Témoignages - Internes, jeunes CCA, libéraux

Publié le 18 Jun 2024 à 09:40
Article paru dans la revue « GÉNÉRATION S ENDOC » / Génération ENDOC N°2
#Endocrinologue
#Médecin diabétologue


Temoignage 1

J'ai tout d'abord hésité à répondre à votre sollicitation de témoignage. Bien sûr, je me sentais concerné mais Je n’arrivais pas à mettre les mots et je pense que je voulais considérer tout cela comme derrière moi.

De tels témoignages, vous devez en avoir déjà beaucoup. Mon conjoint m’a incité à tout de même le mettre par écrit. Vous le garderez ou pas, ce n’est pas grave.

Je travaille au sein d'un cabinet de groupe rattaché également à un établissement hospitalier, ce qui nous permet d'avoir une activité mixte avec un cabinet libéral et une activité dans le service. L'activité est a priori “ idéale” avec un travail en équipe, une bonne équipe, un travail intéressant.

Cependant, j'ai traversé une période très difficile avec des idées très noires, très très noires. Ma situation personnelle et familiale a participé bien sûr à ces difficultés. Mais, je n'en pouvais plus de ce travail que j'ai pourtant choisi, adoré, mais ces derniers temps détesté.

Je pense que c'est surtout l'activité libérale qui est à l'origine des difficultés. La charge de travail paraît sans fin. On rajoute des consultations en permanence (patients doublés)... on veut toujours répondre à la demande des praticiens positivement. Les journées de travail durent habituellement entre 12 et 13 heures. Les tâches demandées sont de plus en plus importantes : le matin à 7h30, analyse d'une vingtaine de résultats avant de débuter la consultation. À présent, grâce à la dictée vocale on fait nous-même les courriers, on doit répondre à des sollicitations multiples par mails et par téléphone. Les différentes crises qui ont traversé la profession (Mediator, Levothyrox) ont entamé les rapports avec nos patients, qui sont moins confiants, et la relation est parfois difficile.

C'est mon fils aîné qui m'a fait prendre conscience de la situation dans laquelle je me trouvais. Un jour, il m’a juste dit : tu connais le questionnaire concernant le burn-out, je crois que tu coches beaucoup de cases. BAM !... À ce moment-là, j'ai dû regarder les choses en face et effectivement… je cochais beaucoup de cases.

Une case surtout m'a fait bouger : la disparition de l'empathie vis-àvis de mes patients.

Je me suis donc rendue chez un professionnel : une psychiatre.

Dès le début de l'entrevue, en même temps qu’elle me faisait passer un paquet de mouchoirs, elle m’a proposé un arrêt de travail.

Mais… Il m'était impossible de m'arrêter… la charge de travail serait retombée sur les associées et je ne pouvais pas assumer ça. Malgré ce, sur une période très critique, j'ai dû arrêter pendant 15 jours et j'ai essayé de tenir.

J'ai décidé surtout de réduire le nombre de patients vus par jour, de prendre des jours de repos, d'avoir d'autres activités extraprofessionnelles et même si cela semblait surcharger mon emploi du temps ceci m'a permis de mettre la tête hors de l'eau. Et d’ailleurs je me suis mise à la plongée sous-marine, j'ai rencontré d'autres univers. Je pense être arrivée à un équilibre qui me permet de poursuivre même si tout cela reste fragile.

Entraide

Un mail du Dr Françoise GIROUD-BALEYDIER

 


Chers Amis,

Très belle initiative de travailler sur le sujet de la souffrance des soignants, initiative qui vient de nous être relayée par la présidente de l'ADEL BFC Cécile Guinchard.

Je ne suis plus en activité de consultation, depuis décembre 2022, mais je poursuis une activité ordinale, au niveau départemental et régional.

Au CDOM21, je suis actuellement en charge de la commission entraide : tous les conseils départementaux, chapeautés par le conseil national, ont une activité importante sur ce plan.

L'entraide n'est pas que donner un coup de main financier, mais offre des solutions dont des prises en charge sur le plan psychologique ou addictologique.

Cette commission est peu connue des médecins et il est utile d’en faire connaître l’existence.

Personnellement, depuis que je suis plus disponible pour des permanences et que je rencontre des "primo-inscrits", c'est un sujet que j'aborde systématiquement, et cela leur permet aussi de leur rappeler qu'ils sont autorisés à être mal et à demander de l'aide.

Cordialement

 


Conseil de l’Ordre des medecins et entraide : une de ses missions

Si l’accompagnement de l’Ordre est connu à l’occasion de l’enregistrement des contrats, l’on peut ignorer sa mission d’aide et d’accompagnement pour tous les médecins, quand ils sont confrontés à des difficultés qui peuvent être de toute nature : maladie physique ou psychique, addiction, accident, voire décès, évènement traumatisant avec ou sans violence (qu’il soit personnel ou professionnel), difficultés relationnelles avec un patient et/ ou un collègue ou encore de la difficulté de vivre une plainte, un évènement indésirable, un envahissement par ses émotions, son travail, sa vie personnelle…

Au niveau national, la présidente de la commission est le Dr Valérie LACROIX

  • Le numéro vert : 0800 288 038 – 24/24 7/7 – qui pourra mettre en lien avec différents intervenants – mais pourra aussi relayer vers les conseils départementaux.
  • Deux organismes prestataires : SYNEXIAL = assistantes sociales, et STIMULUS = psychologues.
  • Un organisme financier spécifiquement adapté en cas de surendettement.
  • Un organisme aidant pour une nouvelle orientation professionnelle médicale, si possible et souhaitée.

