La mort subite se définit comme un décès brutal et inattendu et concerne près de 10 % des décès en France, avec un pronostic effroyable même en cas de réanimation cardio-pulmonaire. Si l’étiologie de la mort subite est d’origine coronarienne chez 80 % des patients sans cardiopathie connue, elle est majoritairement d’origine rythmique chez les patients cardiaques et conduit à l’implantation d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) en prévention secondaire. Pourtant, certaines situations à risque rythmique ne relèvent pas d’une indication de DAI (post-IDM précoce, infection en cours…) conduisant à l’invention d’une solution transitoire pour protéger le patient : la LifeVest© ou gilet défibrillant.
La LifeVest©: pourquoi ?
L’étude VAILLANT
VAILLANT publiée dans le NEJM en 2005 a étudié la survenue d’évènement cardiovasculaire (ACR ressuscité ou mort subite) en post-IDM d’une population de 14609 patients avec une FEVG < 40%.
2 résultats clés de cette étude à retenir :
1) L’altération de la FEVG est un facteur indépendant directement corrélé à la survenue de mort subite (avec un seuil très significatif pour une FEVG < 30 %). Chaque diminution de la FEVG de 5 % est associée à une augmentation du risque d’évènement CV de 21 %, dans les 30 jours suivant l’infarctus.
2) Le risque de mort subite en post-IDM prédomine les 30 premiers jours (2 et 2.5 % de mort subite à 1 mois ) avec un risque 6 fois plus élevé qu’à 1 an, puis qui diminue avec le temps.
La LifeVest© : qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit d’un gilet défibrillant mis au point par l’entreprise américaine ZOLL®. Le système est composé :
- D’une brassière légère, en tissu, comprenant 4 électrodes qui enregistrent en permanence le rythme cardiaque, 3 patchs de défibrillation capables de délivrer un CEE antéro-postérieur et un système de télésurveillance relié 24h/24 et 7j/7 à une plateforme d’assistance.
- D’un moniteur, d’un poids d’environ 800 g, permettant d’analyser selon un algorithme prédéfini les troubles du rythme ventriculaire. Si le patient est conscient, l’alarme déclenchée lui permet d’arrêter la séquence thérapeutique à l’aide de 2 boutons. Si le patient est inconscient, l’alarme avertit l’entourage du patient, qui peut recevoir jusqu’à 5 CEE biphasiques à 150J.
Figure 1. Etude VAILLANT : risque élevé mais transitoire de mort subite dans le 1er mois post-IDM.
Figure 2. Système LifeVest©
La LifeVest© : Recommandations et Remboursements
L’utilisation de la LifeVest©, pour une période limitée, apparait pour la 1ère fois dans les recommandations ESC en 2015 avec un niveau de preuve IIb C. Elle concerne les patients avec un risque rythmique élevé mais non éligibles à un DAI : patient en attente de transplantation, cardiomyopathie du péri-partum, myocardite, post-IDM à la phase aigüe.
Actuellement, la LifeVest© est remboursée en France dans les 4 indications suivantes : Après explantation d’un système de défibrillation implantable pour infection, de la loge ou des électrodes, jusqu’à la réimplantation (guérison de l’infection).
- En attente de transplantation cardiaque (à réévaluer tous les 3 mois avec évaluation du rapport bénéfices/risques et de l’observance).`
- Après revascularisation myocardique si FEVG < 30 %, jusqu’à la réévaluation de la FEVG et discussion de l’indication d’un défibrillateur automatique implantable au 3ème mois.
- Au décours d’un infarctus du myocarde aigu si FEVG < 30 % après les 48 premières heures, jusqu’à la réévaluation de la FEVG et discussion de l’indication d’un défibrillateur automatique implantable au terme du 1er mois.
Attention
LifeVest© indiquée pour une FEVG inférieure à 30 % (plus strict). DAI indiqué pour une FEVG inférieure à 35 %.
La LifeVest© : les études
Registre WEARIT-II
Le registre prospectif post-commercialisation, WEARIT-II a suivi 2000 patients porteurs d’une LifeVest© entre aout 2011 et février 2014 (40 % de cardiopathies ischémiques, 46 % de CMD, 14 % de cardiopathies congénitales).
- Données d’observance :
- Durée moyenne d’utilisation de 90 jours,
- Portage quotidien de 22.5 heures.
- Données de sécurité :
10 patients (0.5 %) ont reçu une thérapie inappropriée, sans conséquence létale pour le patient.
- Données d’efficacité :
- 3 % des patients ischémiques ou souffrant d’une cardiopathie congénitale ont eu un évènement de TV/FV soutenu, traité efficacement dans 100 % des cas dès le 1er choc par le gilet défibrillant puis ayant conduit dans la majorité des cas à l’implantation d’un DAI,
- 1,4 % des patients ont eu un événement de TV non-soutenue,
- 3 décès rapportés sont survenus dans un contexte d’asystolie détecté par la LifeVest© (sans rythme choquable associé).
A noter, une amélioration de la FEVG chez 41 % des patients, tandis que 42 % ont bénéficié de l’implantation d’un DAI, soulignant l’importance de respecter les recommandations concernant le temps de récupération de la FEVG avant implantation d’un défibrillateur.
Etude randomisée récente qui fait couler beaucoup d’encre : « l’étude VEST ! »
Etude randomisée (NEJM 2018) de 2302 patients avec FEVG < 35 % comparant 1524 patients du groupe « LifeVest© » à 778 patients du groupe « traitement standard ». Le critère de jugement principal composite était la mortalité, mort subite ou décès par arythmies ventriculaires dans les 90 jours post-infarctus.
