Stage à l’étranger par une étudiante kiné deficiente visuelle

Publié le 10 May 2022 à 23:18

Kévin : Bonjour Juliette, nous échangeons aujourd’hui sur un stage que tu as récemment effectué à l’étranger. Et pas n’importe quel stage apparemment ! Peux-tu, en premier lieu, te présenter aux autres étudiants Kiné ?

Juliette : Bonjour Kévin, tout d’abord je suis très heureuse de pouvoir écrire cet article à destination des étudiants, j’espère que mon expérience pourra aider d’autres étudiants à sauter le pas. Donc comme tu l’as dit, je m’appelle Juliette Boutry et je suis à l’IFMKVH de Paris, institut pour les Déficients Visuels.

Kévin : Pas de suspens plus longtemps, tu vas donc de nous parler de ton stage à l’étranger, avec cette particularité que tu as, en plus de toutes les autres évidemment, d’être déficiente visuelle.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur le lieu de ton stage ?

Juliette : Tout à fait ! Alors, le terrain de stage se situe à Cordoue en Espagne, et a pour nom Fepamic.

Sur place, notre contact est David Nieto. La majeure partie du temps nous devions communiquer en espagnol mais il y a possibilité de parler avec quelques kinésithérapeutes en anglais. Ce qui est parfois très pratique quand on a du mal à se faire comprendre. Il faut aussi savoir qu’en Andalousie, ils ont un accent très fort !

Kévin : Merci pour les précisions, nous mettons à disposition le mail de David Nieto à la fin de l’article. Peux-tu nous développer les caractéristiques du lieu de stage ?

Juliette : Alors c’est un stage en neurologie avec possibilité de bouger entre plusieurs lieux de stage (résidence, lieu d’accueil pour les personnes âgées, centre de pilate, cabinet libéral). Un stage qui est donc très diversifié, avec une réelle volonté d’enrichir le plus possible votre expérience de stagiaire. Le personnel met tout en œuvre pour que nous passions la meilleure expérience de stage possible en étoffant le séjour par des cours sur les pathologies les plus rencontrées. En plus d’une visite de la ville comportant la visite de la célèbre mosquée, un repas dans un grand restaurant nous permet de découvrir les spécialités andalouses. La visite permet de découvrir Cordoue avec un natif qui a pu nous montrer les meilleures recoins de cette ville qu’il nous a fait aimer !

Kévin : En effet ce stage a l’air très complet ! Quels ont été tes moments forts lors de ce stage ?

Juliette : Ce qui m’a le plus séduit concernant Fepamic, c’est leur volonté de favoriser l’insertion des personnes en situation de handicap. Ainsi, chaque employé est handicapé que ce soit moteur, sensitif ou mental. Les kinésithérapeutes sont, par exemple, tous mal ou non-voyants. C’est un état d’esprit que j’ai pu ressentir dès mon premier jour au sein de l’équipe, il n’y avait pas de distinction stagiaire / tuteur comme on a pu parfois le ressentir sur différents terrains de stage.

Kévin : Et qu’en est-il du niveau de vie ?

Juliette : Le niveau de vie est très bon surtout quand on débarque de Paris avec les consommations à 7 €. Avec les différents stagiaires, on avait pris l’habitude de se retrouver au bar à tapas le soir afin de baigner dans la culture espagnole en nous régalant de tapas.

Kévin : En ce qui concerne le logement ?

Juliette : Nous sommes logés directement dans la résidence dans des chambres médicalisées au même titre que les patients. Cela fait moins peur que ça n’y paraît. Au moins, on pouvait mettre nos jambes en déclive et profiter d’une grande salle de bain ! Nous avions un salon avec tables, canapés et télévision mais aussi une grande terrasse pour pouvoir bronzer tout en révisant ! Nous pouvons aussi bénéficier du ménage une fois par semaine ainsi que d’un service de buanderie. Les 3 repas sont compris dans le prix du séjour. Il n’est pas nécessaire d’amener de blouses, elles sont fournies dès le 1er jour.

