Témoignage : mais alors t’es cardio ou réa ?

Publié le 24 May 2022 à 14:55


L’idée de cet entretien est née de la réforme de l’internat qui a supprimé le DESC de Réanimation, seul accès possible pour les internes de Cardiologie à la pratique d’une activité en réanimation. Ainsi, cette spécificité française des « cardiologues-réanimateurs » est une espèce devenue rare, car plus aucun interne depuis 1 an maintenant, ne peut suivre ce cursus. L’objectif de cet entretien est de recueillir la vision de l’un de ces « cardiologuesréanimateurs » pour connaître les particularités de son parcours, et surtout pour avoir son regard sur cette réforme.

Interview du François Bagate Cardiologue de formation, actuellement CCA en réanimation médicale au CHU Henri Mondor de Créteil

M. LESCROART : Pour commencer, peuxtu nous dire comment est née cette vocation pour la réanimation au cours de ton internat de cardiologie ?
F. BAGATE : En réalité, je n’ai pas toujours voulu faire de la réanimation. Quand j’étais jeune externe, l’ambiance d’équipe et la polyvalence m’attiraient déjà beaucoup. Cependant, j’avais des doutes sur le fait que l’exercice de la Réanimation pourrait me satisfaire pour toute ma carrière. Puis, dans un second temps la Cardiologie m’est apparue comme une discipline plus facile d’accès et dans laquelle j’arrivais à plus facilement me projeter. En effet, il existait de nombreuses passerelles qui laissaient le choix à une activité variée : de la réanimation, de la rythmologie, de l’imagerie avec une activité plus proche de celle du radiologue, en passant par de la cardiologie interventionnelle. Enfin, je crois que c’est au cours de mon internat que le désir de me consacrer à la réanimation a véritablement pris forme, lors de mon 3e semestre en Réanimation cardiaque à la Clinique Ambroise Paré (Neuilly).

ML : Tu travailles actuellement dans un service de réanimation médicale comme CCA, mais alors quelle est ta place en tant que Cardiologue dans cette équipe ?
FB : Dans un service de réanimation, venir d’horizons différentes est essentiel. Il faut d’abord se spécialiser dans un domaine de compétence. Ma formation a avant tout été celle d’un DES de cardiologie, avant d’être celle d’un DESC de réanimateur. Ainsi, je pense pouvoir me rendre utile à l’équipe lors d’échanges portant sur des prises en charge spécifiques à la cardiologie, notamment du fait de mes compétences en échographie (ETT et ETO).

ML : Le DESC de réanimation a disparu avec la nouvelle réforme. La réanimation est-elle définitivement fermée aux nouveaux internes de cardiologie ?
FB : Rien n’est officiel, mais je pense qu’il sera très difficile pour les nouveaux internes de cardiologie de revenir vers la réanimation. L’inverse est moins vrai. La maquette des nouveaux DES MIR (médecines intensives et réanimations) implique 4 stages hors filière où il est recommandé aux internes d’orienter leur formation vers une surspécialisation. On se retrouvera alors avec des MIR à forte valence cardiologique, néphrologique, etc. L’intérêt est aussi de maintenir des interlocuteurs privilégiés entre les équipes. Je conseille donc aux internes intéressés de plutôt choisir MIR puis d’orienter ensuite leur maquette vers un profil cardiologique… Il sera plus simple dans l’avenir de revenir à une pratique de cardiologue.

ML : Quelle maquette préconises-tu pour le cardiologue qui souhaite faire le DESC de réanimation ?
FB : Il faut faire son premier stage de réanimation ni trop tôt ni trop tard. Le 3e semestre me parait bien. La maquette actuelle autorise officiellement 2 hors filière mais il est facilement négociable pour celui qui veut faire de la réanimation de négocier un 3e stage de Réa avec le coordinateur de DES. Encore une fois, il ne faut pas négliger sa formation de cardiologue : le DESC ne doit pas se faire au détriment du DES. Pour le postinternat, beaucoup se posent la question du double clinicat « Cardiologie + Réanimation ». Je pense pour ma part qu’il faut choisir et orienter enfin sa formation.

ML : Comment se faire un réseau dans le milieu de la réanimation pendant son internat alors que nous n’avons que deux stages de réanimation ?
FB : Il existe, à l’instar du CCF, une Commission Jeune de la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF). De plus, des cours sont dispensés pour les étudiants inscrits au DESC à la Maison de la Réanimation, Paris. Cela permet un échange entre internes, PH et PUPH de divers horizons. Un nouveau syndicat des MIR vient également d’être créé, plus orienté vers le postinternat.

ML : Pour conclure, que doit-on apprendre d’un stage de réanimation quand on est interne de cardiologie ?
FB : Le but du stage de réanimation est justement de sortir de la cardiologie. Il faut apprendre la physiologie ventilatoire, l’infectiologie etc., essayer de jouer le jeu à fond et lire pendant ce stage de la littérature de réanimation notamment. L’intérêt est aussi de sortir avec des acquis techniques : pose de cathéters centraux, intubation… C’est enfin le moment où l’on apprend à reconnaître les situations cliniques graves. Rappelons que sur Paris, pour prendre des gardes « Séniors » en cardiologie pendant son internat, il est exigé d’être passé dans un stage de réanimation auparavant.

Article paru dans la revue “Collèges des Cardiologues en Formation” / CCF N°7

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