Marjorie vous propose un compte rendu des éléments clés à retenir de la session « Toxicité des immunothérapies » présentée par Jennifer CAUTELA et Joe Elie SALEM lors du dernier congrès des JESFC 2019 à Paris.
Certains cancers métastatiques étaient auparavant grevés d’un pronostic effroyable, tel que le mélanome métastatique. Depuis 2011 le traitement par immunothérapie a révolutionné la prise en charge et donc le pronostic de ces patients (Figure 1). Cependant, cette révolution pharmacologique s’accompagne de nouveaux effets secondaires spécifiques que nous devons apprendre à connaître.
Figure 1 : Différences de Courbes de survie sans progression chez des patients avec mélanome métastatique :
A) Sous chimiothérapie seule (courbe noir)
B) Mono-immunothérapie par anti-CTLA4 (courbe verte) ou anti-PD1 (courbe bleue)
C) Sous immunothérapie combinée (courbe rouge
Mode d’action des immunothérapies
Pour comprendre simplement le rationnel de ces nouvelles thérapies ciblées, il est important de savoir comment les cellules d’une tumeur se défendent contre le système immunitaire afin de se développer. En effet, les cellules cancéreuses se protègent de l’action du système immunitaire en inhibant l’action des lymphocytes T via la liaison PD1-PDL1. La plupart des immunothérapies agissent sur ce mécanisme en inhibant cette liaison, afin de rétablir l’action du système immunitaire sur les cellules malignes (Figure 2). Cependant, ces thérapies ont de nombreux effets indésirables sur l’ensemble des organes, appelés immune-related adverse effects (IRAE).
Figure 2 : Mécanisme d’action des inhibiteurs de CTLA4 et anti-PD1
Principe de la toxicité des immunothérapies (immune-related adverse effects = IRAE)
Les organes les plus fréquemment touchés par cette toxicité sont le tube digestif, les poumons et le foie. Les IRAE cardio-vasculaires sont plus rares, mais associés à un pronostic très sombre, jusqu’à 50 % de mortalité (Figure 3).
Figure 3 : Fréquence des IRAE et leur taux de mortalité
Myocardite sous immunothérapie
Les myocardites surviennent le plus fréquemment sous inhibiteurs de PD1, surtout en cas de traitement combiné à une immunothérapie de type CTLA4. Le délai de survenue après le début du traitement est très rapide : après une à trois injections en général.
Cette atteinte relativement rare expose les patients à un pronostic effroyable avec plus de 50 % de mortalité (Figure 3).
Elles sont souvent associées aux hépatites, myosites et à des syndromes « myasthéniques-like ».
Le signe le plus précoce est une modification de l’ECG (négativation des ondes T, troubles conductifs), associée à des symptômes aspécifiques. A un stade précoce de la prise en charge, les examens complémentaires (ETT, IRM) sont souvent faussement rassurants. Puis, le tableau clinique évolue rapidement vers deux formes distinctes :
- Myocardite aiguë fulminante : évoluant rapidement vers des tableaux beaucoup plus bruyants tels que des syndromes coronaires aigus, orages rythmiques et chocs cardiogéniques.
- Myocardite « subaiguë » : forme chronique avec dégradation de la FEVG et apparition d’une fibrose diffuse en IRM cardiaque.
Quelle conduite à tenir en pratique devant une suspicion de myocardite sous immunothérapie ?
> Évoquer la myocardite rapidement devant tout symptôme cardiaque (dyspnée, douleur thoracique, palpitations), modifications à l’ECG, troubles de la cinétique à l’ETT ou élévation de la troponine.
> Devant toute suspicion : arrêter le traitement, faire une évaluation cardio-oncologique rapide et orienter le patient en cardiologie ou en USIC pour la prise en charge.
Le traitement actuel repose sur l’arrêt du traitement et une corticothérapie forte dose.
Figure 4 : Proposition de prise en charge des myocardites toxiques
Quelle surveillance est recommandée chez un patient sous immunothérapie pour le diagnostic précoce de myocardite ?
> Une consultation de cardio-oncologie avec ECG et dosage de troponine est systématique avant l’introduction d’une immunothérapie.
> Un ECG devra être réalisé systématiquement après chaque perfusion afin de rechercher des anomalies précoces permettant de faire le diagnostic de myocardite.
> Un dosage de Troponine est recommandé à 2 semaines, 4 semaines puis 3 mois après le début de la perfusion. (proposition de surveillance d’après Wand et al, Curr Cardiol Rep 2017).
Péricardite sous immunothérapie
L’apparition de péricardites survient le plus souvent sous inhibiteurs de PD1, seulement après 1 à 3 injections du début du traitement, et est associée à une mortalité de 20 %.
Elles sont plus fréquentes chez les patients sous immunothérapie pour un cancer pulmonaire, et sont souvent associées à des pleurésies inflammatoires.
Vascularites
Plus fréquentes sous inhibiteurs de CTLA4, les vascularites se présentent plutôt sous la forme d’une artérite temporale, ou maladie de Horton.
Le délai de survenue est légèrement retardé par rapport à la myocardite, après 2 à 5 injections, et est associée à un taux de cécité de 30 %.
Conclusion
Devant l’augmentation exponentielle de prescription de ces traitements qui ont révolutionné la prise en charge de certains cancers métastatiques, il convient de surveiller les patients, surtout au début de l’instauration du traitement, et d’être vigilant devant tout signe d’alerte.
Afin de mieux se prémunir de ces complications et pour mieux les connaître, pensez à déclarer à la pharmacovigilance tout effet indésirable pouvant être compatible avec cette atteinte.
Les recherches actuelles afin de prévenir ces complications graves sont axées sur les facteurs prédictifs de la survenue d’IRAE cardiaques, et sur le développement d’un antidote.
Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°7