Union nationale des internes et jeunes radiologues unir n°39 : Hotcase Radeos

Publié le 16 May 2022 à 13:00

Une fille de 12 ans présente des douleurs diurnes et nocturnes du genou droit évoluant depuis 3 semaines. A l’examen clinique, il existe une zone douloureuse et un oedème de l’extrémité proximale du tibia droit, sans fièvre (37°C). La CRP est à 4 mg/L.


Prescription d’une radiographie (Fig. 1) par le médecin traitant, amenant à la réalisation complémentaire d’un scanner (Fig. 2) et d’une IRM (Fig. 3).
Devant ce bilan, une biopsie osseuse est décidée, avec réalisation préalable d’une nouvelle IRM incluant les articulations sus et sous-jacente (Fig. 4) ainsi que d’une scintigraphie osseuse (Fig. 5).

Quel est votre diagnostic ?

  • Sarcome d’Ewing
  • Ostéomyélite infectieuse
  • Ostéome ostéoïde
  • Ostéomyélite Chronique Récurrente Multifocale (OCRM)
  • Syndrome Synovite, Acné, Pustulose palmo-plantaire, Hyperostose, Ostéite (SAPHO)
  • La radiographie et le scanner montrent une ostéocondensation de la métaphyse proximale du tibia droit, avec une ostéolyse corticale médiale avec réaction périostée pluri-lamellaire (potentiellement suspecte) et des lacunes au contact de la physe (Fig. 1 et 2).

    En IRM, il existe un important oedème osseux métaphyso-épiphysaire et une infiltration oedémateuse des parties molles adjacentes sans envahissement tissulaire, orientant vers une ostéomyélite plutôt qu’une étiologie tumorale. Il n’existe pas d’abcès en lieu et place des lésions lytiques, ni d’abcès des parties molles (Fig. 3).

    La seconde IRM (Fig. 4), explorant la jambe droite en totalité dans l’éventualité d’une lésion tumorale primitive, révèle un oedème osseux métaphysaire proximal du tibia controlatéral (en limite de champ sur la coupe coronale DP FatSat amenant à élargir le champ de vue de la séquence injectée) confirmé à la scintigraphie osseuse par une hyperfixation (Fig. 5). Il existe également en IRM une atteinte métaphysaire distale des deux tibias se traduisant par une discrète hyperfixation à la scintigraphie.

    L’atteinte plurifocale rend peu probable l’étiologie tumorale et infectieuse d’autant qu’il n’existe ni altération de l’état général, ni syndrome infectieux, ce qui sera confirmé par la biopsie chirurgicale : l’analyse anatomo-pathologique montre des « lésions fibroinflammatoires ossifiantes (ostéite), sans signe de malignité ». L’analyse bactériologique est quant à elle négative. Le diagnostic s’oriente alors vers une ostéite « aseptique » de type OCRM ou SAPHO. Une consultation dermatologique note une pustulose plantaire des pieds compatibles avec cette orientation diagnostique. Le jeune âge de la patiente et l’atteinte des os longs des membres inférieurs de manière bilatérale sont en faveur de l’OCRM.

    Diagnostic : Ostéomyélite Chronique Récurrente Multifocale (OCRM).
    Le syndrome SAPHO (acronyme de Synovite, Acné, Pustulose palmo-plantaire, Hyperostose, Ostéite) et l’OCRM sont considérés comme les deux versants d’une même affection, de pathogénie incertaine (infectieuse et/ou auto-immune et/ou génétique), qui est caractérisée sur le plan histologique par une ostéite aseptique non spécifique. Ils se différencient par l’âge de survenue, touchant l’enfant et l’adolescent dans l’OCRM, et plutôt l’adulte dans le SAPHO. L’un comme l’autre demeurent des diagnostics d’élimination, et la ponction-biopsie osseuse peut être nécessaire pour éliminer une cause tumorale, en particulier au début quand l’ostéolyse prédomine.

    Cliniquement, l’atteinte osseuse est au premier plan et se traduit par des douleurs inflammatoires et un oedème. Les autres manifestations cliniques sont cutanées avec la classique pustulose palmo-plantaire (plus fréquente dans le SAPHO), et digestives avec une association possible avec les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Une fièvre et une altération de l’état général sont possibles mais rare. La VS et la CRP peuvent être élevées mais la NFS normale.

    Dans le SAPHO, l’atteinte ostéo-articulaire prédomine à la région sterno-costo-claviculaire, suivie par le rachis, le bassin, les os longs, et des arthrites périphériques peuvent être observées.

    Dans l’OCRM, l’atteinte est plus volontiers multiple, de répartition bilatérale, symétrique, d’apparition synchrone ou non. Les os longs des membres inférieurs sont les plus touchés (métaphyses du fémur distal, du tibia proximal et distal et de la fibula distale) ainsi que le tiers médial de la clavicule classiquement sans atteinte articulaire. Suivent le rachis (spondylite) et le bassin (synchondrose ischio-pubienne et sacro-iliite unilatérale évocatrice ou bilatérale). Dans l’OCRM, la sémiologie en imagerie associe classiquement :

    • En radiographie, au début, une ostéolyse métaphysaire jouxtant la physe, uni ou plurifocale rapidement associée à une ostéocondensation péri ou intra lésionnelle. Cette ostéolyse peut s’étendre à la diaphyse et à l’épiphyse. Des appositions périostées peuvent être associées généralement limitées mais parfois exubérantes. Avec l’évolution : l’ostéocondensation (ostéite) et l’élargissement osseux (hyperostose) deviennent évidents.
    • L’IRM montre un oedème médullaire (hypersignal T2 mal limité), épiphyso-métaphysaire, jouxtant le cartilage de croissance et symétrique ; Des remaniements micro kystiques parfois au sein de la réaction oedémato-inflammatoire ; Une réaction périostée fréquente (sous-estimée par les radios) et une infiltration des tissus mous mais sans abcès ni séquestre.
    • La scintigraphie montre plusieurs foyers d’hyperfixation asymptomatiques. L’interprétation est difficile chez l’enfant dans les zones fixant le traceur de manière physiologique (métaphyses jouxtant le cartilage de conjugaison, synchondroses) mais la mise en évidence d’hyperfixations multiples, bilatérale et symétrique est évocatrice.
    • Le développement de l’IRM corps entier devrait permettre de découvrir davantage de lésions multiples, asymptomatiques, a  radiographies normales.

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    Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°39

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