme décisionnel

 


Marouane JELIDI

Relecteur
Dr Fabien MARQUION
Anesthésiste-réanimatrice
au Centre Hospitalier de Versailles

 

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Publié le 1711031815000