Dans l’Ajmerama, nous souhaitons mettre en avant la diversité et la richesse de la MPR !
Dans chaque nouveau numéro, vous trouverez une interview d’un médecin MPR qui nous présentera son poste.
Dans ce numéro, le Dr LASSALLE va nous présenter son poste de médecin de MPR en centre psychiatrique.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Benoîte Lassalle, je suis médecin MPR à l’UGECAM Nord – Est depuis 2008, et titulaire par ailleurs d’une capacité de gériatrie.
Je partage mon temps entre le centre de Rééducation Orthopédique Louis Pierquin de l’institut Régional de Réadaptation (IRR) de Nancy où je m’occupe principalement de la rééducation vestibulaire, et le pôle de rééducation à l’hôpital central du CHRU de Nancy.
L’Institut Régional de Réadaptation a une convention avec le centre psychothérapique de Laxou (CPN), centre hospitalier spécialisé prenant en charge des adultes et adolescents ayant des troubles de la santé mentale.
Le CPN possède un plateau technique de rééducation avec 2 kinésithérapeutes sur place (2 ETP) qui font partie du personnel de l’Institut Régional de Réadaptation. Le plateau technique se situe au niveau de l’unité de médecine polyvalente, sous la responsabilité de médecins généralistes et de médecins spécialistes de la douleur chronique. Plusieurs médecins spécialistes (cardiologues, dermatologues…) travaillant au CHRU Nancy ont une vacation régulière comme la mienne et consultent dans cette unité.
Les kinésithérapeutes reçoivent en soins les patients en hospitalisation complète, mais non en hospitalisation à temps partiel.
Ils peuvent être amenés à se déplacer au lit du malade en fonction de l’état d’autonomie du patient et de sa pathologie. Je pense tout particulièrement aux patients institutionnalisés en maison d’accueil spécialisée, dont est pourvu le CPN.
Qu’est-ce qui vous a amenée à exercer en tant que médecin de MPR en secteur de psychiatrie ?
Par le plus grand des hasards ! En fait, j’ai remplacé ma consœur en charge de ce secteur pendant son congé maternité et j’ai trouvé cette activité extrêmement intéressante. On m’avait déjà proposé au préalable de m’occuper de ce secteur, mais j’avoue avoir eu quelques réticences du fait de cette population difficile à prendre en charge. C’est un secteur qui fait peur, et il n’y avait pas d’autres candidats pour exercer là-bas.
Pouvez-vous décrire une journée-type ?
Je vais au CPN une demi-journée tous les 15 jours, les mercredis matins. La veille de ma consultation, le kinésithérapeute m’envoie par mail la liste des patients à voir, sur prescription médicale soit des psychiatres en charge des malades, soit des médecins généralistes qui les suivent.
Je peux être amenée aussi à voir des patients à la demande des kinésithérapeutes quand ils rencontrent un problème dans l’évolution de la rééducation.
Les patients viennent en consultation sur le plateau technique, toujours accompagnés d’un soignant qui n’assiste pas à la consultation.
Je rédige un courrier à destination du médecin adresseur au décours de la consultation.
Je peux être amenée à demander des imageries complémentaires et à programmer une prise en charge en rééducation sur le plateau technique.
Une consultation auprès d’un podologue est organisée sur le CPN, qui permet de réaliser sur site les orthèses plantaires prescrites.
Des séances d’activités physiques adaptées sont organisées sur le centre, et peuvent être aussi un bon complément à la kinésithérapie.
Certains patients stabilisés psychologiquement nécessitent une prise en charge en centre de rééducation ; je travaille donc en filière avec les centres.
Parallèlement, il m’arrive de donner des avis en maison d’accueil spécialisée, à la demande de l’ergothérapeute de la structure, pour refaire le point sur le renouvellement d’aides techniques et principalement de fauteuil roulant électrique.
Quels sont les points positifs de cette pratique ?
La population des patients du CPN est très hétéroclite avec des patients ayant des troubles psychiatriques variés, allant des patients dépressifs sans comorbidité psychiatrique à des troubles psychotiques chroniques.
Les malades sont suivis et traités pour leur pathologie psychiatrique, qui n’est pas au premier plan à l’interrogatoire de la consultation. Quand ils viennent me voir ce n’est pas pour parler de cela et ils sont en général très motivés par la rééducation et demandeurs de soins. C’est quelque chose d’actif et de dynamique pour eux. Ils sont contents qu’on s’occupe d’eux, indépendamment de leurs problèmes psychiatriques étant souvent laissés-pour-compte.
Les pathologies rencontrées sont très variées : rachis douloureux chronique, problèmes neuro-orthopédiques anciens non traités, déconditionnement à l’effort dans les suites d’une clinophilie, syndrome dépressif majeur… Bref, certains patients nécessitent véritablement une prise en charge en médecine physique et de réadaptation avec des objectifs très différents mais définis. Je prescris régulièrement du petit appareillage voire du grand appareil, réalisés en ambulatoire.
J’ai la chance de travailler par ailleurs avec des médecins généralistes et de la douleur chronique, que je rencontre régulièrement au décours de mes consultations pour bien encadrer la prise en charge.
Quels sont les points négatifs à cette pratique ?
Le plateau technique de la rééducation se limite à une prise en charge en kinésithérapie. Nous n’avons pas d’ergothérapeute dans le service de rééducation, rééducation qui pourrait être tout à fait utile vu les pathologies rencontrées.
Par ailleurs, souvent le côté psychopathologique est un frein à la bonne progression en rééducation. Je pense particulièrement aux patients toxicomanes sevrés, actifs dans leur rééducation au départ et en sortie d’hospitalisation, et qui rechutent par la suite. Ils reviennent au centre et nous sommes repartis à la case départ.
Se pose aussi le problème de l’accessibilité des patients à une rééducation active. Quand un patient me paraît indiqué pour une rééducation active en centre de rééducation, il convient impérativement d’avoir l’avis du psychiatre avant le transfert, afin d’adresser le patient au bon moment et non pas trop tôt pour éviter les échecs.
Un grand merci au Dr Benoîte LASSALLE d’avoir accepté de répondre à mes questions et de nous permettre de découvrir une nouvelle facette de notre spécialité !
Interview réalisée par
Emma PETITJEANS