Journée des formateurs, Dax, le 04 avril 2014
Dans le cadre de l’enseignement du Module 10 « Prévention de la santé, ergonomie », nous avons souhaité mettre en place une expérience professionnalisante pour les étudiants de 3ème année de l’IFMK de la Croix-Rouge de Bègles (33130).
Les objectifs pédagogiques sont :
• Assimiler et intégrer des savoirs théoriques en sciences de l’éducation.
• Développer des compétences d’éducateur en santé.
• Intégrer la place du masseur-kinésithérapeute dans une politique de prévention.
• Susciter l’envie de futurs professionnels d’investir le champ de l’éducation pour la santé une fois diplômés.
• Nous nous sommes appuyés sur une expérience de Sylvie Lafon (IFMK de la Croix-Rouge, Limoges) dans le cadre de son Master en sciences de l’éducation (Kinésithérapie la revue, 2011) dont la question de recherche était « Une action d’éducation primaire, réalisée par des étudiants influence-t-elle leur inscription paradigmatique dans le domaine de l’apprentissage, de l’évaluation et de la santé ? ».
Ce dispositif pédagogique s’adressait à des étudiants de 2ème année de kinésithérapie et leur intervention concernait des enfants scolarisés en CM2.
Les travaux de Sylvie Lafon avaient conclu que l’expérience pratique d’une action en éducation à la santé permet aux étudiants en IFMK de développer des compétences et d’assimiler plus facilement les savoirs théoriques sur l’apprentissage et l’évaluation. Nous avons donc décidé d’adapter cette expérience dans notre institut.
Définition du projet d’intervention en éducation pour la santé auprès d’élèves de 6èmes Un contexte favorable
• Le programme d’éducation à la santé fait partie des 3 programmes obligatoires du plan régional de santé publique (PRPS) mis en œuvre par le ministère de l’Éducation Nationale.
• La problématique du poids des cartables est régulièrement soulevée au sein des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) au sein des collèges.
• Des infirmières scolaires, un proviseur, une principale adjointe ont pu être rencontrés et ont collaboré avec nous dans la mise en œuvre du projet durant deux années consécutives. Nous avons pu créer ainsi un partenariat pérenne avec trois collèges
Population cible
Notre choix s’est porté sur des enfants scolarisés au collège en classe de 6ème car ils ont un âge propice à l’éducation pour la santé et qui correspond à une période clé de la croissance.
• Il y a plusieurs classes de 6ème au sein d’un même collège ce qui diminue le nombre d’interlocuteurs et de conventions. Les 38 étudiants en kinésithérapie ont été répartis dans trois collèges.
Les étudiants de 3ème année, acteurs du projet
Les 38 étudiants en 3ème année de masso-kinésithérapie sont concernés par cette action qui se déroule en janvier. Les savoirs acquis durant leur cursus leur permettent à cette période, d’adopter une posture d’éducateur en santé plus facilement que si l’intervention se déroulait plus précocement dans la formation.
Structuration du projet
Travail préparatoire
• L’apport des connaissances préalables en éducation s’est fait en 2 cours magistraux de 2 heures au cours desquels ont été abordés les modèles de santé, d’apprentissage, de l’évaluation et de la posture ainsi que les représentations de la santé de l’enfant. Des rappels sur les rachialgies pédiatriques ont aussi été faits.
Deux travaux dirigés de 3 heures ont permis aux étudiants de conceptualiser leur intervention et de réaliser leurs propres ateliers sur le mode du socioconstructivisme :
• Dans un premier temps, les étudiants ont dû réfléchir sur les objectifs visés en termes de connaissances, de savoir-faire et de compétences attendues de la part des enfants à l’issue de l’intervention.
• A partir de ces objectifs, ils ont pu concevoir le contenu et la forme de leurs ateliers : Anatomie du rachis (connaissance) - Perception corporelle (savoirfaire) – Mobilité et application au sport et à la manutention de charges dont le cartable (compétence).
• Enfin, les étudiants ont conceptualisé des outils d’évaluation communs.
Réalisation pratique
Les trois ateliers ont été proposés à chaque classe. Un étudiant animait un atelier. Ce qui a permis de proposer cette action d’éducation à la santé à 15 classes dans la même journée. Cette journée a été identifiée sur le parcours de l’étudiant comme une journée de stage et a fait l’objet d’une convention avec l’établissement d’accueil. Environ 400 élèves ont ainsi pu bénéficier simultanément de cette action de prévention primaire.
Dans chaque classe les enfants ont été divisés en trois groupes. Chaque groupe est passé consécutivement dans chaque atelier sur une durée de 1h30 (une demi-heure par atelier). Les étudiants ont utilisé des supports et du matériel pédagogique commun (Diaporama, squelettes, tapis de gymnastique, questionnaires d’évaluation, …).
