Zoom : Le harcèlement ça existe, j’en parle !

Publié le 13 May 2022 à 15:16

Le harcèlement, ça nous concerne tous !

Toutes les spé sont touchées selon une enquête de l’ISNI de 2017 auprès des 25 000 internes de France. Cette enquête était une première en France, pilotée par Alizée Porto aujourd’hui chirurgienne à la Timone (Marseille). En 2016, une étude américaine publiée dans JAMA1 montrait qu'une femme médecin sur trois avait été victime de harcèlement sexuel durant ses études ou au cours de sa carrière

« Le harcèlement, ça existe, il faut en parler ! », lance Franck Rolland, interne en 2e semestre en psychiatrie à Paris. Il s’insurge qu’il n’y ait aucune information pendant l’externat. « On a un semblant de cours sur les relations patients/médecin ou un bref encadré dans le chapitre des violences sexuelles, largement insuffisant. Sur les situations du harcèlement, c’est maigre ». Il s’est intéressé à cette question par son engagement associatif lors de sessions de travail sur les risques psychosociaux. D’ailleurs, pour lui, tout le monde doit se saisir de cette question : les étudiants, les internes, les chefs de service ou la médecine du travail. « Le travail est collectif. La prise de conscience aussi. Nous devons tous être vigilant et réagir collectivement devant une situation de harcèlement pour renverser le rapport de force, en faveur de la personne qui en est victime. »

Vers qui en parler ?
Les associations locales et les syndicats sont les premiers interlocuteurs des internes témoins ou victimes d’une situation de harcèlement. La médecine du travail ou la médecine préventive sont aussi des interlocuteurs à privilégier. Ces deux services permettent surtout, pour les victimes, de les déculpabiliser par rapport à un arrêt de travail. Une situation de harcèlement n’est pas justifiable, n’est pas effaçable et elle est intolérable. L’ISNI lancera d’ailleurs prochainement une nouvelle campagne de sensibilisation et travaille avec le Centre National d’Appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA) à un séminaire dédié à cette problématique d’ici fin 2020.

Propos sexistes ou blagues ?
En janvier 2019, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a rendu public un état des lieux du sexisme en France. Il est revenu sur la différence entre humour graveleux et sexisme. Celui-ci se traduit par « d’une part, le fait de rire sans les femmes, d’autre part le fait de rire contre les femmes, en d’autres termes de rire des prétendues caractéristiques des femmes, la plupart du temps réduites à un objet sexuel ou disqualifiées ».
Dans la culture carabine, les blagues sexistes sont légions. Franck reprend les chiffres de l’enquête de l’ISNI de 2017 où 75 % des internes banalisaient les remarques sexistes en les identifiant comme de l’humour. Les personnes vexées par ces propos étaient jugées, par leurs co-internes, comme trop sensibles. Les remarques sexistes répétées font pourtant le lit à la culture du viol et sont inacceptables.

La féminisation de la profession barrière du sexisme ?
Avec la féminisation de la profession, la tendance s’inverse-telle ? « Pas tant que ça car les chefs de service et les PU-PH sont toujours majoritairement des hommes. Certains utilisent ce rapport hiérarchique pour imposer une forme de harcèlement ou d’omerta », relève Franck. Autre constat alarmant, le cas récent du professeur Gilles Freyer, vice-doyen de l’université de Lyon. Il a tenu des propos sexistes et discriminatoires devant des étudiants de première année. « Les étudiants ne se sont pas laissés faire. Ils ont dénoncé ces propos. Malheureusement aucune suite n’a été donnée. Il a été entièrement blanchi… C’est un cas de sexisme soutenu par l’institution, c’est grave ! », ne décolère pas Franck.

PAYE TA BLOUSE
« Est-ce que tu aimes l’escalade ? C’est pour savoir si tu voulais bien me grimper dessus » ; « Il faut pas que vous fassiez cardio, c’est trop dur pour les femmes... », « Je peux te bouffer la chatte en entrée ? » Ce sont un fragment des témoignages anonymes recueillis sur le blog « Paye ta blouse », lancé fin 2016 par deux étudiantes en médecine. Le but ? Partager et dénoncer les situations de sexisme ordinaire vécues en milieu hospitalier. https://payetablouse.fr/

NUMÉROS
TÉMOIN OU VICTIME ? LES NUMÉROS À APPELER LE NUMÉRO VERT DU CNOM

0800 288 038
LE NUMÉRO NATIONAL POUR LES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE
3919

TÉMOIGNAGE
Le harcèlement vient aussi des femmes envers les hommes ou envers les femmes. En témoigne Anna Boctor qui dénonce le chantage de sa supérieure, PU-PH qui lui a interdit d'être enceinte ou de se rendre à des congrès pendant les deux ans de son clinicat. Témoignage à retrouver ici : https://www.jeunesmedecins.fr/actualites/ sexisme-misogynie-pression-a-lhopital-annaboctor- temoigne.

1. Sexual Harassment and Discrimination Experiences of Academic Medical Faculty, Reshma Jagsi, DPhil1, Kent A. Griffith, Rochelle Jones et al JAMA. 2016 ;315(19):2120-212.

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°25

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