Télétravail : L’ensemble des entreprises et des salaries ont du réinventer des modes de communication à travers les outils numériques...

Publié le 30 May 2022 à 16:47


Le mardi 22 septembre 2020, le Medef accepte d’ouvrir une négociation interprofessionnelle sur le télétravail. Six mois de crise sanitaire ont démontré la pertinence et l’urgence de retravailler les contours d’une organisation du travail particulière. Tout et son contraire ont été écrits pendant cette période, et l’utilisation du télétravail par les entreprises françaises pendant le confinement puis du déconfinement a permis de maintenir une activité dans de grands nombres de secteurs alors même que certains souhaitaient enterrer le dispositif en janvier 2020.

Contrairement à l’idée reçue, la généralisation du télétravail a très peu modifié la perception de celui-ci, la proportion de salariés ou d’entreprise qui en ont une vision positive ou négative du dispositif est restée inchangée.

Le télétravail mis en place dans le cadre de l’épidémie de COVID-19 a peu de choses à voir avec le télétravail régulier déjà mis en œuvre dans de nombreuses entreprises. Contrairement aux expériences antérieures, le télétravail pendant la période de confinement n’avait rien d’une organisation choisie, mais bien d’une situation subie sur un temps de travail total accompagné par le conjoint ou les enfants. Il s’agit donc d’un télétravail imposé au salarié et dont la mise en place a été extrêmement rapide. Il s’est pratiqué exclusivement au domicile, les espaces de coworking étant fermés. Enfin, le télétravail s’effectuait à temps plein, sans retour au bureau ni contact avec ses collègues, ses clients, ses fournisseurs, ni ses managers.

Sur ce dernier point, les difficultés rencontrées pour l’exécution de l’ensemble des activités par les salariés ont été peu évaluées. En effet, le télétravail traditionnel permet aux salariés de se concentrer les activités nécessitant un maximum de concentration, réalisant des tâches qu’ils peuvent exécuter seul. Or, le travail n’est pas dans une simple succession de taches réalisables individuellement. Il est composé d’activités collectives telles que la collaboration et la coordination.

Télétravail Yann Hilaire Ergonome L’ensemble des entreprises et des salariés ont dû réinventer des modes de communication à travers les outils numériques... La réalisation de ces activités s’est vu entravé durant plusieurs mois. L’ensemble des entreprises et des salariés ont dû réinventer des modes de communication à travers les outils numériques pour pallier la disparition des réunions physiques, des temps de concertation, ou des temps méta fonctionnels comme le partage d’un café, une pause cigarette ou le temps de repas. La principale conséquence de ceci a été la multiplication des temps de visioconférence, un accroissement de la sensation d’isolement ainsi qu’un déséquilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. Pour les managers, les temps d’échange avec leurs équipes ont été démultipliés, avec un risque majeur de perte d’information et de cohésion d’équipe.

Au-delà de ces points particuliers, d’autres risques pèsent sur les salariés qui découvrent le télétravail à temps plein

Le risque d’isolement, déjà très présent, pour le télétravailleur régulier se trouve renforcé dans cette situation exceptionnelle. Ne plus se rendre sur le lieu de travail, où il retrouvait ses collègues, rend ce risque encore plus prégnant. Ceci est accru chez les populations souffrant de difficultés à utiliser les technologies de communication, notamment les salariés les plus âgés

Le risque d’hyperconnexion au travail est lui aussi plus présent à cause de la sursollicitation par mail, par vidéoconférences ou encore par des groupes sur les réseaux sociaux créés pour l’occasion. Il est important d’avoir à l’esprit que bon nombre de salariés, n’ayant plus de retour direct sur la qualité de leur travail, vont accroître leur activité pour ne pas se faire oublier ou tout simplement se sentir utile.

Dans ce contexte, les organisateurs du travail, l’entreprise ou les encadrants, doivent redoubler d’efforts pour prévenir l’apparition de troubles importants dans leurs équipes. Il est important par exemple :

  • De revoir et adapter les objectifs des collaborateurs.
  • D’assurer un lien régulier avec chaque télétravailleur sans pour autant devenir intrusif dans la sphère intime du salarié.
  • De respecter justement le droit à la déconnexion, notamment si ce sujet n’a pas été débattu dans l’entreprise.
  • D’accompagner les managers de proximité en leur donnant les moyens de soutenir et de coordonner leurs équipes

Il est de notre point de vue essentiel d’effectuer un retour d’expérience sur l’expérimentation de ce télétravail afin de mesurer les effets positifs, les effets négatifs et les points d’amélioration du dispositif. Pour les entreprises qui n’auraient pas encore négocié un accord sur le télétravail, ou mis en place de charte, ces outils deviennent nécessaires afin de préserver l’intégrité de leurs équipes.

Nous conseillons notamment :

  • De définir les salariés éligibles au télétravail.
  • De définir les lieux de télétravail.
  • De rappeler le volontariat et le droit au refus du salarié.
  • De prévoir des périodes d’adaptation.
  • De mesurer la charge mentale liée au travail.
  • De mettre en place les outils pour concilier les temps de vie.
  • De maintenir le lien social.
  • De mettre en place des dispositifs afin de protéger les données de l’entreprise, de former les managers et les télétravailleurs aux enjeux du télétravail.
  • De questionner la prise en charge par l’employeur des équipements de travail et l’application des règles de santé, de sécurité au domicile du salarié.
  • D’aborder les questions du management à distance.

En conclusion, cette période de confinement n’a fait que renforcer les premières conclusions liées au télétravail « traditionnel ». Il est un outil organisationnel à disposition des entreprises afin de construire un cadre opérant pour ses salariés. Négocié et réfléchi, il permettra d’améliorer tant la productivité que les conditions de travail, mis en place de manière anarchique ou détourné de son utilité, il contribuera au développement des risques psychosociaux.

Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°63

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