Table ronde : soins sans consentement

Publié le 26 May 2022 à 16:01

Propositions pour une loi moderne
Yves Hémery

Un seul mode d’hospitalisation, sanitaire
La France est le seul pays à promouvoir l’intervention d’une autorité administrative (le préfet) dans l’admission d’un patient.

Abandon de la notion d’ordre public
La notion d’ordre public relève d’interprétations variables dans le temps et l’espace, au contraire du code pénal, qui ne s’interprète pas. Il revient au Parquet de requérir un examen psychiatrique destiné à établir la réalité d’un trouble mental et la nécessité d’une hospitalisation immédiate, devant le constat d’une transgression de la loi pénale.

Un seul certificat médical circonstancié
Le contrôle établi depuis 1990 par les CDHP met en évidence que le risque d’internement arbitraire est quasi nul. Si le contrôle par le juge intervient rapidement, un seul certificat médical, dès lors qu’il est circonstancié et suffisamment détaillé suffit.
Il est envisageable de conserver une procédure d’urgence, le certificateur pouvant être un médecin de l’établissement d’accueil.

Affirmation de l’indépendance professionnelle du psychiatre hospitalier et du secret professionnel
Les soins sans consentement ne peuvent s’initier sans soupçon que par des praticiens exemptés de toute pression hiérarchique ou administrative. Le médecin est responsable devant le magistrat, et le patient.
Les éléments du dossier ne peuvent être transmis ou consultés que dans le respect des règles du secret professionnel.

Confirmation par certificat motivé du psychiatre dans les 24h
Le psychiatre de l’établissement d’accueil établit au plus tôt, avant l’intervention du juge, un certificat détaillé, motivant la nécessité des soins sans consentement en milieu hospitalier.
En cas de procédure d’urgence, le certificateur sera différent.

Intervention du juge dans les premières 72h
L’intervention du magistrat vise à valider ou infirmer la poursuite des soins sans consentement, au plus proche de l’admission, pendant la période d’observation de 72h.

Compétence du juge civil
La compétence du magistrat ne porte pas seulement sur la forme juridique de la procédure d’admission. Elle porte aussi sur le droit de la personne hospitalisée, sous toutes les formes des droits fondamentaux (dignité, proportionnalité de la privation de liberté aux exigences du soin…) Rien de comparable avec le droit des gardés à vue, ou des personnes retenues en vue d’expulsion, puisqu’il n’existe pas de grief envers la personne soignée. Le point de vue pénaliste est inapproprié.

Abandon de la notion de tiers
Les difficultés à concilier la solidarité devant la maladie, qu’incarne la notion de tiers, avec les exigences du secret, d’une part, et d’autre part, avec la désafférentation de plus en plus fréquente de sujets marginalisés, conduisent à l’abandon de cette disposition généreuse.
Ici aussi, l’intervention précoce du magistrat permet de rétablir le sujet malade dans le champ des préoccupations sociales.

Compétence du juge étendue à l’ambulatoire
Les soins ambulatoires sans consentement, initiés pour favoriser la réinsertion du patient, constituent aussi une privation de liberté, et une limitation des capacités du patient.
Un examen par le juge est donc justifié dans le même délai que celui observé en cas d’hospitalisation à temps plein. On peut indiquer un mois, puis tous les six mois.

Etudes épidémiologiques sur les effets des SASC (PHRC)
L’intérêt des soins ambulatoires sans consentement n’est pas, à ce jour, appuyé sur des études de cohortes robustes et indiscutables. Des programmes de recherche régionaux sur ce thème doivent être initiés sous la forme de PHRC. Études épidémiologiques sur les catégories dites dangereuses (PHRC) Le même constat (absence de recherches de bon niveau de preuve) prévaut pour la catégorie de patients définis comme « à risques », patients ayant fait l’objet d’un jugement ou d’une décision d’irresponsabilité pénale, ou ayant séjourné en UMD.
Un programme de recherche épidémiologique et clinique doit aussi être promu.

Abandon du collège de soignants
Cette formation fait la preuve de son inutilité, puisque le magistrat se préserve la possibilité de nommer des experts avant de rendre sa décision. Le psychiatre traitant qui sollicite la sortie d’un patient « à risque » ne le fait en pratique qu’après avoir recueilli l’avis de l’équipe soignante, à l’instar de la pratique en UMD devant la commission du suivi médical.
Par ailleurs, les soins ambulatoires étant aussi placés sous le regard du juge, le collège perd toute utilité.

CDSP en position décisionnelle de recours de la décision du juge
Les décisions du juge sont susceptibles de recours devant la CDSP, instance indépendante et pluriprofessionnelle, comprenant en son sein un magistrat.
Cette formation peut se voir dotée de compétences décisionnelles, à l’instar des Tribunaux de révision des affaires de santé mentale britanniques.

Attention particulière aux situations des mineurs
Le statut habituel du mineur le fait dépendre des décisions du ou des titulaires de l’autorité parentale, plus rarement de décision de placement (art. 375-9 du cc) par le juge des enfants, ou encore de soins à la demande du représentant de l’Etat.
La situation des mineurs accueillis en service de psychiatrie générale, ou en services fermés devrait bénéficier de l’attention du juge.

Article paru dans la revue “Le Syndical des Psychiatres des Hôpitaux” / SPH n°10

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