
Les troubles vésico-sphinctériens (TVS) sont fréquents dans la maladie de Parkinson et les syndromes parkinsoniens atypiques, notamment l'atrophie multi-systématisée.
Malgré l'absence de risque de complications sur le haut appareil urinaire de ces troubles dans les syndromes parkinsoniens, ils ont un impact non négligeable sur la qualité de vie des patients, le risque de chute voire même leur institutionnalisation rendant leur recherche et leur traitement essentiels. Les patients étant souvent âgés, s'associent aux TVS dus à cette pathologie neurologique, ceux dus à des pathologies urologiques tels que l'hypertrophie bénigne de la prostate chez l'homme ou les troubles de la statique pelvienne chez la femme.
Ce court article a pour but de vous présenter les différences entre les troubles vésico-sphinctériens présentés dans la maladie de parkinson idiopathique (MPI), plus fréquente, et ceux présentés dans l'atrophie multi-systématisée (AMS), pathologie plus sévère, ainsi que les traitements possibles.
Maladie de parkinson idiopathique et troubles vésico-sphinctériens
La maladie de Parkinson idiopathique est la deuxième maladie neurodégénérative après la maladie d'Alzheimer et représente 80 % de l'ensemble des syndromes parkinsoniens. Cette pathologie débute vers l'âge de 60 ans et le sexe ratio est de 1,13 homme pour 1 femme1 .
La prévalence des troubles vésico-sphinctériens est estimée entre 27 et 87 % dans la MPI2, 3. Ils sont corrélés au stade de la maladie et au niveau de dégénérescence neurologique. Cliniquement, le patient présente surtout des signes d'hyperactivité vésicale (HAV) avec des urgenturies avec ou sans fuites, une pollakiurie et une nycturie. La nycturie est le symptôme de la phase de remplissage le plus fréquent avec une prévalence de 86 %. Ces signes apparaissent tardivement : 30 % des patients présentent une HAV lors du diagnostic de MPI et 70 % 5 ans après le diagnostic. Une dysurie peut aussi être présente chez 44 à 70 % des patients, qu'elle soit due à une obstruction sous vésicale (hypertrophie bénigne de la prostate ou « bradykinésie du col vésical » signifiant une mauvaise ouverture ou lenteur à l'ouverture du col vésical4) ou une hypocontractilité détrusorienne (beaucoup plus rare contrairement à l'AMS)5.
Sur le plan physiologique, la dopamine active le thalamus et le cortex qui contrôlent le réflexe mictionnel. Une perte de la dopamine entraîne alors une perte d'inhibition corticale frontale et donc une perte d'inhibition du réflexe mictionnel ce qui entraîne une hyperactivité détrusorienne.
Le bilan urodynamique retrouve le plus souvent une hyperactivité détrusorienne sans incompétence sphinctérienne. Les lésions de dénervation périnéale sont rares et peu marquées à l'EMG périnéal 4.
Atrophie multi-systématisée et troubles vésico-sphinctériens
Elle nous intéresse particulièrement en neuro-urologie du fait de la fréquence, de la complexité et de la sévérité des troubles urinaires dans cette pathologie6. Les patients ayant une AMS présentent de façon précoce, voire même inaugurale, des TVS et des signes dysautonomiques (hypotension orthostatique, troubles anorectaux, troubles génitosexuels...)7. Les TVS se déclarent en moyenne dans les 2 ans suivant le diagnostic d'AMS.
Cliniquement, les patients peuvent présenter des signes d'HAV et, le plus souvent, une dysurie et des fuites à l'effort ou par regorgement selon le mécanisme mis en jeu.
Ces TVS sont certes dus au déficit en dopamine entraînant une perte d'inhibition du réflexe mictionnel, mais aussi à une perte neuronale sur les centres somatiques (noyaux d'Onuf) et parasympathiques sacrés8. Cette perte neuronale explique la dénervation périnéale présentée par les patients dont l'examen périnéal est périphérique avec une hypotonie anale et une aréflexie.