Evaluation
•Des élèves de 6ème : Formative : chaque atelier a évalué les enfants de différentes manières : un quizz sur support informatique, un questionnaire pré et post intervention.
•Des étudiants : nous avons évalué les étudiants oralement par groupes de 5 à 6 étudiants regroupés par type d’atelier.
Les critères d’évaluation ont été basés sur l’intégration des modèles de santé, d’apprentissage, d’évaluation et de la posture ainsi que sur la qualité du retour d’expérience et son analyse. Par la qualité des restitutions, cette évaluation a montré l’investissement des étudiants dans cette action d’éducation.
Analyse de la satisfaction des acteurs concernés
Afin d’évaluer la pertinence de notre dispositif pédagogique, nous avons questionné les étudiants. Les résultats sont présentés ci-dessous sous forme de graphiques.
L’avis des étudiants
Nous notons que le dispositif semble adapté à l’acquisition des compétences en éducation à la santé et a suscité un désir chez 27 étudiants d’investir ultérieurement ce champ de compétence.
Il serait intéressant de faire évoluer le dispositif afin qu’il permette aux étudiants de faire mieux les liens avec leur identité et leur pratique professionnelle future.
Le Point de vue des élèves
Une évaluation des élèves a été réalisée dans un collège à deux mois de l’intervention.
L’intervention sur la prévention des « troubles rachidiens liés à la croissance » t’a-t-elle parue intéressante ?
Si OUI, pourquoi ? (Quelques phrases des enfants)
• Maintenant je sais qu’il ne faut pas porter son sac avec une seule bretelle et je sais comment le mettre.
• J’ai appris les choses à ne pas faire (que je faisais avant).
• C’est important de prendre soin de son dos et de connaitre comment éviter d’avoir des problèmes de dos.
• C’était intéressant et amusant, on apprenait en s’amusant.
• Je trouve cela important et je veux faire ce métier plus tard.
• On nous a montré les positions les plus adaptées pour s’asseoir.
• C’est mieux d’apprendre comment moins se casser le dos avec son cartable.
• Maintenant je sais comment prendre mon sac.
• Il n’y a pas de position parfaite pour bien prendre soin de son dos.
• Je ne savais pas comment « marche » le dos.
• Cela nous a appris à adopter des postures pour le dos.
• Parce que j’ai une scoliose et je ne savais pas pourquoi et je suis intéressée par ce sujet.
• Je n’ai pas envie d’être bossu.
Qu’en as-tu retenu ? (Quelques phrases des enfants)
• Pour s’asseoir il ne faut pas se mettre dans des positions extrêmes.
• Il faut s’accroupir quand on prend son cartable.
• Il faut faire des exercices pour préserver notre colonne vertébrale.
• La colonne vertébrale est faite de vertèbres.
• Il faut s’étirer.
Penses-tu qu’il est souhaitable de renouveler cette action l’an prochain pour les 6èmes ?
6A 6B 6C 6D 6E 6F Total OUI 28 24 25 24 28 23 150 (88 %) NON 2 6 5 3 0 5 21(12%)Donne une évaluation de 1 à 10 (entoure ton choix)
6A 6B 6C 6D 6E 6F NOTE 8 7 8 7 8 7 7,588 % des élèves pensent qu’il est souhaitable de renouveler l’expérience, ce qui montre l’impact positif de cette intervention.
Conclusion : un projet gagnant-gagnant
L’évaluation du dispositif pédagogique par les étudiants montre que celui-ci est adapté à l’acquisition des compétences en éducation à la santé et est en capacité de susciter chez de futurs professionnels la motivation quant à l’investissement des champs de la prévention et de l’éducation à la santé.
Le résultat du questionnaire adressé aux collégiens à 2 mois montre bien la persistance de l’impact de cette intervention. Le fort taux de satisfaction pourrait être mis en relation aussi avec la proximité d’âge des intervenants pouvant être considérés comme des « grands frères » ou « grandes sœurs ».
D’autre part, la mise en œuvre d’une action éducative s’inscrivant dans un plan régional d’éducation a permis aux étudiants de se sentir reconnus dans une posture de professionnel.
Ce dispositif pédagogique s’inscrit dans une relation « gagnant/gagnant » entre le collège et l’institut de formation pouvant déboucher sur des partenariats pérennes aux profits des étudiants, des élèves et de la profession de Masseur-kinésithérapeute en encourageant les futurs professionnels à investir le champ de la prévention.
Séverine DESPONS
MK, Master en sciences de l’éducation
Coordinatrice Clinique Korian Château Lemoine, Cenon
Bruno ALBOUY
CSMK, Formateur IFMK de la Croix-Rouge, Bègles
Article paru dans la revue “Syndicat National de Formation en Masso-Kinésithérapie” / SNIFMK n°6