Sur le plan régional, les CROM ont pris attache avec deux associations :

  • L’ASRA qui couvre la région Rhône-Alpes et maintenant la Bourgogne-Franche Comté (depuis 2014).
  • L’association MOTS qui couvre le reste du territoire (depuis 2010) – Cette association est à l’origine de la création d’un DIU "Soigner les Soignants". Elle peut aussi proposer des DPC. C'est le cas aussi d'associations plus locales, comme l’association IMHOTEP originaire de Normandie.

Sur le plan départemental, chaque CDOM a une commission "Entraide"

Permettant de réagir vite.

En Côte d’Or, il est possible d'avoir un accès rapide à des psychiatres, des psychologues, des addictologues, une assitante sociale quand cela s’avère nécessaire, en complément de l’action des conseillers de la commission, en cours de reconstruction du fait des élections récentes. Ces conseillers peuvent être amenés à suivre au long cours leur confrère ou consœur en difficultés, en association avec les autres suivis (médicaux, assistante sociale selon les besoins de chacun).

En accord avec la CPAM 21, des bilans de santé en Centre de Santé sont proposés depuis 2019, initialement aux médecins libéraux (dénués de médecine du travail), maintenant aux médecins salariés, jusqu’aux internes. Ce bilan en Centre de Santé a la particularité par comparaison avec le public non médical, d’inclure un entretien avec une psychologue : des demi-journées dédiées aux soignants. Si une hospitalisation est nécessaire, il existe, dans le département voisin de Saône-et-Loire, un accès à une clinique où seuls des soignants sont pris en charge. D’autres structures de ce type existent ailleurs.

Ce suivi est totalement confidentiel. Cette notion de confidentialité est totale et indestructible. Le suivi ordinal ne se substitue pas aux soins nécessaires ; il est complémentaire.

Impossible de donner des exemples précis. Va de l’intervention ponctuelle de l’assistante sociale, et/ou de la psychologue, à un suivi très prolongé en parallèle (toujours sans intervenir dans le soin lui-même), en cas d’addiction. Cela peut être une aide dans la mise en place d’une reconversion, suite à un évènement de vie difficile… Cela peut être une simple écoute, un moment d’échanges, un « anti-solitude du soignant ».

L’entraide peut être financière si besoin. L’entraide ne cesse pas en cas de condamnation pénale.

 


Take Home Messages

1 Le médecin n’est pas un super héros ; il a le droit (et le devoir) de demander de l’aide.
2 Si un collègue vous semble en difficultés, n’hésitez pas à « aller vers », sans jugement et en toute confidentialité.
3 Prendre soin de soi est un des quatre piliers de la certification périodique (décrets en attente) ; le CNOM est le collecteur des données la concernant, et en est le garant.

 

 

 


Mes coordonnées
Dr Françoise GIROUD-BALEYDIER (endocrinologue diabétologue retraitée) DIJON - Conseiller ordinal départemental et régional Responsable de la Commission Entraide du CDOM 21 - Tél. : 06 82 66 59 84
Mail : [email protected] et [email protected]

 

 

Temoignage 2

J'exerce en libéral secteur 1 depuis 2018.

Comme beaucoup d'endocrinologues, je suis perfectionniste dans mon travail et je tiens à apporter aux patients en consultation une expertise de qualité, et une relation de confiance. 

Je ressens de l'injustice par rapport à beaucoup d'autres spécialités. Nos études sont longues, le champ de nos connaissances en endocrinologie et diabétologie est EXTRÊMEMENT VASTE et nous avons une formation continue permanente exigeante. 

C'est une spécialité "intellectuelle" avec beaucoup de réflexions sur les régulations hormonales... et un temps non négligeable d'éducation thérapeutique auprès des patients +++.

Nous sommes pourtant parmi les médecins libéraux les MOINS PAYÉS, tout en bas de la liste, après les généralistes. Il suffit de regarder les bilans annuels envoyés par la CARMF pour le constater…

Nos consultations sont longues, souvent supérieures à 30 minutes. Nous n'avons pas d'actes techniques, nous suivons  des patients pour beaucoup en ALD (diabète) et polypathologiques, avec énormément de biologies/bilans hormonaux à récupérer ou comptes rendus à rédiger (donc du temps hors consultations non négligeable+++) et nous n'avons que peu d'aide de la ROSP.

Nous pratiquons une médecine préventive et globale, ce qui prend du temps.

Encore une fois, nous avons fait la même durée d'études que les radiologues, cardiologues... alors pourquoi sommes-nous payés au lance-pierre alors que nous nous efforçons d'apporter un service rendu de qualité aux patients ?

Les charges libérales augmentent de façon exponentielle,  mais pas le tarif de la consultation !! Mes charges représentent environ 70 % de mon chiffre d'affaires. 

Comment faire pour rester en activité libérale dans ces conditions  ??? IMPOSSIBLE. 

Quand j'entends qu’un ancien ministre de la Santé, neurologue, baisse les bras et se tourne vers la médecine esthétique, comme tant d'autres médecins ; car il ne croit plus dans le modèle de la sécurité sociale... cela me révolte ! Il nous laisse tomber !!

Je vois également tous ces médecins qui se déconventionnent... car ils n'en peuvent tout simplement plus. CE N'EST PLUS POSSIBLE. 

On ne va pas continuer à soigner des patients pour y perdre nous-mêmes la santé ! 

Nous demandons une reconnaissance de notre travail. 

J'ai presque HONTE de dire combien je me paie à la fin du mois toutes charges déduites (moins que ma secrétaire)  : OUI… les ENDOCRINOS sont parmi les plus mal payés des tous les médecins... est-ce tolérable !! ???

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Publié le 1718696420000