Le bilan urodynamique peut retrouver une hypocontractilité détrusorienne. Du fait de la physiopathologie, une HAD peut être retrouvée sur le BUD mais à moindre fréquence que dans le MPI9. Le BUD peut aussi mettre en évidence une hypocompliance et un obstacle sous-vésical (dyssynergie vési co-sphinctérienne exclusivement dans l'AMS et non dans la MPI10, HBP). La perte neuronale au niveau des noyaux d'Onuf est visible à l'EMG périnéal qui met en évidence une dénervation.
Traitements
Hyperactivité vésicale
Sur le plan thérapeutique, les traitements classiques de l'HAV peuvent être proposés comme la stimulation du nerf tibial périphérique ou encore la rééducation périnéale, d'autant plus si le patient présente une incontinence urinaire à l'effort. Concernant les traitements médicamenteux, les anticholinergiques peuvent être employés, en restant vigilant sur les risque de rétention urinaire ou de troubles cognitifs, notamment chez ces patients souvent âgés et présentant déjà une dysurie. Les Béta-3-stimulants sont efficaces mais non remboursés en France. La toxine botulinique, quant à elle, peut être utilisée : les doses peuvent être de 50 UI Botox si le patient ne peut réaliser les auto-sondages, jusqu'à 300 UI s'il peut s'auto-sonder.
Dysurie
Les traitements de la rétention peuvent être les alpha bloquants si le patient présente une obstruction sousvésicale. Il faut rester vigilant sur le risque d'hypotension orthostatique (notamment chez les patients AMS) et de chutes chez les patients parkinsoniens déjà à risque majoré de chutes. Les auto-sondages peuvent aussi se discuter selon la gêne du patient et le besoin d'instaurer des traitements pour prendre en charge l'HAV.
Sur le plan chirurgical, il faut rester très précautionneux. En effet, il faut éliminer formellement une AMS car, cette pathologie entraînant une hypocontractilité détrusorienne, la prise en charge chirurgicale d'une hypertrophie bénigne de la prostate par exemple n'a pas d'intérêt : le patient ne présentera pas d'amé lioration de sa dysurie et des complications chirurgicales sont possibles. Il ne faut donc pas hésiter à présenter ces patients en réunion multidisciplinaire (MPRs/urologues) après la réalisation d'études pression/débit. Avant toute prise en charge chirurgicale, il faut s'assurer de l'élimination d'un diagnostic d'AMS et prouver l'obstacle sous-vésical (études pression débit* avec BOOI supérieur à 20/ cystoscopie/ urétrocystographie rétrograde permictionnelle). En cas de doute, un test à l'endoprothèse prostatique peut être réalisé. Cette intervention consiste à mettre en place dans l'urètre un dispositif permettant aux urines de s'écouler en ménageant un espace à travers l'obstacle que peut représenter la prostate.
• Les études pression-débit font partie du bilan urodynamique et évaluent la phase mictionnelle contrairement aux cysto manométriques qui évaluent la phase de remplissage vésical. Le patient effectue une miction en position assise ou debout. Les études pression-débit permettent d'évaluer les index de contractilité détrusorienne (BCI) et d'obstruction sous-vésicale (BOOI).
Troubles de la statique pelvienne
La rééducation périnéale associée à la prise en charge d'une sécheresse vaginale est à effectuer dans un premier temps. Un test au pessaire peut aussi être effectué en cas de prolapsus. Chez la femme, en cas de trouble de la phase de remplissage et d'incontinence urinaire à l'effort, tout traitement chirurgical ne sera envisagé qu'après avis neuro-urologique8.
