D’HIER À DEMAIN
Rencontre avec Stéphane Epelbaum, neurologue à la Pitié-Salpêtrière et chercheur à l’Institut de cerveau et de la moelle épinière.
1. Privé de raison à l’Antiquité
Pas fous les Grecs et les Romains : ils associent déjà l’âge à l’altération du jugement. Le constat ne dessert pas une noble cause médicale mais un aspect juridique : si la personne n’est plus capable de raison, son testament est alors invalide estime Solon, en 500 avant Jésus-Christ. Platon, lui, reconnaît qu’un état de folie ou de maladie, sous l’influence de l’âge extrême, rend excusable certains crimes comme le sacrilège, la perfidie ou la haute trahison. Nous sommes en 350 avant Jésus-Christ. Il attribue le nom de « Des » « Mens », à cet état, qui signifie littéralement privé de raison. Un amalgame qui a la vie dure puisqu’il persiste jusqu’au XXe siècle. A sa découverte en 1911, la maladie d’Alzheimer est d’ailleurs considérée comme une forme précoce de démence sénile. Jusque dans les années 1970 la prise en charge des patients âgés diagnostiqués « déments » se cantonne -toujours- aux services psychiatriques des hôpitaux. Il faut attendre encore dix ans et les 80’s pour que le terme « démence sénile » disparaisse, enfin.
2. Des biomarqueurs plus performants
Aujourd’hui, si on ne sait pas guérir la maladie, on la connait mieux. Elle est définie par trois lésions majeures : la perte neuronale, l’accumulation de peptides bêta-amyloïdes, responsable de la formation des plaques amyloïdes, et l’agrégation des protéines tau (dégénérescence neurofibrillaire). Trois des quatre spécialités aujourd’hui prescrites visent à augmenter la disponibilité cérébrale d’acétylcholine, neurotransmetteur qui facilite la communication entre les neurones. La quatrième étant chargée de bloquer un récepteur au glutamate, molécule qui endommage les neurones. On est loin des bains chauds plusieurs fois par jour prescrits en 1902 par Aloïs Alzheimer. Quant au diagnostic, il a gagné en précision grâce aux biomarqueurs détectables à n’importe quel stade de la maladie, même lorsqu’elle est encore silencieuse. Une révolution à double tranchant car si « les pertes de mémoire ou la confusion ne sont pas encore installées [le diagnostic] pose de réels problèmes éthiques, car aucun traitement curatif ne pourra être proposé au malade », souligne le journal du CNRS.
3. La révolution en 2020
« Depuis 20 ans, la recherche s’est accélérée, souligne Stéphane Epelbaum, neurologue à la Pitié-Salpêtrière et chercheur à l’Institut de cerveau et de la moelle épinière. Plus de 400 études, au niveau international, ont cherché un traitement efficace contre la maladie d’Alzheimer. Beaucoup de chercheurs se sont cassé les dents mais grâce à leurs travaux, les derniers essais sont prometteurs », assure-t-il très enthousiaste. D’ici 2020, un traitement plus efficace devrait cibler directement les lésions amyloïdes cérébrales. « Ce traitement ralentirait de façon bien plus importante la dégénérescence neurofibrillaire afin que le patient gagne significativement en espérance de vie et en qualité de vie, avance Stéphane Epelbaum. Ce serait une vraie révolution comme l’antibiotique dans les maladies infectieuses ! ».
Source : « Historique de la démence » par le Pr J-L Novella, CM2R Reims.
Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°22