Une mission menée par Actions Santé Femmes (ASF)
Camille Cramez et Marie Kestenare nous racontent leur mission humanitaire en juin et en août 2022.
Pouvez-vous nous rappeler le contexte ainsi que les étapes d’installation d’Actions Santé Femmes lors de cette mission ?
Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, un afflux de réfugiés ukrainiens s’est mis en place vers les pays européens voisins comme la Pologne, la Roumanie et la Moldavie principalement. Depuis le début du conflit ce sont plus de 6,6 millions d’Ukrainiens qui ont fui leur pays. Les populations déplacées sont représentées quasi exclusivement par des femmes et des enfants. Selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA),
265 000 femmes ukrainiennes attendaient un enfant lorsque la guerre a éclaté, et près de 80 000 naissances étaient prévues au cours des trois prochains mois. Dans ces situations de crise, les femmes enceintes sont souvent négligées au profit des blessés et rencontrent des difficultés à être prises en charge. Beaucoup d’entre elles n’auront pas accès à des soins essentiels de santé maternelle et gynécologique. Il faut noter également que le nombre de femmes victimes de violences est considérable et la prise en charge demeure très complexe.
Rapidement, Actions Santé Femmes a décidé de mener une mission exploratoire en Pologne, où le flux de réfugiés était important. Ceci a permis la mise en place d’une unité́ de consultation d’abord au sein du complexe de Tesco à Przemyśl, à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, puis à Varsovie dans le camp de transit de Ptak. Les flux migratoires ayant évolué et
le système de santé polonais parvenant alors à absorber les besoins médicaux des femmes dé- placées et de leurs nouveau-nés, l’ONG a décidé de transférer son action vers la Roumanie où les besoins semblaient importants.
Lors de la mission exploratoire menée fin mai à Bucarest et à Isaccea, à la frontière roumaine avec l’Ukraine, des besoins en santé maternelle, sexuelle et reproductive ont été identifiés pour ces femmes, principalement à Bucarest où un centre d’accueil des réfugiés était en train de se mettre en place sur le site de RomExpo. Ce centre est coordonné par l’agence des Nations Unis pour les réfugiés (UNHCR), qui a confié à l’OMS la charge des consultations médicales.
Au cours de la visite du centre en présence de Joseph Giustiniani et de Stefan Josan de l’am- bassade de France, Madame Cassandra Butu, représentante de l’OMS nous a précisé les activités médicales envisagées pour les familles ukrainiennes. Trois box de consultations ont été prévus :
- Un pour la santé primaire sous la responsabilité de médecins généralistes roumains.
- Un pour la santé mentale sous la responsabilité de psychologues roumains.
- Un pour la gynécologie-obstétrique qui a donc été confié à Action Santé Femmes.
Lors de cette visite, nous avons été informés que les salles de consultation seraient équipées pour une ouverture en juillet 2022. Nous avons pu confirmer que nous serions présents en binôme (gynécologue-obstétricien et sage-femme) pour des missions de 2 semaines.
Activités au centre Romexpo sous la direction de l’OMS :
Du 13 au 18 juin 2022, la première mission consistait à l’installation de la salle de consultations et de prise de contact avec nos partenaires locaux. Le matériel et les consommables étaient fournis par l’OMS en dehors de l’échographe et du cardiomonitoring fœtal que nous avions apporté
Quelle était la population concernée par la mission ? Et par quel moyen les patientes arrivaient jusqu’à vous ?
Il s’agit de femmes ukrainiennes le plus souvent ayant effectué des démarches auprès de l’IOM (International Organization for Migration) en vue de leur installation provisoire ou définitive en Roumanie, cet organisme fournissait un numéro d’identité provisoire permettant à lapopulation ukrainienne de bénéficier des services roumains. Afin que l’existence de nos consultations soient connue par les femmes ukrainiennes nous avions 3 moyens de contacts :
Via Alina Mâinea, notre interprète anglo- ukrainien roumaine mise à disposition par l’OMS
Via Irina Mateescu-Popescu, la présidente de l’Association des sage-femmes indépen- dantes roumaines qui nous permettait de rencontrer les femmes directement au sein de foyers de réfugiées.
En se déplaçant directement à RomExpo où se situait un centre de don alimentaire et vestimentaire.
Des flyers ont également été réalisés par les équipes d’ASF, traduits en ukrainiens et distribués dans d’autres centres afin que notre présence et nos consultations soient connues du plus grand nombre.
Quelles étaient les situations cliniques rencontrée lors des consultations ?
