Qu'est-ce que la trisomie 21 ?
La trisomie 21, aussi appelée syndrome de Down, est une pathologie génétique, découverte en 1959 par plusieurs médecins français : Pr Jérôme Lejeune, Pr Marthe Gautier et Pr Raymond Turpin et caractérisée par la présence de trois chromosomes au lieu de deux sur la paire de chromosome 21, d'où son nom.
La trisomie 21 est la première cause de déficience intellectuelle d'origine génétique dans le monde et aussi la pathologie génétique la plus fréquente. Elle toucherait environ 50 000 personnes en France, 500 naissances par an et une prévalence variable dans le monde de 1/400 à 1/3000 selon les politiques de santé et de dépistage mises en place.
Quelles sont les formes de trisomie 21 ?
Il existe 4 formes de cette anomalie génétique :
• La forme libre, homogène et complète qui concerne 95 % des individus.
• La trisomie 21 par translocation : le troisième chromosome est accolé à un autre chromosome.
• La trisomie 21 en mosaïque : toutes les cellules ne sont pas porteuses de l'anomalie, ceci survient lorsque l'anomalie génétique s'est produite après la fécondation.
• La trisomie 21 partielle : seule une partie du chromosome 21 est en excédent.
Dépistage et diagnostic
Le diagnostic est confirmé uniquement par réalisation d'un caryotype attestant de l'anomalie génétique. Le dépistage de la trisomie 21 n'est pas obligatoire mais proposé à toutes les femmes enceintes et pris en charge par l'Assurance Maladie. Il débute par l'évaluation de la probabilité que le foetus ait une trisomie 21 en se fondant sur la combinaison de 3 facteurs :
1. La mesure de la clarté nucale à l'échographie du premier trimestre.
2. L'analyse de marqueurs biologiques (béta-HCG et PAPPA).
3. L'âge maternel.
Cela permet d'établir ensuite un calcul du risque d'anomalie génétique. Si le risque est >1/50 la réalisation d'un caryotype foetal par geste invasif (amniocentèse ou ponction de villosités choriales) est proposé. Si le risque est compris entre 1/51 et 1/1000, une analyse de l'ADN foetal par simple prise de sang est proposée (Dépistage Prénatal Non Invasif ou test ADN libre circulant de la trisomie 21).
Présentations cliniques de la trisomie 21
• Risque accru de malformation cardiaque (concerne 40 à 50 % des nouveaux-nés), digestives (atrésie duodénale, maladie de Hirschsprung, 10 % des cas) et de cataracte congénitale (1-2 % des cas).
• Sur-risque de pathologies associées :
- Endocrinienne : hypothyroïdie et hyperthyroïdie.
- Troubles de l'audition et infections ORL (otites à répétition).
- Auto-immunes : maladie cœliaque, diabète et insulino-résistance, pelade.
- Leucémie aiguë (myéloïde et lymphoblastique) en post-natal.
- Orthopédiques : luxation congénitale de hanche, scoliose, luxation cervicale, luxation des rotules.
- Épilepsie (syndrome de West).
- Syndrome d'apnée du sommeil.
- Obésité.
- Démence précoce dont maladie d'Alzheimer.
• Morphotype évocateur (mais non pathognomonique) : macroglossie, yeux « en amande », nuque plate, visage rond, petit nez, hypertélorisme, épicanthus, pli palmaire unique bilatéral, mains et doigts courts, écartement de l'hallux...
• Hypotonie axiale dès la naissance avec retard de développement psychomoteur.
• Hyperlaxité articulaire.
• Déficience intellectuelle, variable, souvent modérée (QI 45-50 pour une norme > 69).
Développement psychomoteur
Moteur : tenue assise vers 6 à 18 mois (N 5-9 mois), 4 pattes 8-25 mois (N 7-13 mois), station debout 10-32 mois (N 8-16 mois), marche 12-45 mois (N 8-24 mois).
Langage : premiers mots vers 9-30 mois (N 6-14 mois), premières phrases vers 18-46 mois (N 14-32 mois).
Le retard de langage est lié à la déficience intellectuelle mais également aux dysmorphies oro-faciales et le développement moteur est gêné par l'hypotonie axiale et l'hyperlaxité articulaire.
