Réponses exactes : A (il existe une concordance radio-clinique) et C (il s’agit d’une lésion extra-médullaire intra-durale). Cette observation nous permet de revenir sur la caractérisation d’une masse rachidienne intracanalaire où l’ordre des critères d’analyse est primordial pour faire le diagnostic étiologique.
Rappel anatomique
A l’étage rachidien, la moelle épinière et ses racines nerveuses sont protégées par 3 enveloppes méningées (Figure 2) :............
- La dure-mère est une enveloppe fibreuse épaisse, en continuité avec le feuillet interne de la dure-mère intra-crânienne. Elle forme le fourreau dural du foramen magnum jusqu’au cul de sac dural en S1-S2 et se poursuit par le ligament coccygien qui attache le fourreau dural à la paroi postérieure du canal sacré. A chaque étage, la dure-mère se prolonge transversalement de façon stellaire par des septa fibreux rejoignant en périphérie les structures vertébro-ligamentaires. Ils sont appelés ligaments méningo-vertébraux (ou ligaments épiduraux). L’un de ces ligaments, attachant la partie antérieure et médiane de la dure-mère au ligament longitudinal postérieur (septum médian d’insertion du LLP), est particulièrement épais et sépare l’espace épidural antérieur en deux espaces.
- L’arachnoïde est l’enveloppe intermédiaire, adhérente à la face profonde de la dure-mère.
- La pie-mère recouvre la superficie de la moelle et des racines nerveuses. Elle se prolonge bilatéralement par une extension épaisse, adhérente au canal osseux, appelée ligament dentelé.
Figure 2 : Schéma des méninges et des espaces méningés rachidiens La pie-mère est au contact de la moelle et des racines. L’arachnoïde est accolée à la face profonde de la dure-mère formant l’espace sous-arachnoïdien entre la pie-mère en dedans et l’arachnoïde en dehors. La dure-mère prolonge le feuillet interne de la dure-mère intra-crânienne. Elle n’adhère pas directement aux pièces osseuses formant ainsi l’espace épidural.
De ces enveloppes découlent les espaces méningés intra-canalaires :
- L’espace épidural ou extra-dural est un espace réel entre le périoste du canal vertébral osseux en dehors et la dure-mère en dedans. Il contient essentiellement de la graisse, des vaisseaux à destinée médullaire et méningée et des nerfs (notamment le nerf sinuvertébral participant à l’innervation du corps vertébral). Cet espace est réel et normal à l’étage rachidien contrairement à l’étage intracrânien où il est virtuel, le feuillet externe de la dure-mère étant adhérent au périoste crânien.
- L’espace sous-dural est un espace virtuel entre la dure-mère et l’arachnoïde.
- L’espace sous-arachnoïdien est un espace réel entre l’arachnoïde et la pie-mère. Il contient le liquide céphalo-rachidien. Il communique avec les espaces sous-arachnoïdiens intracrâniens.
- L’espace sous-pial est un espace virtuel entre la pie-mère et les structures nerveuses.
Classification topographique des lésions intracanalaires
Les lésions intracanalaires sont habituellement classées selon leur topographie transversale au sein des espaces intracanalaires, avec les gammes diagnostiques propres à chaque espace. Sémiologiquement, on détermine cette topographie en imagerie en s’aidant principalement de l’effet de masse de la tumeur sur les différentes structures intracanalaires (Figure 3). On distingue ainsi :
- Les lésions extra-durales développées à l’extérieur de la dure-mère dans l’espace épidural. Elles élargissent l’espace épidural et refoulent le sac dural et l’espace sous-arachnoïdien vers le centre du canal rachidien.
- Les lésions intra-durales extra-médullaires (au sein des espaces sous-dural, sousarachnoïdien ou sous-pial). On les distingue par un refoulement de la moelle sans refoulement de l’espace sous-arachnoïdien, qui moule la tumeur. L’espace épidural peut apparaître refoulé vers l’extérieur. La tumeur présente des angles de raccordement aigus avec la moelle épinière.
- Les lésions intra-médullaires se caractérisent par une augmentation du volume de la moelle épinière accompagnée d’un refoulement ou d’un effacement vers l’extérieur de l’espace sous-arachnoïdien voire épidural.
Figure 3 : Localisation des lésions intra-canalaires Une lésion épidurale élargit l’espace épidural et refoule la dure-mère à distance de la vertèbre (A). Une lésion intra-durale extramédullaire comprime la moelle sans élargir l’espace épidural (B). Une lésion intra-médullaire élargit la moelle (C)
Le tableau 1 détaille les principales gammes diagnostiques selon la topographie des lésions.