RESULTATS
Concernant le critère de jugement principal, il n’existe aucune différence significative entre les 2 groupes : 25 patients groupe LifeVest© (1.6 %) vs 19 patients groupe contrôle (2.4 %) avec p=0.18 (Figure 3).
Figure 3 : Critère de jugement principal VEST : mort subite ou décès par arythmie ventriculaire. Pas de différence significative entre les 2 groupes.
Pour comprendre l’article VEST : concept « d’adjudication »
Afin de définir une mort comme « subite » et déterminer son origine rythmique ou non, les auteurs ont réalisé une « adjudication ». C’est-à-dire que 2 cardiologues experts indépendants ont classé en aveugle les causes de décès en fonction des comptes rendus d’hospitalisation, d’autopsie, des témoins éventuels et des certificats de décès. Un troisième expert tranchait en cas de désaccord entre les deux premiers experts.
Attention : les enregistrements rythmiques des LifeVest© n’ont pas été utilisés pour classer les causes de décès afin de maintenir l’aveugle de l’étude.
Une des questions essentielles à l’issue de ce travail est de comprendre « Pourquoi ces 25 patients qui ont été adjudiqués comme ayant une mort rythmique n’ont-ils pas été sauvés par leur LifeVest ? »
Parmi ces 25 patients, seuls 9 portaient la Lifevest© au moment du décès ce qui pose le problème de l’observance. Parmi ces 9 patients, seuls 4 avaient vraiment un trouble du rythme adéquatement détecté et choqué mais récidivant précocement en trouble du rythme mortel. Les 5 autres n’avaient pas de trouble du rythme ventriculaire (erreur d’adjudication d’une mort rythmique par les comités car cette adjudication était réalisée en aveugle des données de la LifeVest©). Le taux de mort subite d’origine réellement rythmique est donc surestimé dans le groupe des morts adjudiquées d’origine rythmique.
Prenons alors le problème à l’envers, combien de patients sont vivants et sauvés par leur LifeVest© ? Au total, 29 patients du groupe LifeVest© (1.9 %) ont reçu un choc électrique : avec un choc approprié pour 20 patients (1.3 %) et inapproprié pour 9 patients (0.6 %).
Parmi les 20 chocs appropriés : 100 % ont été efficaces mais 6 patients sont néanmoins décédés. Ainsi, près de deux tiers des patients portant une LifeVest© au moment du trouble du rythme ont donc été sauvés. Sur l’ensemble de l’étude 14 personnes ont été sauvées par leur LifeVest© (0.9 %), mais 4 personnes portant leur gilet sont mortes d’asystolie d’emblée. Discussion importante concernant l’observance de la LifeVest©
Parmi les 48 décès du groupe LifeVest©, 36 patients ne portaient pas leur LifeVest©. Parmi les 25 morts adjudiquées d’origine rythmique dans le groupe LifeVest©, 16 patients ne portaient pas leur LifeVest©, soit 64 % d’inobservance. De plus, au sein des 23 morts adjudiquées d’origine non rythmique dans le groupe LifeVest©, 20 patients ne portaient pas leur LifeVest©, soit 87 % d’inobservance.
Concernant l’observance, il est important de savoir que la LifeVest© est portée en moyenne 16,3h/jour, avec un diminution progressive de l’observance sur les 3 mois : la proportion des patients portant leur LifeVest© toute la journée passe de 81 % à 41 % !
Alors pourquoi une telle inobservance dans cette étude par rapport aux études antérieures citées ? La randomisation dans l’étude des patients avant de leur présenter la LifeVest© est l’une des hypothèses avancée par les auteurs.
Discussion sur la classification de l’origine du décès L’inobservance de la LifeVest© est bien plus mauvaise dans le groupe des morts adjudiquées « non rythmiques » (87 %) que dans celui du groupe des morts « rythmiques » (64 %).
Existe-t-il des morts d’origine rythmique dans le groupe des morts adjudiquées non rythmiques ? La solution, dans une future étude, pourrait-être d’implanter un dispositif de type REVEAL à tous les patients afin de s’affranchir du biais d’adjudication et de connaitre réellement l’origine rythmique ou non du décès.
Enfin, l’analyse en traitement reçu prend alors plus de sens et montre que le port de la LifeVest© réduit significativement les morts subites d’origine rythmique (0.37 % par mois dans le groupe LifeVest© Vs 0.86 % dans le groupe ne portant pas la lifevest avec p=0.03) et la mortalité totale (0.50 % par mois dans le groupe LifeVest© vs 1.91 % par mois dans le groupe ne portant pas la lifevest avec p < 0.001 avec correction de Bonferroni).
MESSAGES CLES
- Le risque de mort subite en post-IDM est majoré durant le 1er mois et si FEVG ≤ 30 %.
- Taux de succès de défibrillation de la LifeVest© est de 100 %, mais il existe 1/3 d’orage rythmique incoercible en post infarctus précoce.
- La LifeVest© lorsqu’elle est portée semble sauver des vies. Dans l’étude VEST, elle a sauvé 14 vies, soit 0.9 % des patients (+1 patient en cross over dans le groupe contrôle) même si le critère primaire de l’étude est négatif. L’inobservance baisse probablement la puissance.
Un nombre important de patients n’adhèrent pas au traitement par la LifeVest©, ces patients sont probablement les mêmes qui sont peu observants pour les médicaments, les changements de mode de vie et le suivi médical. Nous devons donc nous acharner à informer et éduquer nos patients de manière approfondie avant leur sortie d’hospitalisation, pour sauver plus de vies !
L’auteur et relecteur de cet article déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts avec l’industrie en rapport avec son contenu.
Références bibliographiques
Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°6