Anomalies orthopediques
Les personnes atteintes de trisomie 21 présentent souvent un retard de croissance, dès la période pré-natale des fémurs et tibias chez le fœtus puis de la taille et de l'âge osseux en grandissant.
• Une clinodactylie est fréquente : retard d'ossification de la phalange intermédiaire du 5e doigt.
• Des pathologies du rachis sont également courantes : malformations vertébrales, hypermobilité et instabilité atlanto-axiale et/ou instabilité atlanto-occipitale (15-20 %), canal cervical étroit, arthrose précoce, scoliose.
- Risque de compression médullaire (instabilité charnière cervico-occipitale, canal cervical étroit).
Alors que faire ?
• Examen neurologique complet annuel, bilan radiologique.
• Dépistage annuel de la scoliose +/- bilan radiographique avant l'âge de 10 ans.
• En cas d'anesthésie générale : collier souple préventif, examen neurologique + bilan radio préalable (sauf si chirurgie en urgence).
• Le syndrome du canal carpien semble fréquent, il est recommandé de le rechercher systématiquement par l'interrogatoire et les manœuvres de Tinel et Phanel dès l'âge de 18 ans.
Hanche
• Augmentation du risque de dysplasie de hanche dans l'enfance :
- Surveillance radiologique tous les 2-3 ans pour tous les enfants T21 de 2 à 14 ans.
• Augmentation du risque d'épiphysiolyse de hanche : glissement de l'épiphyse par rapport au col fémoral survenant sur la partie cartilagineuse.
• Toute boiterie apyrétique +/- gonalgie doit faire évoquer et éliminer une épiphysiolyse par réalisation d'une radiographie.
- Surtout en période de puberté, si surpoids/obésité et/ou endocrinopathie associée.
- Examen complémentaire : bilan thyroïdien.
- Complication majeure : nécrose avasculaire de la tête fémorale et chondrolyse.
• Ostéochondrite de hanche ou Maladie de LeggPerthes-Calvé : trouble vasculaire responsable d'une destruction provisoire de la tête fémorale.
- Caractérisé par une boiterie d'aggravation progressive, avec cliniquement une limitation en abduction et rotation interne de la hanche et amyotrophie du membre inférieur.
- Risque de déformation de la tête fémorale : elle peut se déformer et s'aplatir.
- Cause inconnue, plusieurs hypothèses : trouble de la coagulation sanguine, hyperactivité, origine génétique.
- Prise en charge habituelle pour les sujets ayant une trisomie 21.
- Importance une fois encore de la réalisation d'un bilan endocrinien.
Genou et pied
• Sur-risque d'instabilité et de luxation de rotule, lié à l'hypotonie, l'hyperlaxité mais aussi la présence fréquente d'un genuvalgum. Il est recommandé d'examiner régulièrement les genoux des patients T21.
• Présence de pieds plats valgus : difficultés de chaussage, douleur, déséquilibre postural, déformation des pieds…
- La prise en charge est essentiellement orthopédique (semelles, coques, chaussures), la correction chirurgicale s'avère être d'indication rare et de bénéfice modéré.
Un petit mot sur la prise en charge en MPR
Et quoi de mieux pour décrire les enjeux de la prise en charge des personnes porteuses de T21 que de partir de la Classification Internationale du Handicap (CIF) ? Le fonctionnement et le handicap sont des concepts multidimensionnels qui permettent de mettre en avant l'interaction dynamique entre plusieurs composantes.
La CIF ne classifie pas les individus mais bien leur fonctionnement. leurs déficiences, limitations d'activité et restrictions de participation mais aussi les obstacles ou les facilitateurs environnementaux observés.
Nous pouvons donc identifier à partir des déficiences décrites ci-dessus en lien avec les fonctions organiques et structures anatomiques, des limitations d'activité (courir, sauter, etc.) et restrictions de participation (aller à l'école, apprendre un métier, etc.). À partir de ce modèle découle les objectifs de la prise en charge en rééducation :
• Kinésithérapie précoce pour accompagner les acquisitions motrices « basiques », la marche, améliorer les cinématiques articulaires, l'équilibre et « lutter » contre l'hypotonie. La kinésithérapie améliore également la densité osseuse, stimule la mémoire, la dextérité, etc.
