Soirée de formation Movember questions-réponses

Publié le 22 Feb 2024 à 14:52
Article paru dans la revue « AERIO / RIO » / RIO N°6


Retour sur la soirée de formation MOVEMBER du 21 novembre 2023 avec les Pr Fizazi (Institut Gustave Roussy) et Pr Durand (Hôpital Paris St Joseph)


Paul MATTE
AERIO


Arthur PEYROTTES
AFUF

Cette année, la soirée de formation AFUF/ AERIO de novembre (MOVEMBER) était consacrée aux cancers du testicule. Il s’agit pour 95 % d’entre elles de tumeurs malignes développées aux dépends des cellules germinales. Cette entité peu fréquente (2200 nouveaux cas/an en France) est réputée pour être de bon pronostic avec une survie globale à 5 ans estimée à 99 % pour les formes localisées et à 70 % pour les formes métastatiques.
Dans ce format de Questions/Réponses nous vous proposons de revenir sur quelques points clés qui ont fait l’objet de discussions.

Remerciements aux Professeurs Fizazi et Durand pour leur participation à cette formation ainsi que tous les urologues et oncologues en formation qui nous ont suivis ! Stay tuned…

Quels facteurs peuvent expliquer la stabilité de l’AFP après orchidectomie pour TGNS de stade 1 ?

L’alpha-fœto-protéine (AFP), bien que non spécifique des TG est majoritairement produite par les tumeurs vitellines et le carcinome embryonnaire. Elle n’est pas secrétée par le seminome ou le choriocarcinome. Sa demi-vie est de 5 à 7 jours avec une décroissance lente. Après orchidectomie pour TG localisée (stade I) avec une AFP élevée en pré-opératoire, la surveillance de sa décroissance se fera sur plusieurs semaines avant de  conclure à une maladie résiduelle. « Il faut savoir prendre son temps et réévaluer la décroissance » nous explique le Pr Fizazi. Dans le cas où l’AFP ne revient pas à la normale (ex  : stagne autour de 15 pour une normale inférieure à 4 ng/mL), plusieurs hypothèses peuvent être avancées :

  • Une forme familiale bénigne de sécrétion d’AFP. Son diagnostic se fait par dosage de l’AFP chez les apparentés.
  • Une sécrétion d’AFP sans rapport avec la TG (et non retrouvée chez les apparentés), majoritairement représentée par les atteintes hépatiques.
  • Un cancer du testicule controlatéral (2 à 3 % de TG sont bilatérales, synchrones ou métachrones).
  • Une maladie métastatique, mais qui provoquera inévitablement une réascension précoce des taux d’AFP.

Microcalcifications testiculaires, comment les interpréter ?

La présence de microcalcifications n’est ni nécessaire ni suffisante au développement de TG. Il est important de souligner que 6 % de la population masculine est porteuse de microcalcifications sans aucune lésion maligne sous-jacente. Plus que la présence de microcalcifications, c’est la quantité et la distribution des microcalcifications et leur association à un syndrome de dysgénésie gonadique (hypospade, hypofertilité, ectopie testiculaire, cryptorchidie, syndrome de Down…) qui doit faire suspecter une TG. Plusieurs classifications ont été proposées pour aider le praticien dans sa prise en charge. Il ne s’agit en aucun cas d’une urgence diagnostique et une simple surveillance peut être proposée. Rappelons que le diagnostic peut être porté par la biopsie testiculaire (réalisée par voie inguinale) dont les risques et les complications ne sont pas négligeables.


Figure 1. Échographie scrotale bilatérale, testicules droit (A) et gauche (B). Nombreuses microcalcifications intéressant tout le parenchyme (grade III). Lésion nodulaire, polylobée, hétérogène d’environ 2 cm du testicule droit fortement suspecte.

Quels sont les facteurs de risque anatomo-pathologiques d’évolution métastatique après orchidectomie ?

Le risque de récidive métastatique après orchidectomie est estimé à 25  %. Cette récidive apparait en général dans les 2 ans suivant l’intervention, et intéresse préférentiellement le rétropéritoine. Trois facteurs de risque sont historiquement reconnus : la taille tumorale >4 cm et l’invasion du rete testis –  communément appelés critères de Warde – pour les TG séminomateuses, et l’invasion lymphovasculaire pour les TG non séminomateuses. Il n’existe pas de seuil univoque de taille lésionnel à partir duquel le risque de récidive métastatique est signifi cativement élevé, mais plus la lésion est volumineuse, plus les patients sont à risque de développer une maladie métastatique (Chung et al., Cancer Med, 2015).

Quel traitement adjuvant pour les séminomes de stade I ?

Comme le Pr Fizazi l’a précisé, la prédiction de la rechute métastatique d’un patient atteint de séminome n’est pas aisée. « Seuls » 17 % des TGS de stade I présenteraient une récidive à 5  ans ce qui signifie que plus de 8 patients sur 10 seraient traités par excès en cas de traitement adjuvant systématique. Il faudra donc discuter avec le patient des bénéfices et des risques attendus d’un cycle de Carboplatine AUC7. La place de la radiothérapie adjuvante en « dog leg » est devenue marginale et n’est plus recommandées en première intention.

Figure 2. Recommandations du CCAFU sur le traitement adjuvant des séminomes de stade I (Savoie et al. Prog Urol 2022)

Quelle place pour l’imagerie métabolique ?