Conclusion
Il est primordial de rechercher des troubles vésico-sphinctériens chez tout patient parkinsonien du fait de leur impact sur la qualité de vie. Reconnaître le modèle de dysfonctionnement des troubles vésico-sphinctériens lors de l'évaluation des patients parkinsoniens peut aider à leur prise en charge et éventuellement faciliter un diagnostic plus précoce de l'AMS par exemple. La différence entre troubles urinaires dus à une MPI ou une AMS est importante notamment pour statuer sur l'intérêt d'une prise en charge chirurgicale ou non. Il ne faut pas hésiter à présenter ces patients en réunion multidisciplinaire de neuro-urologie avant toute chirurgie.
Pour aller plus loin
• En français : Troubles vésicosphinctériens des syndromes parkinsoniens : une revue du comité de neuro-urologie de l'Association française d'urologie. Progrès en Urologie. Phé et al, avril 20138.
• En anglais : A guideline for the management of bladder dysfunction in Parkinson's disease and other gait disorders – Sakakibara et al – 201611. Vichayanrat E, Hentzen C, Batla A, Simeoni S, Iodice V, Panicker JN. Lower urinary tract dysfunction in Parkinsonian syndromes. Neurol Sci. 1 oct 2021;42(10):4045-545.
Dr Camille NOËL
Bibliographie
1. Bennett DA, Beckett LA, Murray AM, Shannon KM, Goetz CG, Pilgrim DM, et al. Prevalence of parkinsonian signs and associated mortality in a community population of older people. N Engl J Med. 11 janv 1996;334(2):71-6.
2. Siroky MB. Neurological disorders Cerebrovascular disease and Parkinsonism. Urologic Clinics. 1 févr 2003;30(1):27-47.
3. Araki I, Kitahara M, Oida T, Kuno S. Voiding dysfunction and Parkinson's disease: urodynamic abnormalities and urinary symptoms. J Urol. nov 2000;164(5):1640-3.
4. Vassel Ph, Robain G, Pichon J, Chartier-Kastler E, Ruffion A. Chapitre I - Troubles vésico-sphintériens des syndromes parkinsoniens. Progrès en Urologie. 1 mai 2007;17(3):393-8.
5. Vichayanrat E, Hentzen C, Batla A, Simeoni S, Iodice V, Panicker JN. Lower urinary tract dysfunction in Parkinsonian syndromes. Neurol Sci. 1 oct 2021;42(10):4045-54.
6. Papatsoris A g., Papapetropoulos S, Singer C, Deliveliotis C. Urinary and erectile dysfunction in multiple system atrophy (MSA). Neurourology and Urodynamics. 2008;27(1):22-7.
7. Wenning G, Scherfler C, Granata R, Bosch S, Verny M, Chaudhuri K, et al. Time course of symptomatic orthostatic hypotension and urinary incontinence in patients with postmortem confirmed parkinsonian syndromes: a clinicopathological study. J Neurol Neurosurg Psychiatry. nov 1999;67(5):620-3.
8. Phé V, Caremel R, Bart S, Castel-Lacanal E, De Sèze M, Duchêne F, et al. Troubles vésicosphinctériens des syndromes parkinsoniens : une revue du comité de neuro-urologie de l'Association française d'urologie. Progrès en Urologie. avr 2013;23(5):296-308.
9. Urinary disturbances in striatonigral degeneration and parkinson's disease: Clinical and urodynamic aspects - Bonnet - 1997 - Movement Disorders - Wiley Online Library [Internet]. [cité 27 déc 2024]. Disponible sur : https://movementdisorders.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/mds.870120406
10. Sakakibara R, Hattori T, Uchiyama T, Kita K, Asahina M, Suzuki A, et al. Urinary dysfunction and orthostatic hypotension in multiple system atrophy: which is the more common and earlier manifestation? J Neurol Neurosurg Psychiatry. janv 2000;68(1):65-9.
11. A guideline for the management of bladder dysfunction in Parkinson's disease and other gait disorders - Sakakibara - 2016 - Neurourology and Urodynamics - Wiley Online Library [Internet]. [cité 25 déc 2024]. Disponible sur : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/nau.22764.