Kévin : As-tu pu bénéficier d’une prise en charge financière ?

Juliette : Je n’ai malheureusement pas pu bénéficier d’une prise en charge financière car j’ai découvert trop tard le coût du stage (19,83€ par jour). Mais il est tout à fait possible de bénéficier  de prise en charge financière (bourse, partenaires), cf VP International de la FNEK.

Kévin : Merci pour le clin d’œil ! Peux-tu nous dire s’il y avait des compétences requises ?

Juliette : Oui, un bon niveau en espagnol, facilité d’intégration auprès d’un public handicapé, il faut être un caméléon pour pouvoir s’adapter à tous les lieux de stage. Et le plus important selon moi : pouvoir s’accommoder à la vie espagnole, car nous mangions à 14h et à 21h des repas dont on n’avait pas l’habitude en France, une chaleur très importante, même au mois d’octobre, des horaires décalés, etc.

Kévin : Une petite critique et ton avis perso ?

Juliette : C’est un très bon lieu de stage qui permet de découvrir une autre façon de pratiquer la kinésithérapie que ce soit au niveau humain par un rapport soignant / patient différent, par le handicap des soignants qui selon moi leur confère une sensibilité différente. Ou au niveau kinésithérapique pur, par une connaissance différente, des outils différents et une prise en charge plus complète.

Le point noir du stage est le coût à la journée du stage. Mais en vue de tous les services proposés, de la disponibilité du coordinateur qui est joignable avant votre départ pour d’éventuelles questions, qui vous aide pour les papiers administratifs, les arrivées / départs à la gare et autre. Ce coût est finalement compréhensible.

L’un des grands avantages de ce stage est à mon sens l’échange : entre les différents stagiaires (2 allemandes et 4 français à mon arrivée, une drôle d’expérience d’entendre 4 langues pendant les repas) mais aussi avec le personnel de Fepamic avec qui nous avons pu échanger des moments uniques lors de repas de fêtes durant lesquels nous avons fait partie de leur famille, du partage de connaissance et de culture.

Je recommande ce stage à toute personne qui souhaite en apprendre plus dans le domaine neurologique mais aussi qui souhaite ressortir de ce stage avec des souvenirs inoubliables plein la cabeza !

Kévin : Ça donne vraiment envie ! En ce qui concerne l’accessibilité, as-tu eu à faire face à certaines difficultés ?

Juliette : Cette ville, tout particulièrement grâce à Fepamic, a pu ancrer dans sa culture le handicap. Il n’était pas rare de croiser des personnes lourdement handicapées prendre un verre en terrasse, prendre le bus sans avoir le regard des autres peser sur lui. De plus, en tant que malvoyante, d’avoir pu travailler au contact de personnes ayant le même handicap que moi m’a permis de mieux prendre confiance sur mes capacités dans le domaine de la neurologie lourde, de pouvoir profiter de mon stage sans me soucier de ma déficience, et être considérée comme une stagiaire lambda avec quelques difficultés comme les MK. De plus, cette expérience m’a permis de faire connaître la déficience visuelle et nos études aux étudiants qui étaient en même temps que moi en stage. Pouvoir répondre à des interrogations parfois toutes simples, on a pu échanger sur les différences entre tuteurs voyants et tuteurs DV que ce soit dans le positif comme dans le négatif. Ils ont appris à ne plus parler avec leur main, même quand on ne trouve pas le mot espagnol, à ne pas dire “ici” et “là” pour donner la localisation d’un objet, etc. Je pense et j’espère que cela leur donnera envie d’en apprendre plus sur ce monde qui n’est pas si différent !

Contacts :
Boutry Juliette K2 IFMKVH, VP Dé_cients visuels : [email protected]
Gosselin Kévin, MKDE Berck, CM International : [email protected]
Nieto David Reponsable Etudiants Kiné Internationaux au centre FEPAMIC : [email protected]

Article paru dans la revue “Le Journal des Étudiants Kinés” / BDK n°43

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