• Orthophonie précoce : prise en charge des atteintes du langage, de la communication, des troubles des fonctions oro-faciales et de la voix. Mais aussi l'éducation gnosopraxique orale, éducation polysensorielle, coordination occulo-manuelle, développement de l'oralité alimentaire, développement cognitif global
• Psychomotricité : elle peut débuter vers 4-5 mois et a pour objectif de travailler sur l'équilibre psychique et corporel, coordination, régulation du tonus, mobiliser les capacités d'attention, favoriser l'orientation temporo-spatiale
• Ergothérapie : développement de l'autonomie (en développant les capacités de la personne ou compensant les activités), améliorer la dextérité, le contrôle postural et le tonus musculaire, améliorer les préhensions fines et les praxies gestuelles, accéder aux habiletés préscolaires, améliorer l'acquisition des habiletés perceptivo-cognitives, mise en place d'aide technique et/ou adaptation (outil informatique, téléphone).
• Neuropsychologie : évaluation et soutien des fonctions cognitives globales. Les évaluations sont importantes pour identifier les difficultés et les capacités spécifiques de chaque personne atteinte de trisomie 21 et ainsi proposer une remédiation cognitive. L'évaluation du comportement adaptatif est une dimension importante. Il correspond à l'ensemble des habiletés conceptuelles sociales et pratiques qui permettent à la personne de fonctionner au quotidien. La première évaluation de l'efficience globale doit être proposée aux alentours de l'âge de 4/5 ans lors de la maternelle.
• Prise en charge sociale : ALD30, démarches MDPH (AEEH/AAH, orientation médico-sociale), tutelle, curatelle, habilitation parentale.
- Collaboration pluridisciplinaire entre les parents et les différents professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux.
- Le but principal doit être de tendre vers un développement le plus harmonieux possible plutôt que de réduire l'écart à la norme, prévenir les déficits et anomalies de statique en facilitant les coordinations motrices et les intégrations sensorielles élémentaires et enfin soutenir l'autonomie, l'autodétermination et le développement du pouvoir d'agir.
Le vieillissement
Plus de la moitié des personnes ayant une T21 atteindront au moins 55 ans. Ils sont cependant susceptibles d'avoir un vieillissement cognitif plus précoce mais n'ont pas plus de risque d'avoir un vieillissement pathologique. Des troubles neurocognitifs tels que la maladie d'Alzheimer peuvent apparaître dès l'âge de 40 ans. Le diagnostic est cependant souvent délicat chez une personne présentant déjà une déficience intellectuelle avec une altération cognitive dont le niveau est variable d'une personne à l'autre. Cela souligne l'importance de l'évaluation neuropsychologique régulière afin de pouvoir différencier ce qui relève du vieillissement « normal » d'une éventuelle démence débutante. D'ailleurs l'International Association for the Scientific Study of Intellectual and Developmental Disabilites a émis des recommandations de bonnes pratiques incluant une évaluation de référence et un suivi annuel à partir de l'âge de 35 ans.
Activité physique et trisomie 21
La HAS recommande fortement la pratique du sport chez les personnes ayant une trisomie 21, celle-ci doit être adaptée aux pathologies associées et pour les sports à risque une subluxation atlanto-axiale et atlanto-occipitale doit être recherchée.
Les recommandations en termes d'activité physique sont par ailleurs les mêmes que celles établies par l'OMS pour la population générale : 150 à 300 minutes par semaine à une activité d'endurance d'intensité modérée ou au moins 75 à 150 minutes d'activité d'endurance d'intensité soutenue ou une combinaison équivalente d'activités d'intensité modérée et soutenue tout au long de la semaine. Et 2 fois par semaine ou davantage des activités de renforcement musculaire d'intensité modérée ou supérieure.
L'évaluation de la condition physique est importante, l'évaluation des capacités cardio-circulatoires à l'aide de test d'effort adaptés n'est pas systématique mais réalisée en cas de symptôme à l'effort, antécédent de cardiopathie et/ou risque cardio-vasculaire élevé.
Globalement la recherche systématique d'une instabilité C1-C2 n'est pas consensuelle mais recommandée par la HAS chez les sujets désirant pratiquer un sport à risque. Un dépistage radiologique est alors recommandé. En outre, la HAS recommande de réaliser un examen neurologique annuel chez les enfants et a minima tous les 5 ans chez les adultes.