Il n’existe aucune indication à l’heure actuelle à réaliser une scintigraphie osseuse dans le bilan diagnostique, d’extension ou de récidive des TG. En revanche, la tomoscintigraphie par émission de positons couplée au scanner (TEP-TDM) a pris une place considérable dans le bilan de réévaluation des TGS métastatiques de bon pronostic depuis l’essai SEMITEP (Loriot et al, Eur Urol, 2022). Dans cet essai français de non-infériorité, les patients atteints de TGS de bon pronostic recevaient 2 cycles d’EP (Etoposide-Cisplatine) puis bénéficiaient d’une TEP-TDM marquée au FDG. Une désescalade thérapeutique était proposée chez les patients avec TEP négative (1 cycle complémentaire de Carboplatine AUC7). Les patients qui présentaient une TEP positive poursuivaient leur traitement par deux cycles d'EP. Le taux de survie sans progression à 3 ans était de 90 % (IC à 95 % : 74,4-96,5%) dans le groupe EP versus 90,8 % (IC à 95 % :  81,4-95,7) dans le groupe Carboplatine. La neuropathie périphérique et l'ototoxicité étaient significativement plus élevées dans le groupe EP (p<0,0001 et p=0,00223 respectivement). Cette désescalade basée sur une TEP négative après deux cycles initiaux semble être une option thérapeutique non inférieure en termes d’efficacité et permettrait de diminuer considérablement les toxicités chimio-induites.

Figure 3. Design de l’essai randomisé de phase III français SEMITEP

Quand opérer les masses résiduelles ? TGS versus TGNS

On parle ici de patients avec une maladie métastatique chez qui des lésions supra-centimétriques persistent après plusieurs cycles de chimiothérapie malgré des marqueurs normalisés.

Concernant les TGS, une prise en charge chirurgicale des masses résiduelles est indiquée en cas de lésions de plus de 3 cm fixant au PET-FDG. Ce dernier doit être réalisé avec un délai minimum de 6 semaines voire 3 mois après la fin de la chimiothérapie. En cas de lésion douteuse (taille limite, fixation équivoque) une surveillance peut être proposée.

À l’inverse, cette situation peut concerner jusqu’à 40  % des patients atteints de TGNS métastatique et sa prise en charge ne peut être différée. En cas de lésion supra centimétrique, le traitement sera chirurgical et les limites du curage dépendront du territoire des lésions visualisées. Dans la situation de masses résiduelles rétropéritonéales, le curage standard est délimité par les pédicules rénaux en haut, les axes vasculaires iliaques en bas, le ligament prévertébral en arrière et les uretères latéralement. En moyenne, l’analyse définitive retrouve 10  % de tumeur active et 30 % de tératome non sécrétant. Certains patients (adénopathie < 5 cm, homolatérale à la lésion primitive et sans adénopathie inter-aortico-cave), peuvent bénéficier de curages restreints (dits unilatéral modifié droite ou gauche) afin de diminuer la morbidité péri-opératoire, et notamment de réduire le risque d’éjaculation rétrograde.

Quelle prise en charge pour les TGNS métastatiques de mauvais pronostic ?

Il arrive que l’orchidectomie première n’ait pas sa place dans la prise en charge des TG. C’est notamment le cas des TGNS métastatiques de mauvais pronostic. En cas d’atteinte pulmonaire symptomatique, le diagnostic se fera devant la découverte de lésions évocatrices à l’imagerie associées à des marqueurs tumoraux élevés chez un patient jeune. Il s’agit alors d’une urgence thérapeutique et le traitement consistera en une chimiothérapie réalisée en réanimation en raison du risque de détresse respiratoire. Le protocole de chimiothérapie sera adapté afin de diminuer le risque de relargage cytokinique lié à la lyse tumorale (EP à dose réduite, perfusé sur 2 ou 3 jours plutôt que 5, et sans Bléomycine). Une fois la phase critique passée, le bilan d’extension comprendra une imagerie cérébrale (atteinte encéphalique fréquente dans cette situation). La réévaluation précoce des marqueurs tumoraux (AFP et HCG) permettra d’adapter les traitements ultérieurs. L’étude GETUG 13, essai multicentrique de phase III, a randomisé 254 patients atteints de TGNS de mauvais pronostic en fonction de leur réponse biochimique à 3 semaines d’un premier cycle de BEP (Fizazi et  al. Lancet Oncol. 2014). Les patients qui avaient une cinétique favorable poursuivaient leur traitement par 3 cycles supplémentaires de BEP (protocole standard). Les patients dont les marqueurs avaient une cinétique défavorable étaient randomisés entre 3 cycles de BEP (bras contrôle) et une chimiothérapie intensifiée (bras dose dense). La survie sans maladie à 3 ans était de 59 % (IC à 95 % 49–68 %) dans le bras dose dense versus 48  % (38–59  %) dans le bras contrôle (HR 0,66  ; IC à 95 % 0,44–1,00  ; p=0,05). Le protocole de chimiothérapie intensifi ée pour les patients atteints de TGNS métastatique de mauvais pronostic ne répondant pas à un premier cycle de BEP est aujourd’hui devenu le gold standard.

Figure 4. Design de l’essai de phase III GETUG 13

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Publié le 1708609977000