Il existe essentiellement des besoins en gynécologie avec des motifs de consultation assez classiques : troubles des règles, contraception, saignements, infections génitales, désir d’IVG, pathologie mammaire, fuites urinaires mais également du dépistage.
Nous avons eu quelques consultations en obstétrique mais il est probable que les femmes
enceintes consultent directement en maternité.
Nous n’avons pour l’instant, pas été confrontées à la prise en charge de femmes victimes de violences sexuelles mais nous avons pris contact avec les psychologues de RomExpo et des associations locales (Centrul Filia, ANAIS) afin de leur indiquer que nous étions à leur disposition sur le plan médical
Nous avons donc réalisé des :
- Examens cliniques gynécologiques.
- Examens obstétricaux.
- Échographies pelvienne et obstétricales (datation de grossesse).
- Prélèvements : dépistage cervical, prélèvements bactériologiques.
- Poses de DIU.
- Poses de pessaires.
Comment étaient organisées vos activités ?
Les consultations avaient lieux tous les jours de la semaine de 9h à 17h après validation du RDV par téléphone via notre téléphone roumain. 3 fois par semaine notre salle de consultation devait être libérée pour la réalisation des consultations par les médecins généralistes roumains.
Les consultations étaient réalisées en anglais avec l’aide de notre interprète Alina Mâinea mise à disposition par Madame Cassandra Butu, représentante de l’OMS à Bucarest. Les consultations étaient souvent longues (environ 45-60 minutes) du fait de la traduction mais également du besoin important d’échanger des patientes. Tous nos dossiers étaient archivés et protégés et actuellement sous forme d’un dossier numérique. Comme dans un cabinet, les prélèvements que nous réalisions étaient techniqués par le laboratoire qui nous adressait rapidement les résultats. Nous remettions les résultats à chaque patiente avec des explications en ukrainien, grâce à notre traductrice Alina Mâinea. En cas d’intervention ou d’examen radiologique, nous adressions les patientes vers les hôpitaux et cliniques adéquats avec un courrier résumant la consultation et indiquant la raison de ce transfert.
Au total, au sein de RomExpo nous avons réalisé entre le 1er juillet 2022 et août 2022, 253 consultations gynécologiques et 17 consultations obstétricales.
Il nous est rapidement apparu nécessaire de nous rendre directement au sein des foyers de réfugiées afin d’atteindre les femmes ne pouvant se déplacer jusqu’à RomExpo (raisons financières : coût des transports, organisationnelles) et celles ayant laissé de côté leur santé depuis plusieurs années. Nous réalisons désormais, grâce à une collaboration avec la municipalité de Bucarest, des consultations médicales pour les femmes ukrainiennes directement au sein des nombreux centres de réfugiés de Bucarest.
En dehors des activités de consultations, nous avons également souhaité renforcer la prise en charge des femmes ukrainiennes enceintes et de leurs nouveau-nés en participant de manière active à des cours de préparation à l’accouche- ment (antenatal class) et à des visites à domi- cile des patientes (home visits). Ceci a été rendu possible grâce au partenariat important que nous avons avec l’Association des « Sage-femmes indépendantes roumaines ».
Par ailleurs, nous nous sommes également rendu dans un foyer de réfugiées de la ville de Brasov (située à 2h au nord de Bucarest), où nous avons pu, sur inscription préalable, réaliser en petits groupes des échanges sur la santé gynécologique et sexuelles, ainsi que des enseignements prénataux et sur l’allaitement
Quelles sont les évolutions et la suite de la mission prévues par Actions Santé Femmes sur place ?
Il est prévu un élargissement des zones d’intervention vers de nouveaux centres de réfugiés coordonnés par l’OMS : l’éventualité de mise en place de consultations en gynécologie- obstétrique effectuées par les bénévoles d’ASF
dans les WHO refugee centers de Brasov et Iaci. Des actions communes en gynécologie-obsté- trique avec la Croix Rouge Française et MDM sont prévues.
Comment devenir bénévole à Actions Santé Femmes ?
Les internes sont évidemment les bienvenus dans ces missions, vous pouvez trouver des informations complémentaires et remplir un google doc disponible sur le site internet de l’association :www.actions-sante-femmes.org
Les internes sont les bienvenus notamment dans le programme « Santé des femmes en Arménie ».
Ces expériences sont très enrichissantes et utiles pour ces femmes et ces familles en difficulté dans de nombreux pays. Vous pouvez également y faire un don pour soutenir leurs démarches.
Marie KESTENARE
Camille CRAMEZ Anaïs SEVESTRE
Article parue dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / AGOF n°24