Sports à risque :
Équitation
Sport de combat/contact
Rugby
Sports automobiles
Sports à fort risque de chute (ski, snowboard..)
- Focus sur l'hypermobilité et instabilité atlanto-axiale :
• En cas de distance atlanto-axiale (ADI) < 4,5mm, aucune restriction sportive n'est préconisée.
• En cas d'ADI entre 4,5 et 10mm un examen neurologique est indispensable :
- Si celui-ci est normal, pas de contre-indication sportive mais éviction des sports à risque + réévaluation clinique a minima annuelle.
- Si l'examen retrouve des signes de compression : indication à réaliser une IRM dynamique puis stabilisation chirurgicale si signes de compression de la moelle à l'imagerie.
• Si ADI >10mm : indication chirurgicale d'emblée.
- Toute instabilité symptomatique doit être stabilisée.
- Focus sur l'hypermobilité et instabilité atlanto-occipitale :
• En l'absence d'instabilité, aucune restriction sportive n'est nécessaire.
• En cas d'hypermobilité supérieure à 2-3mm sur le cliché radiographique :
- Un examen neurologique est réalisé, s'il est normal : éviction simple des sports à risque.
- S'il est anormal : réalisation d'une IRM dynamique.
• IRM normale : surveillance simple avec examen neurologique annuel.
• IRM montrant des signes de compression : indication à réaliser une stabilisation chirurgicale.
- Une hypermobilité > 8mm est une indication à une stabilisation chirurgicale d'emblée, même en l'absence de symptômes.
- Une éducation thérapeutique et sensibilisation aux risques de luxation C1-C2 et signes cliniques de compression médullaire est indispensable, pour le sujet atteint de T21 et son entourage.
Agrawal R, Elfeky M, Yu Jin T, et al. Atlanto-axial subluxation. Reference article, Radiopaedia.org (Accessed on 18 Jun 2024) https://doi.org/10.53347/rID-942
Gaillard F, Yap J, Knipe H, et al. Atlanto-occipital dissociation injuries. Reference article, Radiopaedia.org (Accessed on 18 Jun 2024) https://doi.org/10.53347/rID-23151
NB : Lors d'une anesthésie générale il est recommandé de mettre un collier souple pour tous les sujets porteurs de T21 afin de protéger le rachis cervical, les manipulations et positions extrêmes de la tête doivent être évitées. En cas de chirurgie réalisée en urgence, le patient doit être considéré comme un traumatisé cervical grave. Un examen neurologique doit être réalisé en amont (et en aval) de la chirurgie dans la mesure du possible et un bilan radiologique effectué si la chirurgie nécessite de mobiliser le rachis cervical.
Trisome games
Équivalent des Jeux Olympiques des athlètes porteurs de trisomie, c'est le plus grand rassemblement du monde de sportifs de haut niveau atteints de Trisomie 21.
Quelques performances remarquables :
• Marie Graftiaux, équipe de France paranatation, championne du monde en 200m brasse, 100m et 200m papillon.
• Cléo Renou, également multi-médaillée en paranatation, équipe de France.
• Jason David, champion du monde 2022 de cross court et Long.
• Chelsea Warner, double championne du monde de gymnastique et mannequin.
• Kayleigh Williamson, première porteuse de trisomie 21 à terminer un semi-marathon à Austin (2017).
• Lloyd Martin, premier porteur de trisomie 21 à terminer un marathon à Londres (2024).
• Une seule ombre au tableau : la trisomie 21 ne fait pas partie des pathologies permettant une qualification aux JO paralympiques. En effet les catégories de déficients mentaux ont été exclues du CIO suite à une tricherie en 2000.
Et où en est la recherche ?
Des recherche sont réalisées afin « d'inhiber » certains gènes spécifiques du chromosome 21, qui seraient responsables de la déficience intellectuelle notamment. Une approche par le phénotype est également à l'étude, par intervention sur la transmission défectueuse des neurones entre eux. Enfin une thérapie par « mise sous silence » du 3e chromosome dans son ensemble est également une piste étudiée.
Références
• orpha.net
• trisomie21-france.org
• fondationlejeune.org
• PNDS Trisomie 21, HAS, 2020
• radiopaedia.org
Dr Chloé PACTEAU