Tableau 1 : Gammes des principales lésions intracanalaires selon leur topographie
Caractéristiques des principales lésions intra-durales extra-médullaires
Une fois que la topographie précise de la lésion est établie, l’enquête étiologique se poursuit par :
- La caractérisation de la lésion au moyen de plusieurs critères : topographie dans l’axe longitudinal (cervical/thoracique/lombaire/cône), taille, forme et contours, signal spontané, signal après injection de produit de contraste.
- Intégration du contexte clinique du patient : âge, sexe, antécédents, contexte (traumatisme, infection en cours), symptômes (fièvre, état général altéré).
Schwannome et méningiome
Ces deux étiologies représentent 90% des tumeurs intra-durales extra-médullaires. Le tableau 2 résume les principales caractéristiques des schwannomes et des méningiomes intracanalaires.
Lipome intradural
Le lipome intradural est une masse bien limitée, isolée ou incluse dans un syndrome malformatif (moelle attachée basse, myélo-méningocèle). Il est fréquent au niveau du filum terminale (1 à 5% de la population). En TDM, il est de densité graisseuse homogène. En IRM, il apparait en hypersignal T2, hypersignal T1 spontané chutant sur les séquences de saturation du signal de la graisse.
Tératome
Le tératome, dont la forme la plus courante est le kyste dermoïde (tératome pluritissulaire mature), est une masse hétérogène à contenu liquidien séreux et/ou graisseux sébacé. Il s’y associe des contingents calciques et/ou tissulaires. La TDM montre une lésion hétérogène mixte associant diversement des densités liquidiennes, graisseuses, tissulaires et calciques. L’IRM montre une association inconstante de composantes graisseuses en hypersignal T1 spontané, hyposignal T1 après saturation du signal de la graisse ; de composantes liquidiennes en hypersignal T2 et hyposignal T1 ; de composantes calciques en hyposignal T1 et T2 ; de composantes tissulaires en hypersignal T1 après injection de produit de contraste. Le diagnostic différentiel avec lipome peut être difficile en cas de contenu sébacé prédominant. L’identification de contingents tissulaire ou calcifié permet le diagnostic.
Hémangiopéricytome
L’hémangiopéricytome est une tumeur rare au niveau rachidien, plus fréquente à l’étage intracrânien. C’est une tumeur hypervascularisée pouvant lyser les berges du canal vertébral au contact. En IRM, elle apparait en isosignal T1, hypersignal hétérogène T2 avec des ponctuations en hyposignal qui correspondent aux vaisseaux tumoraux. La lésion est fortement rehaussée après injection.
Métastases leptoméningées
Les métastases leptoméningées peuvent être secondaires à une tumeur primitive encéphalique (gliome, médulloblastome, germinome, …) ou extra-crânienne (poumon, sein, lymphome). L’atteinte lombaire est préférentielle. Il s’agit de lésions nodulaires multiples de petite taille. En IRM, les métastases sont habituellement en isosignal T1 (parfois hypersignal T1 si mélanome) rehaussées par l’injection de produit de contraste. Dans cette observation, l’IRM a montré l’existence d’une masse intra-canalaire, intra-durale, extra-médullaire. La lésion est hétérogène avec une composante kystique centrale et une composante tissulaire périphérique rehaussée par l’injection de produit de contraste (Figure 1). L’angle de raccordement de la lésion avec la dure-mère est aigu. Le diagnostic le plus probable est celui de schwannome. La patiente a bénéficié d’une exérèse chirurgicale (Figure 4). L’analyse anatomopathologique a confirmé qu’il s’agissait bien d’un schwannome de forme kystique.
Figure 4 : Aspect peropératoire de la lésion et corrélation radiohistologique Vue peropératoire postérieure qui montre le schwannome (contouré en pointillés), la moelle refoulée (flèche), les berges de la dure-mère (astérisques). Extraits du compterendu opératoire : « Incision de la dure-mère laissant apparaître la lésion (…) charnue, rosâtre-blanchâtre. Debulking de la lésion en la coagulant et en la morcelant avec des ciseaux. Cela nous permet de vider la portion liquidienne-kystique. Plusieurs racines sont fortement adhérentes à la lésion tumorale ». A droite, vue comparative de l’aspect IRM (incidence coronale avec inversion droite-gauche).
Remerciements
Je remercie le Dr A. ATTYE et le Pr A. KRAINIK (Service de Neuroradiologie du CHU de Grenoble) ainsi que le Dr A. ASHRAF (Service de Neurochirurgie du CHU de Grenoble).
Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°42